L’union fait la force… artistique. Diane Frost et Aurélie Fréoua, deux Françaises de Londres et artistes en résidence Wetland Centre (Barnes), ont travaillé main dans la main pendant six mois pour présenter leurs œuvres. Visible du 1er juin au 31 août, cette exposition, intitulée “Fragments of nature”, a pour objectif d’illustrer, à travers des “fragments” d’art, le lien profond connectant l’être humain à la nature.
Aurélie Fréoua n’a pas toujours été artiste peintre. Cette Française, installée à Londres depuis 10 ans, s’était d’abord lancée dans des études de mathématiques appliquées à l’économie, avant, confie-t-elle, de changer de parcours et d’explorer le domaine artistique qui la passionnait. “J’ai commencé par étudier le théâtre et l’acting puis je me suis rendue compte que je préférais exprimer ma créativité à travers les arts visuels”, explique-t-elle. C’est son master Fine Art à Camberwell College of Arts, où elle a étudié entre 2014 et 2016, qui confirme sa réorientation professionnelle.
Mais cette passion de l’art remonte à bien plus longtemps. “J’ai toujours été intéressée par l’art et la peinture car mon père peignait”, raconte Aurélie Fréoua, “nous allions visiter des musées ensemble très régulièrement. Je le regardais peindre quand j’étais petite et il me demandait de lui faire des commentaires sur ses tableaux”. Elle-même tente quelques œuvres, “des petites peintures et dessins”. Mais ce n’est que quelques années plus tard, qu’elle réalise à quel point ces souvenirs avaient impacté son esprit et son inconscient. “J’ai ensuite développé une certaine vision artistique et créative. Cette passion pour l’art a grandi au fil des années avec les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer sur ce chemin”.
C’est juste après son installation à Londres, qu’elle commence “à peindre intensément”. Elle entame petit à petit des collaborations notamment avec le Vortex Jazz Club depuis 2017 où, dans le cadre de ses performances multidisciplinaires et expérimentales ‘Résonances’, Aurélie Fréoua performe et peint en ‘live’ en interaction avec des musiciens, poètes et danseurs. “J’explore également d’autres médias, textures et techniques mixtes ainsi que la sculpture et céramique”. Son style, elle le définit ”comme une exploration abstraite de formes et de couleurs”. “Je tente de capturer l’instant et de le rendre visible ainsi que les émotions qui s’y cachent. Je suis fascinée par les notions d’invisible et d’infini que j’essaie de mettre en image à travers des compositions rythmiques et harmonieuses de formes, couleurs et mouvements en jouant sur les contrastes et lumières”.
Un style figuratif et surréaliste pour représenter son imagination et ses pensées. Qu’elle expérimente également avec d’autres matériaux et procédés comme le printmaking, les collages et elle a même commencé à ajouter des mots sur mes toiles. “À travers mes créations, je cherche à donner de la substance au temps qui passe et à représenter la dimension poétique des émotions éphémères afin de les rendre presque palpables et de faire perdurer leur intensité”, confie la Française, qui ajoute, “en collaborant avec Diane, j’ai redécouvert et approfondi le cyanotype que j’aimerais continuer à utiliser dans mes tableaux à l’avenir”.
Les deux artistes se sont rencontrées par le biais d’amis en commun. “Diane avait son atelier près de Queen’s Park au même endroit qu’un ami réalisateur”, raconte Aurélie Fréoua, “ensuite, j’ai eu l’occasion de la recroiser lors d’un vernissage à la Jacobson Gallery il y a quelques années”. C’est Diane Frost qui a eu l’idée de collaborer avec elle. “Elle a commencé par me parler de ses livres d’artistes avant de m’inviter à réaliser cette belle résidence artistique au Wetland. J’aimais beaucoup ses gravures et sa passion pour la nature. J’essaie parfois d’écrire de la poésie et son approche poétique m’a inspirée. Cette collaboration nous a permis d’apprendre à nous connaître et nous avons partagé beaucoup d’émotions”.
Un sentiment également partagé par Diane Frost, qui explique avoir aimé “le travail très coloré et intuitif d’Aurélie et sa capacité à exécuter de grands formats”. “C’est pour ça que je l’ai invité à me rejoindre. Ce projet nous a permis de nous découvrir et de nous apprécier”, confie l’artiste, installée à Londres depuis 1989. Aujourd’hui peintre et graveur, la Française a d’abord travaillé dans la publicité avant de devenir traductrice, puis de se consacrer à la gravure qu’elle a découvert en reprenant des études au Kensington and Chelsea College en 2012. L’art, elle s’y est toujours intéressée, confie-t-elle, ne serait-ce que d’abord par le choix d’études littéraires, en intégrant HypoKhâgne et Khâgne puis en réalisant une maîtrise de littérature comparée.
Aujourd’hui, Diane Frost grave plus qu’elle ne peint depuis son atelier de Kew Garden. Son style, c’est de combiner différentes techniques. “Mais leur dénominateur commun est le ‘Nature Printing’. Que je fasse des monotypes ou des cyanotypes, je travaille avec des éléments naturels comme des feuilles, des plumes, le soleil (pour exposer mes plaques ou photogrammes), la pluie, la neige… Le cyanotype par exemple, que j’ai beaucoup utilisé pour cette exposition, est une collaboration avec le soleil et capture un instant, une intensité : c’est une manière de collaborer avec les éléments naturels”. La Française réalise également des impressions directes de nature dans ses “gyotakus”. “J’aime rajouter des éléments de collage ou des mots. J’utilise souvent la forme du livre d’artiste qui convient bien à mon style intimiste et poétique”. Côté peinture, en collaborant avec Aurélie Freoua, Diane Frost confesse s’être mise à l’acrylique. “J’ai introduit aussi plus de couleurs dans mon travail. Nos travaux à quatre mains reflètent bien l’angle collaboratif et expérimental de notre projet”, avance-t-elle.
Avec “Fragments of nature”, l’artiste française avait pour idée “de créer une expo spécifique, inspirée par la nature mais surtout par le Wetland Centre, qui sont des lagons sur une ancienne station de traitement des eaux”. Ce projet, ajoute-t-elle, a donc été mené en immersion dans cette réserve naturelle, vide de visiteurs (à cause du confinement) et seulement habitée par les oiseaux et les loutres. “Nous avons vu évoluer l’espace à travers les saisons et le retour des oiseaux migrateurs depuis avril est un festival d’émotions et de découvertes, par exemple ! Ce projet nous a montré combien notre engagement avec la nature était important pour notre bien-être et, à travers nos créations, nous voulons partager ce que nous avons vécu et appris durant cette résidence”.