C’est une large délégation qui s’est rendue entre le jeudi 30 novembre et le vendredi 1er décembre à Londres. Hervé Morin, président de la région Normandie, était en effet accompagné de la sénatrice Catherine Morin Desailly, du maire de Bayeux Patrick Gomont mais aussi du maire de Louviers François-Xavier Priollaud, également vice-président de la région. Le but de ce déplacement ? ”Retrouver notre esprit de reconquête”, a lancé Hervé Morin, “car nous sommes venus ici en conquérant”. Il ne s’agissait pas de conquérir politiquement le royaume britannique, a-t-il précisé, mais bien de conquérir le cœur des Britanniques pour les inciter à venir visiter la Normandie. Et c’est par la culture que le président de la région espère bien réussir.
En effet, après l’Irlande il y a un an, la Sicile il y a quelques semaines, mais aussi l’Italie du Sud et les îles anglo-normandes dans les mois à venir, “nous continuons notre périple normand”, a-t-il détaillé, avec cette venue à Londres, l’idée étant de préparer le grand événement qui attend la région en 2027 : le millénaire de la naissance de Guillaume Le Conquérant en Normandie. Un événement que le président de la région souhaite organiser, non pas à l’échelle locale, mais bien européenne. “Nous nous sommes rendus compte lors de nos précédents déplacements à quel point le passé normand sicilien et irlandais était encore très présent dans l’histoire et dans l’inconscient collectif”, a commenté Hervé Morin. C’est pour cela qu’il espère créer une synergie entre les différents pays visités et partageant ce passé normand et ainsi “bâtir ensemble des moments culturels communs” dans le cadre de cette célébration millénaire.
D’autant plus avec le Royaume-Uni, puisque la France partage une grande histoire avec le pays. “Cet anniversaire constitue une formidable opportunité de fêter l’amitié qui unit nos deux peuples”, a assuré Hervé Morin. Pour mettre en œuvre ce souhait, lors de sa venue à Londres, la délégation normande a ainsi pu échanger avec plusieurs grandes institutions culturelles comme le British Museum, le Victoria & Albert Museum, l’English Heritage, The British Library, l’Historic Royal Palaces and Tower of London ou encore The National Archives. Hervé Morin a également rencontré Lord Parkinson of Whitley Bay, ministre délégué aux Arts et au Patrimoine ainsi qu’Alex Burghart, secrétaire parlementaire de Rishi Sunak. L’objectif était ainsi d’étudier les collaborations possibles pour que la fête ait lieu des deux côtés de la Manche. Si la délégation s’y prend si tôt, c’est parce que certains des sites culturels, comme le British Museum, sont déjà dans leur programmation 2028.
Parmi les idées que la région aimerait mettre en place avec le Royaume-Uni, l’organisation d’expositions patrimoniales, des programmes d’éducations dédiés à la jeunesse, des conférences et des colloques scientifiques sur l’histoire de la période normande, son impact sur le système judiciaire britannique et sur les échanges linguistiques et culturels qui continuent à être en place, des performances artistiques (danse, théâtre, arts contemporains…) sur des sites emblématiques de la vie de Guillaume Le Conquérant et de ses descendants avec pour but de mettre en valeur l’héritage patrimonial et architectural normand, un parcours touristique des deux côtés de la Manche recensant les sites tels que l’Abbaye de Battle, le château de Douvres ou encore la Tour de Londres. “Nous espérons aussi pouvoir avoir des échanges de collections entre nos musées et institutions culturelles français, dont le Louvre, Beaubourg ou encore le Mobilier National, et nous étudions aussi la possibilité de créer avec l’école des Gobelins la scène manquante de la Tapisserie de Bayeux qui marque le couronnement de Guillaume”, a ajouté le président de la région.
