L’idée de son film est inspirée de sa propre histoire familiale : lorsqu’il est jeune, une de ses tantes prépare des champignons pour toute la famille mais elle, n’en mange pas. A la fin du repas, tous tombent malades et certains finissent même à l’hôpital. Le doute plane alors sur les motivations de cette tante et François Ozon flaire une idée de scénario de film.
Des années plus tard, il réalise ainsi “Quand vient l’automne”. L’œuvre, sortie en France l’an dernier, sera à l’affiche des cinémas britanniques – dont le Ciné Lumière – à partir du vendredi 21 mars. Le réalisateur était d’ailleurs de passage à Londres pour le présenter à l’Institut français du Royaume-Uni, en compagnie de l’actrice principale, Hélène Vincent.
Intitulé “When Autumn Falls” pour sa sortie en anglais, ce film dramatique explore les thèmes de la jeunesse et les défis du vieillissement. Au cœur de l’histoire, deux femmes âgées, interprétées par Hélène Vincent, donc, mais aussi Josiane Balasko. Ludivine Sagnier, Pierre Lottin et Garlan Erlos font aussi partie du casting.
Le film se déroule en Bourgogne, dans la nature. “Je pensais appeler le film ‘Feuilles mortes’ mais c’est une chanson très connue alors j’ai opté pour ‘Quand vient l’automne’. Je voulais une atmosphère avec des couleurs automnales et des feuilles qui tombent”, exprime François Ozon.
Ce qui fait le charme de cette œuvre, c’est le contraste entre ce décor simple et monotone et l’histoire troublante qui entoure la vie de Michelle, le personnage principal. “C’est une simple grand-mère qu’on idéalise. Elle va à la messe le dimanche, semble n’avoir plus qu’un souffle de vie. Alors qu’en réalité il lui reste encore une vie remplie de sentiments dont son amour pour son petit-fils, son amitié puissante avec Marie-Claude et sa tumultueuse relation avec sa fille”, avance Hélène Vincent.
Le réalisateur se réjouit de cette sortie britannique. “J’ai de la chance que tous mes films soient sortis en Angleterre. Je sais que c’est compliqué aujourd’hui pour les œuvres françaises car il n’y a pas beaucoup de place, les circuits sont surtout pris par les films américains”, déclare François Ozon. Pour lui, il est toujours “bien qu’un film voyage et rencontre d’autres pays, d’autres cultures”.
En effet, le Français connaît bien le Royaume-Uni. Dans Swimming Pool et Angel, la ville de Londres avait même servi de décor. Aussi, le scénariste a déjà travaillé avec des actrices anglaises telles que Charlotte Rampling, Kristin Scott Thomas ou Romola Garai, soulignant cette tradition en France “de beaucoup aimer les actrices anglaises”, nommant en exemple Jane Birkin.
Le monde du cinéma britannique accorde aussi une réelle reconnaissance au travail du scénariste et réalisateur. Son œuvre Potiche avait d’ailleurs été nommée aux BAFTA en 2012, dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère.
Découverte au grand public à l’âge de 45 ans dans “La vie est un long fleuve tranquille” en 1988, l’actrice Hélène Vincent vient initialement du monde théâtrale. “Quand on est une femme, on n’atteint pas les premiers rôles au cinéma quand on commence une carrière à 40 ans, contrairement à un homme”, confie l’actrice, avant d’ajouter, “j’ai dû accepter avec appétit et honnêteté de jouer des rôles secondaires à condition qu’ils ne se ressemblent pas les uns les autres et ça m’a fait avancer”.
En effet, au théâtre, ses rôles étaient plus divers, tandis qu’au cinéma, et notamment après “La vie est un long fleuve tranquille”, seuls des rôles similaires lui étaient offerts à savoir une mère dans la quarantaine, plutôt jolie… Au fil du temps, Hélène Vincent a réussi à décrocher des rôles plus originaux, la mettant en scène de différentes manières comme dans “On ira” d’Enya Baroux et qui vient de sortir sur les grands écrans français ou encore dans “Quand vient l’automne”, qui sera donc en salles au Royaume-Uni à partir du vendredi 21 mars.
Hélène Vincent se dit d’ailleurs “très fière” que ce film ne soit pas traduit mais seulement sous-titré, et ainsi d’entendre sa voix résonner dans les cinémas britanniques. Même si l’actrice confie avoir eu envie de jouer en anglais un jour dans sa carrière. À 81 ans, elle explique qu’on “peut toujours rêver” mais qu’aujourd’hui, son niveau d’anglais n’est plus le même et qu’il faudrait plusieurs longues étapes avant d’y arriver.
Cette envie de jouer dans la langue de Shakespeare lui a été donnée par le cinéma britannique qu’elle admire. “J’ai l’impression qu’il a, contrairement à en France, une façon de s’intéresser véritablement à des milieux très différents comme le fait Ken Loach”. Hélène Vincent souligne également une différence majeure entre le cinéma français et le cinéma britannique : la valorisation des accents. “En France, on les a banni, tout le monde se devait de parler le beau français. Or, au Royaume-Uni, ils permettent de faire vivre cet art, culturellement comme géographiquement”.
Pour finir, la question de l’âge des femmes dans le monde du cinéma français est au cœur de “When Autumn Falls“, deux des personnages principaux étant Hélène Vincent, 81 ans et Josiane Balasko, 74 ans. “En l’espace de deux ans, j’ai eu deux rôles principaux, il y a eu, tout d’un coup, comme une espèce d’embellie, comme si on voulait raconter le monde à travers le regard de femmes qui avouent leur âge et qui sont encore puissamment en vie”, confie l’actrice.
L’âge des femmes dans le cinéma est un sujet encore complexe aujourd’hui. La cause évolue certes, mais les femmes ont longtemps été représentées comme des objets de désir et des personnages sexualisés. “Les femmes sont majoritairement des objets de désirs pour les hommes. A partir de 45-50 ans, même les plus grandes actrices disparaissent”.
Selon l’interprète de Michelle, les gens n’aiment pas regarder les femmes âgées à cause de l’idée de la mort, sujet encore tabou. Hélène Vincent explique : “La mort est toujours vue comme un échec alors que ça fait partie de la vie”. D’ailleurs, cette question est traitée différemment au Royaume-Uni pour François Ozon. “J’ai l’impression qu’en Angleterre on aime les actrices âgées”, citant Judi Dench ou Maggie Smith.
Des références également pour Hélène Vincent qui estime qu’“elles ont l’air d’avoir leur âge. On n’a pas le sentiment qu’elles ont cessé de travailler. Peut-être qu’on regarde les choses différemment au Royaume-Uni”. “Je pense que c’est dû à la tradition théâtrale”, ajoute François Ozon. Car cette plus grande ouverture n’est pas commune à tous les pays anglophones. “Aux États-Unis, les carrières d’actrices s’arrêtent très vite, à part Meryl Streep peut-être”.
Ces questions de l’âge et de la femme, François Ozon ne cesse de les mettre au cœur de ses projets. Projets d’ailleurs très nombreux, le réalisateur sortant à peu près un film par an. A la question de savoir comment il continue de trouver la motivation et les moyens techniques avec des projets si récurrents, il répond : “J’aime faire des films. Si j’avais moins de promotion à faire, j’en ferais deux par an. J’ai la chance que mes films marchent suffisamment pour faire celui d’après”. C’est pourquoi il commencera bientôt le tournage du prochain : une adaptation de “L’Étranger” d’Albert Camus.