Même s’il n’est pas allé jusqu’en finale, Gaston Savina est plutôt content de sa participation à la dernière saison de Top Chef, émission diffusée sur M6, dont la finale aura lieu mercredi 7 juin. “Les équipes m’avaient contacté plusieurs fois auparavant, mais à chaque fois cela n’entrait pas dans mon emploi du temps”, confie le jeune homme de 28 ans qui vit à Londres depuis huit ans, “et puis, cette année, c’était possible pour moi de participer. Alors j’ai accepté”. Pour lui, participer à cette émission juste avant ses 30 ans signait ainsi “le moment parfait pour le faire”.
Si Gaston Savina a aussi accepté cette aventure cathodique, c’est qu’il espérait rencontrer Hélène Darroze, à qui il voue une grande admiration. “Mais Stéphane Rotenberg (l’animateur de l’émission, ndlr) m’a tout de suite douché, en me disant qu’elle ne constituerait pas de brigade cette année”, se souvient le jeune chef (elle fera cependant bien partie de l’aventure, mais en tant que simple jury). Mais pas de quoi le freiner dans sa volonté de participer, car, si gagner la compétition n’était pas son objectif premier, il souhaitait pouvoir montrer de quoi il était capable. “Cette émission, c’est 16 candidats, qui représentent 16 styles différents et qui doivent montrer leur talent de création dans des conditions extrêmes. Chacun et chacune a sa sensibilité propre, son parti pris assumé”, lance Gaston Savina.
Lui souhaitait avant tout faire découvrir aux téléspectateurs ce qu’est le métier peu connu de chef privé, métier qu’il exerce depuis six ans. “Quand on dit ‘chef privé’, les gens pensent tout de suite à un chef pour familles riches. Mais c’est bien plus que ça”. Si les personnes fortunées font bien partie de sa clientèle – dont des grandes familles françaises de Londres -, Gaston Savina est souvent sollicité par des entreprises, comme des cabinets d’architecture ou d’avocats, mais aussi des marques de luxe (dont Chanel, Jacquemus, Givenchy, Vuitton ou encore Louboutin) qui souhaitent organiser un dîner ou déjeuner, ou encore des célébrités. Il travaille autant à Londres qu’à l’étranger.
Et ce métier lui plaît bien. “J’aime la pression qui entoure mon activité. Plus que de la cuisine, je propose des expériences”. Le chef d’entreprise imagine en effet à la fois le menu et la décoration, selon les demandes des clients. “Il m’est arrivé de créer un menu uniquement autour du caviar, ou de devoir créer la pièce où se tiendrait le repas entièrement en rouge. Ce qui est génial, c’est qu’à Londres, tout se trouve, tout se loue. Notamment en termes de lieux, comme une église, une warehouse ou une boutique de prêt-à-porter”. De quoi pouvoir laisser libre court à l’imagination de ce chef, qui définit sa cuisine de régressive, en hommage à ses souvenirs d’enfance.
Avant de se mettre à son compte, Gaston Savina a travaillé pour des grands restaurants gastronomiques. D’aussi loin qu’il se souvienne, le jeune homme a toujours rêvé d’être en cuisine. “Cela ne se passait pas très bien à l’école. Je trouvais souvent refuge chez mes grands-parents, où j’avais le sentiment où je pouvais m’exprimer librement, où je me sentais en sécurité”, raconte Gaston Savina. Dans sa famille, tous étaient des “foodies”. “Du côté maternelle, c’était une famille ‘grands bourgeois à la française’, avec des grandes tablées à Noël par exemple. On voyageait beaucoup et mes parents ont éduqué très tôt mon palais, j’ai appris à aimer les choses et donc plus tard cela m’a donné envie de travailler des produits différents”, confie le Bourguignon d’origine.
