Il fut le président de la République de 2012 à 2017. Bien qu’il annonçât aux Français dans une allocution officielle, il y a presque six ans, qu’il ne se représenterait pas à un second mandat, François Hollande n’est cependant pas homme à vouloir rester dans l’ombre. Depuis son départ de l’Elysée en mai 2017, l’ancien chef de l’Etat s’occupe de sa fondation La France s’engage, et a aussi écrit de nombreux livres, dont Les Leçons du Pouvoir paru en 2018 aux éditions Stock. Et justement, ces leçons, il les a quelque peu détaillées lors de son intervention devant les étudiants de la London School of Economics.
François Hollande était en effet l’invité mardi 14 novembre de la French Society créée au sein de l’université. C’est dans un amphithéâtre plein à craquer – 450 étudiants étaient venus l’écouter – que l’ancien président de la République a été reçu pour répondre aux questions liées au thème de la soirée : “Quelles perspectives dans un monde si bouleversé ?”. “C’est une chance rare et un privilège de pouvoir avoir votre regard sur la situation du monde sur des dix dernières années”, a expliqué Noé Gonzalez, président de The French Society LSE.
Pendant plus d’une heure, l’ancien président s’est plié aux jeux des questions de la société estudiantine, autour de cinq thèmes : la lutte anti-terroriste, les enjeux en Afrique, la guerre en Ukraine, la crise climatique et le conflit au Proche-Orient. Mais avant, François Hollande a pris la parole pour une introduction, balayant toutes les problématiques qu’il avait vécues sous son quinquennat et leurs conséquences dans le monde d’aujourd’hui : “une crise financière devenue crise économique, une crise terroriste devenue une crise migratoire, une crise sanitaire engendrant un arrêt de l’activité économique et humaine, une crise climatique aux multiples effets, un bouleversement technologique”… “Nous faisons aussi actuellement face à deux guerres avec notamment un risque d’embrasement régional au Moyen-Orient et impliquant dans les deux cas des pays possédant un armement puissant”.
S’appuyant sur son expérience, François Hollande a par ailleurs analysé les nouveaux rapports géopolitiques, avec l’alliance de deux grands empires que sont la Russie et la Chine, qui, selon lui, souhaitent “prendre leur revanche sur les démocraties et l’Occident”, partageant un même point commun, “la détestation des Etats-Unis”. Et puis, il y a le Sud, notamment l’Afrique dont la démographie pèse aujourd’hui sur ces nouveaux rapports. “Ce sont des pays qui veulent compter et prendre toute leur place dans les décisions et dans les responsabilités des instances multilatérales” sans pour autant “choisir entre les démocraties et les autocraties”. L’ancien président a également parlé de “l’installation d’un conflit civilisationnel et religieux”. “Nous faisons aussi face à un monde qui a changé avec des enjeux qui se sont imposés comme le climat, qui doit être un facteur d’unité, tout comme la question migratoire”.
Pour lui, l’avenir du monde va se décider sur deux points : d’abord la position des Etats-Unis, sortis, après dix ans, de leur retrait de la scène internationale et de son isolationnisme. Après la présidence de Barack Obama et de Donald Trump, l’élection de Joe Biden aurait ainsi changé la donne et signé le retour des Etats-Unis dans les enjeux mondiaux. “Mais pour combien de temps ? Nous le saurons l’an prochain” avec la tenue du scrutin présidentiel en novembre 2024. Ensuite, la position ou plutôt la place que veut prendre l’Union européenne. Après avoir montré son unité sur la question du conflit russo-ukrainien, elle n’a pas su le faire sur la question de la situation au Proche-Orient. “L’Europe n’est pas présente, en tout cas elle ne se positionne pas comme celle qui peut trouver une issue à ce conflit”. François Hollande estime que la solution de deux Etats est la seule, mais elle n’est possible qu’à certaines conditions : l’opération militaire menée par l’armée israélienne doit cesser, avant que le conflit ne s’élargisse à d’autres pays de la région, tout en préparant en parallèle la paix. Pour cela, la suppression des colonies juives en Cisjordanie est nécessaire, tout comme le retour d’une autorité palestinienne et l’engagement des pays arabes dans le processus de paix.
D’autres sujets ont été abordés tout au long de cette heure d’intervention avec les membres de la French Society mais aussi dans le cadre des échanges avec les étudiants présents dans l’amphithéâtre : la présence de la France au Sahel – “un succès militaire mais une opération non concluante car trop installée dans la durée” -, les relations complexes voire compliquées de la France avec le continent africain, le combat climatique… Ainsi que sa vie post-présidence. “J’étais déjà engagé avant de devenir président, j’étais même chef de parti. Et tout cet engagement n’a pas disparu une fois que j’ai quitté l’Elysée”. Pour François Hollande, sa présence dans la vie médiatico-politique est donc normale. “Il faut bien occuper les anciens présidents, qui sont de plus en plus jeunes”, a-t-il plaisanté, avant d’ajouter plus sérieusement, “le rôle d’un ancien président, c’est de transmettre son expérience, ce qu’il a appris, ce qu’il a compris pour que ces leçons servent aux générations qui suivent”.
De son expérience en tant que chef de l’Etat, il a justement appris que les décisions comme les réformes prennent du temps à montrer leurs effets. “C’est souvent quand on est parti que les résultats arrivent”, a-t-il lancé, “mais un président travaille toujours pour ses successeurs”. A la question de ce qu’il compte faire pour 2027, François Hollande botte en touche. “Cette élection doit être préparée, organisée, qu’il y ait un vrai débat, une vraie espérance”, a-t-il expliqué, avant de demander à la jeune audience : “il ne faut pas seulement voter contre, mais pour. Pour un projet, pour une personne, pour une ambition collective”.
Mais la question de sa potentielle candidature est revenue lors des échanges avec les étudiants, notamment concernant l’avenir d’une union de la gauche. “Cette union est un principe”, a alors répondu l’ancien chef de l’Etat, “la gauche, qui a toujours été divisée, doit toujours s’élargir mais il faut que le représentant ait une vocation majoritaire. Tant que La France Insoumise aura la ligne politique de Jean-Luc Mélenchon, elle ne pourra pas gagner car elle n’a pas cette dynamique de gouvernement”. François Hollande a tenu cependant à préciser qu’il ne croyait pas aux gauches irréconciliables. “Mais la NUPES ne pourra pas se reproduire car les rapports de force vont changer. Il n’est pas possible d’avoir un candidat unique de la gauche au premier tour de la présidentielle car il est essentiel de pourvoir compter sur le report des suffrages pour le second tour”.
Son analyse de la situation politique en France s’est poursuivie sur l’idée qu’en cas d’absence de recomposition politique de la droite à la gauche, “on peut alors imaginer le Rassemblement national au second tour. Mais sera-t-on certain que la mobilisation nationale sera à nouveau présente pour le stopper ?”, comme ce fut le cas en 2002, 2017 et 2022. Par ailleurs, questionné sur la présence de Marine Le Pen et des élus RN à la marche contre l’antisémitisme organisée dimanche 12 novembre et à laquelle François Hollande a participé, il a assuré que cela ne signifiait pas une “absolution” du parti d’extrême droite, dont, a-t-il rappelé que “le fondateur est un antisémite”. Il a reconnu que “le RN est dans une stratégie de se banaliser et Marine Le Pen est arrivée au-delà de tout ce qu’elle aurait imaginé”, avant de prévenir, “mais le RN n’est fort que de nos faiblesses”.