En succédant à Catherine Colonna, devenue en mai ministre des Affaires étrangères, Hélène Tréheux-Duchêne, devient la troisième femme à occuper le poste d’ambassadrice de France au Royaume-Uni. Arrivée en octobre, elle est déjà sur tous les fronts. Elle est d’abord aller à la rencontres des services, qui regroupent 300 personnes.“C’était important de montrer que, ça y est, après plusieurs mois sans ambassadeur au Royaume-Uni, les choses redémarrent”, confie la diplomate. Car entre la nomination de son prédécesseur à la tête du Quai d’Orsay, le poste était resté vacant pendant de longs mois, notamment à cause du décès de la reine Elizabeth II, qui a fait reculer la validation, par les autorités britanniques, de la nomination de la nouvelle ambassadrice.
Mais c’est donc chose faite : la diplomatie française a donc sa représentante au Royaume-Uni. Si Hélène Tréheux-Duchêne souhaite régler ses pas sur ceux de Catherine Colonna, il n’en demeure pas moins qu’elle a aussi l’ambition d’apporter sa touche personnelle à la diplomatie française sur le sol britannique. Surtout dans un contexte où la relation entre les deux pays peinent encore à trouver un nouveau souffle. Mais le sommet franco-britannique prévu le 10 mars prochain à Paris, où se rendra pour la première fois Rishi Sunak depuis sa nomination au poste de Premier ministre, pourrait changer un peu la donne. L’ambassadrice travaille d’ailleurs avec ses équipes à la préparation de cette rencontre entre le chef du gouvernement britannique et le chef de l’Etat français. L’expérience d’Hélène Tréheux-Duchêne sur les questions politico-militaires sera sans nul doute un véritable atout puisque ce sommet abordera, entre autres, le volet “défense”.
En effet, la diplomate a notamment occupé, dans son parcours professionnel assez impressionnant, le poste d’abord d’adjointe puis de représentante permanente de la France auprès du Conseil de l’Atlantique Nord à Bruxelles entre, respectivement 2004 et 2008 ainsi qu’entre 2016 et 2019. Lors de ses différentes missions, elle a travaillé sur les questions des grandes opérations militaires, de défense européenne et de terrorisme. Entre ces deux postes, l’actuelle ambassadrice de France au Royaume-Uni était retournée à Paris comme directrice des affaires stratégiques, de sécurité et de désarmement au ministère français des Affaires étrangères.
Hélène Tréheux-Duchêne dit “aimer travailler sur les dossiers”. Se lancer dans une carrière de diplomate était une évidence pour la sexagénaire. Née à Nancy – “une terre qui a subi les guerres” – en 1963, “année du traité de l’Elysée” rappelle-t-elle, elle a été élevée par des parents qui ont connu les deux grandes guerres mondiales. “Mon père a été prisonnier en Allemagne. La diplomatie et travailler sur les questions militaires comptent donc beaucoup pour moi”, confesse l’ambassadrice.
Son père, archéologue et membre de l’Ecole française d’Athènes, et sa mère professeur en faculté de médecine, lui ont aussi donné le goût de l’ailleurs, puisqu’ils ont vécu longtemps en Grèce avant la venue au monde de leur fille. “On y retournait ensuite chaque été”, se souvient Hélène Tréheux-Duchêne. C’est là-bas d’ailleurs que la jeune femme, alors étudiante à l’Ena, demandera à aller faire son stage. Car après son bac, elle intégrera une classe préparatoire au prestigieux lycée Henri IV, avant de rejoindre Normale Sup, puis Sciences Po et enfin l’Ena. A sa sortie de cette grande école, elle fait immédiatement le choix du Quai d’Orsay. “J’avais 24 ans à l’époque et j’étais intéressée par les langues et les relations internationales et quand il a fallu choisir son métier, je me suis dit : autant faire ce que j’aime”.
Intéressée par les relations franco-allemandes et la construction européenne, elle demande, après quatre ans passés au service juridique du Quai d’Orsay, à intégrer le secrétariat général de la comité interministériel de coopération économique européenne pour préparer la position de la France au sein de l’Europe, elle a ainsi travaillé sur les questions d’asile et d’immigration, les régimes de visas, le volet Schengen. Elle part ensuite à Bruxelles entre 1995 et 1999 à la représentation permanente de la France au sein de l’Union européenne. Elle travaille sur les questions culturelles, d’éducation, de recherches, de la jeunesse, de l’enseignement supérieur. “Cela m’a beaucoup plu, notamment l’apprentissage du métier de la négociation multilatérale”.
Hélène Tréheux-Duchêne intègre, entre 1999 et 2002, les Nations Unies à Genève toujours dans le cadre d’une représentation de la France, avec à sa charge les affaires multilatérales et les questions humanitaires. “J’ai beaucoup appris sur la situation des pays”, retient-elle de cette expérience. Ensuite, retour à Paris où elle fait une infidélité au Quai d’Orsay puisqu’elle rejoint le cabinet du ministre de la Culture de l’époque, Jean-Jacques Aillagon. Elle occupe alors le poste de conseillère chargée des relations internationales et européennes. Après son deuxième passage à l’OTAN en 2019, elle devient directrice de l’administration et de la modernisation du Quai d’Orsay jusqu’à sa prise de fonction en tant qu’ambassadrice de France au Royaume-Uni.
Paris, Bruxelles, Genève et maintenant Londres… Hélène Tréheux-Duchêne a donc énormément bougé dans sa carrière. “Être diplomate, c’est partir occuper des fonctions dans des pays différents pour des durées différentes”. Elle reconnaît que le choix de faire ce métier a été facile pour elle, puisque son époux qu’elle a rentré sur les bancs de l’Ena, l’a soutenue dès le départ. “Il faut que le couple soit d’accord sur le projet”.
Et parce que la diplomate sait les conséquences qu’une carrière diplomatique ont sur une vie de famille, elle en a fait son cheval de bataille quand elle a pris la direction de l’association ‘Femmes et Diplomatie’, entre 2012 et 2016. “J’ai souhaité créer les conditions pour que les femmes comme les hommes aient le moins de contraintes possibles”, lance-t-elle. En anticipant, par exemple, le calendrier des nominations – “plus on sait tôt, mieux c’est pour s’organiser” -, en se préoccupant aussi du conjoint suiveur pour qu’il trouve sa place dans ces changements de postes, en aidant au départ et au retour, en prônant l’égalité et en mettant en place des quotas…
Jamais, assure-t-elle, être une femme n’a été un frein ou un obstacle dans sa carrière. “Il y avait moins de femmes à l’époque de mes débuts, mais je n’ai pas hésité une seconde. C’est le fruit de mon éducation. Ma mère a eu une belle carrière, elle m’a mis dans la tête qu’en tant que femme, il fallait un métier, ne pas être dépendante”.
Aujourd’hui, trois mois après avoir pris ses fonctions, Hélène Tréheux-Duchêne est pleinement dans l’action : rencontres avec les acteurs économiques comme Business France, Atout France, ou ceux culturels comme les instituts français, avec la société civile, les élus locaux britanniques, les universitaires, les scientifiques… avec pour objectif de les “écouter et leur dire que la France s’intéresse à eux, mais aussi pour comprendre, décrypter et observer la diversité du pays tout en encourageant les relations bilatérales”.