“The Curl Talk Project est là pour nous faire discuter de tout ce qui concerne les boucles, la race et la féminité”, titrait en décembre 2017 le journal Metro UK. “The Curl Talk Project, l’initiative photo qui décomplexe les femmes aux cheveux bouclés et crépus”, expliquait encore Cheek Magazine. “Ce projet photo veut permettre une meilleure représentation des cheveux crépus et bouclés”, confiait de son côté BuzzFeed en avril dernier. Derrière ce site internet – The Curl Talk Project – qui cartonne et qui parle donc de cheveux, mais pas que, se cache une Française installée à Londres, Johanna Yaovi. La jeune femme de 29 ans avait un objectif : aborder la question raciale, elle qui est métisse et qui s’est longtemps posée la question de son identité à travers sa chevelure héritée de sa mère béninoise.
100 femmes ont accepté de se faire tirer le portrait et parler de leurs cheveux. Il aura fallu plus d’un an de travail à Johanna Yaovi pour regrouper tous ces témoignages et lancer son site “The Curl Talk Project”, qui est, raconte la Française de Londres, bien plus qu’un lieu où l’on parle de cheveux. “J’avais envie de prendre ce prétexte pour parler de la race, de la diversité et de la représentativité”, confie celle qui est née d’”un père blanc et d’une mère noire”. Ce métissage n’a pas toujours été évident à porter, non pas par elle, mais à travers le regard des autres. “J’ai grandi avec ma mère et j’ai donc été baigné dans la culture béninoise durant mon enfance. Quand je disais dans la communauté noire que je l’étais aussi, les gens me rappelaient que j’étais métisse. Quand je disais que j’étais métisse, les gens me reprochaient de dissimuler mes origines”. Un vrai casse-tête pour une adolescente, qui n’en demandait pas tant.
Plus petite, sa maman lui expliquait qu’elle devait être fière de cet héritage culturel africain, pourtant la jeune Johanna Yaovi grandit en la voyant se lisser ses cheveux. C’est donc l’incompréhension totale pour la Française. Surtout qu’elle raconte que depuis ses 5-6 ans, elle avait fait de sa chevelure une obsession. “Je voulais que ma mère arrête de me coiffer, je détestais mes cheveux frisés. Plus tard, je voyais aussi mes copines se défriser les leurs”. Toutes ces expériences et questionnements ne la quitteront jamais.
Quand elle débarque à Londres il y a un peu plus de 5 ans pour finir son master au London College of Communication, Johanna Yaovi tombe vite amoureuse de la ville. “Il y a tellement de profils de femmes et donc de cheveux différents, bien plus qu’à Paris. Venir ici m’a permis de m’affirmer davantage”. Lui vient alors l’idée de lancer ce site internet, The Curl Talk Project, où elle donnerait la parole aux femmes aux cheveux frisés et comprendre leur relation à leur chevelure. “Il faut qu’on cesse de lier les cheveux à un aspect esthétique. Ils peuvent aussi être le symbole d’un héritage culturel que l’on cultive ou non. D’ailleurs chaque femme vit sa relation avec ses cheveux différemment”, expose Johanna Yaovi. C’est cela qu’elle partage avec ses interviewées qui racontent justement comment elles vivent tout cela. “Quand je retranscris nos échanges, j’essaie aussi de me souvenir de ce qu’elles dégageaient. Je veux que chaque témoignage soit unique, même si parfois les expériences racontées pouvaient être similaires”.
Au départ, elle interviewe d’abord des copines, puis des copines de copines et tout s’enchaîne. “J’ai commencé à réseauter, à aller à différents événements, j’ai fouillé sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram”, confie la Française qui trouve un multitude de profils de cheveux bouclés : blonds, bruns, courts, longs avec des femmes noires, blanches ou d’origine arabe. Pour atteindre finalement son objectif de 100 témoignages et enfin lancé son site. Toutes les histoires sont accompagnées de photos portraits des femmes qui ont pris la parole.
Des retours, la Française en a eus et ils ont été nombreux, ce qui l’a encouragé à continuer sur cette voie. Alors pour célébrer le succès et le premier anniversaire de “The Curl Talk Project” en décembre dernier à Londres, la jeune femme a voulu tenté une nouvelle expérience. “J’ai organisé un panel de discussion avec quatre femmes à la texture de cheveux différente, avec un héritage culturel différent ainsi que des activités professionnelles différentes”. Il y avait ainsi une créatrice de produits naturels pour les cheveux, une experte en boucles, une blogueuse spécialisée dans les cheveux naturels et une activiste des cheveux afro. De quoi apporter une nouvelle perspective à cette question de la diversité et de l’identité.
Samedi 23 février prochain, Johanna Yaovi exposera les photos prises lors de ses rencontres à Bordeaux. “J’avais envie de rendre mon projet plus concret”, confesse-t-elle. La Française aimerait aussi organiser un tel événement à Londres cette année et elle y travaille d’ailleurs. “Je réfléchis également à diversifier la plateforme et proposer de nouveaux événements autour de la question du cheveu et de la femme”.