D’ailleurs, concernant la célèbre tapisserie, il est aujourd’hui assuré qu’elle ne sera pas prêtée au Royaume-Uni, comme le président de la République l’avait annoncé il y a presque six ans. Même si un premier accord avait été signé en juillet 2018 entre les ministres de la Culture britannique et français, le maire de Bayeux a bien confirmé que “cela ne se fera pas”. “Pas parce que l’Etat français ne le veut pas, mais parce qu’elle n’est pas déplaçable. Cela est dommage car ce prêt aurait été un grand moment pour l’Entente cordiale (qui fêtera son centenaire en avril prochain, ndlr)”. Cela l’est aussi encore plus puisque la tapisserie va être remisée dans des caisses pendant dix-huit mois, le temps de la rénovation du musée de Bayeux, qui devrait débuter en 2025 et se terminer en 2027. “Mais nous avons prévu de créer, grâce aux nouvelles technologies, une visite en pleine immersion de la tapisserie. Et cela pourra être aussi transposable au Royaume-Uni, au Westminster Hall par exemple”, a ajouté le président de la région. Hervé Morin a aussi rappelé que deux projets de série étaient actuellement dans les cartons, racontant l’histoire du Normand. “L’une sera tournée en Normandie et financée par le groupe Mediawan avec peut-être la participation de France Télévision. L’autre produite par la BBC et CBS”. Ces séries devraient être disponibles dès 2026.
Hervé Morin a confié par ailleurs espérer que le roi Charles III, qui possède également le titre de duc de Normandie, pourra être présent au moment du lancement du millénaire de Guillaume Le Conquérant. “C’est mon rêve”, a-t-il lancé, avant de raconter qu’il avait déjà tenté de lui remettre un petit mot lors de sa visite d’Etat en France en septembre dernier. “J’avais demandé à Catherine (Morin Desailly), sénatrice, de le donner au président du Sénat qui le passerait ensuite à Charles III. Mais visiblement, le mot s’est perdu”, a-t-il plaisanté. Cependant, le président de la région a retenté sa chance lors de sa venue à Londres. “J’ai demandé au secrétaire parlementaire de Rishi Sunak de faire savoir au cabinet du roi que nous aimerions qu’il soit là pour le millénaire. Car nous ne pourrions pas imaginer le contraire”.
Le déplacement de la délégation a aussi été l’occasion de présenter et promouvoir un autre grand événement qui attend la région, en 2024 cette fois. Celui de la prochaine édition du Festival Normandie Impressionniste, créé en 2010, qui se déroule tous les trois à quatre ans et qui se tiendra du 22 mars au 22 septembre prochains. S’il était si important pour Hervé Morin de le présenter à Londres, c’est que cette nouvelle édition fera la part belle à la création britannique. Philippe Platel, directeur du festival, était aussi présent lors de ce déplacement et en a profité pour donner les grandes lignes de la programmation. “2024 sera aussi le 150ème anniversaire de l’impressionnisme”, a-t-il rappelé, “et la Normandie a toujours été un territoire inspirant pour les artistes impressionnistes”.
150 ans, 150 événements se déroulant dans toute la région, “avec la création de moments exceptionnels, d’arts pluridisciplinaires comme la danse, la musique, le cinéma, l’opéra pour que cela s’adresse à un public des plus larges”. Parmi les artistes invités, l’un des plus grands peintres britanniques, David Hockney, qui vit entre Londres et la Normandie. Il proposera une grande exposition au musée des Beaux Arts de Rouen, qui reprendra ses pinceaux pour créer un dialogue avec les chefs d’œuvre de musées. Il aura également une création d’Oliver Beer, toujours à Rouen, au centre d’Art contemporain, qui réalisera des toiles à partir de vibrations sonores, ou encore Robert Wilson qui, en se calquant sur les pas de Monet, créera un mapping de lumière sur la Cathédrale ou encore Isabelle Huppert qui prêtera sa voix pour une installation sonore… “Habituellement, nous recevons plus d’un million de visiteurs pour le festival, ce fut le cas en 2020, lors de la dernière édition. Mais nous pouvons espérer, qu’après la pandémie, ils soient encore plus nombreux l’an prochain”.