Au moment de choisir son orientation en fin de collège, Gaston Savina est catégorique : il veut travailler en cuisine. Il intègre le lycée hôtelier de Mâcon, et décroche son bac avec félicitations du jury, une belle revanche pour celui qui avait des difficultés à aimer l’école. “J’avais enfin trouvé ma voie, ma passion”, lance-t-il. Il rejoint l’équipe de Franck Graux, avant de travailler pour des ministres comme Ségolène Royal, Sylvia Pinel ou encore Cécile Duflot. “J’ai ensuite collaboré avec Christophe Langrée au Faust pendant trois ans”, se souvient-il. Mais à 20 ans, Gaston Savina a des envies d’ailleurs. Il doit alors s’envoler pour Sarasota, en Floride, pour travailler dans un restaurant français. Pas de chance, n’ayant pas 21 ans, il ne peut pas obtenir son visa. Cependant, son rêve de rejoindre un pays anglophone ne va pas s’arrêter à des problèmes administratifs. Il va alors décider de s’installer en Angleterre.
Le chef part d’abord pour Ascot, dans la campagne anglaise. Mais très vite, l’ambiance de la ville et son effervescence lui manquent, alors il débarque à Londres, où il travaille pour l’équipe d’un restaurant français qui ouvre alors ses portes à Notting Hill, Cépage(s). Gaston Savina s’occupe de la carte et du bar à vin. Il y restera un an et demi avant de se mettre à son compte. “Je n’avais plus envie de travailler dans un restaurant en tant que tel, mais je voulais garder le contact avec les clients et surtout continuer à développer ma créativité”. Le métier de chef privé lui vient alors à l’esprit.
Au moment de se lancer, il se donne trois mois pour réussir sa nouvelle aventure professionnelle et commence son activité avec l’aide de ses voisins, qui lui donnent sa chance. Le bouche-à-oreille fonctionne vite, même si, Gaston Savina le reconnaît, les débuts ont été un peu galères. “J’ai par exemple eu une demande pour un repas de 20 personnes. J’ai alors demandé un acompte pour les courses, mais le client me l’a refusé. J’ai dû payer £120 de ma poche pour réaliser le menu”, raconte le Français. Un montant évidemment remboursé par le client après coup. “A Londres, on vous donne votre chance, mais il faut d’abord faire ses preuves”, analyse le chef privé.
Après six ans à son compte, les choses se passent plutôt bien pour Gaston Savina. Et participer à Top Chef a été un peu la cerise sur le gâteau. “Je savais que ce serait compliqué pour moi, car j’étais un peu l’outsider”, lance-t-il. Mais il ne regrette rien, lui qui est resté presque quatre semaines dans la compétition. “Je voulais avant tout y être pour parler de mon métier certes, mais aussi de mon parcours en tant que chef ‘queer’ qui vit à l’étranger. Je ne cherche pas à être une figure d’exemple, car je ne pense pas en avoir les épaules, mais j’ai toujours été soutenu par ma famille dans tout ce que j’ai fait et pour qui je suis. La cuisine est encore très hétéro-normée, et même si ça se démocratise, aujourd’hui il y a encore beaucoup de progrès à faire”. Le Français a versé l’entièreté du cachet de sa participation à Top Chef à l’association Le Refuge, qui propose un logement et un accompagnement aux jeunes personnes victimes d’homophobie ou de transphobie.
Cette première participation cathodique lui donne déjà envie de lancer sa candidature pour Masterchef en 2024. “Ce genre d’expérience est très chronophage, cependant c’est essentiel, non pas pour gagner de l’argent, car cela ne paie pas les factures, mais pour exposer un peu plus son travail et sa créativité”.
Mais avant cela, Gaston Savina a beaucoup de projets qui l’attendent. Il sera chef résident pendant un mois sur la péniche Nouvelle Seine à Paris, du 7 juin au 7 juillet prochains, avant de partir à l’étranger cet été accompagner des clients. Quant à ouvrir son propre restaurant un jour, il y pense mais pas pour le moment. “J’aime la flexibilité que mon métier m’offre aujourd’hui, je peux voyager, m’exprimer comme je le veux. J’ai encore envie d’en profiter”, conclut le chef.
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