Pas toujours simple lorsqu’on a été habitué à un système, à la façon de fonctionner d’un pays, de le quitter… a fortiori lorsqu’il s’agit d’une thématique aussi délicate que la santé. Ils sont ainsi un certain nombre, Français vivant en Angleterre, à continuer de se faire suivre dans l’Hexagone pour une partie de leurs visites médicales.
C’est, dans un premier temps, la moins bonne maîtrise de la langue ainsi que la moindre connaissance du système de santé local qui peut naturellement expliquer que certains expatriés continuent de se faire examiner ou soigner en France. A Londres, Camille (*) dit ainsi “bien maîtriser l’anglais dans la vie de tous les jours” mais pas forcément les “termes médicaux”. Ses rendez-vous de santé (visite chez le généraliste pour un renouvellement d’ordonnance, gynécologue…) elle les a donc, jusqu’ici, essentiellement pris à l’occasion de passages en France.
Tout comme Juliette, qui a eu quelques soucis aux dents et a préféré se faire examiner lors de séjours de l’autre côté de la Manche. “C’est peut-être bête mais, craignant d’avoir mal, je voulais être sûre de bien me faire comprendre.” Le fait de s’adresser à un système qu’elle connaissait mieux la rassurait également. Un point sur lequel insiste également Camille. “Au Royaume-Uni, pendant très longtemps, je ne savais pas comment les choses fonctionnaient…”
Pour Pauline, à Brighton, c’est la difficulté à s’enregistrer auprès d’un dentiste rattaché au NHS (le “National Health Service”, le service de santé public) qui la pousse à consulter en France. “Le manque de praticiens dans le public est affolant”, indique-t-elle. Et aller dans le privé peut coûter cher. La chose semble en effet peu aisée. Dans une enquête publiée en août – menée sur près de 7,000 cabinets dentaires au Royaume-Uni, en mai et juin –, la BBC révélait qu’un grand nombre de “practices” ayant un contrat avec le NHS n’acceptaient pas de nouveaux patients… Le secteur a tendance à perdre des dentistes à cause d’un système de contrats inadapté et des financements insuffisants, auxquels s’ajoute bien sûr l’impact de la pandémie de Covid.
De son côté, Aurélie et son compagnon, à Liverpool, avaient décidé de consulter un ORL (qui avait été disponible en un mois, avec Doctolib) en Alsace, voyant que le rendez-vous qu’ils auraient dû avoir pour leur petite fille, dans le public anglais, tardait à être programmé. Les consultations, avec le NHS, sont gratuites mais les délais peuvent être longs, notamment lorsqu’il s’agit de voir des spécialistes et qu’il faut des “referrals”. En août, période post-pandémie oblige, 39 % des patients avaient ainsi dû attendre plus de 18 semaines pour débuter un traitement non-urgent avec un spécialiste à l’hôpital en Angleterre. En septembre 2019, ils étaient environ 13 % (cela dit, en France, selon les zones géographiques, décrocher un rendez-vous, de surcroît chez un spécialiste, peut aussi être compliqué). Pour pallier ces difficultés, certains Anglais se tournent ainsi vers le privé, plus rapide mais aussi plus cher, les consultations pouvant facilement se chiffrer à au moins £130-£150 livres pour atteindre parfois £200-250 livres.
Pour l’ORL en Alsace, Aurélie se souvient avoir payé, de sa poche – elle n’est plus rattachée à la sécurité sociale française – “moins de 100 euros”. Juliette a elle réglé une “soixantaine d’euros” pour voir un dentiste à Paris, qui lui a fait un détartrage et pris une radio. Quand Camille cotise environ 90 euros par trimestre à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE), ce qui lui permet de se voir couvrir la part sécu à ses rendez-vous. Franco-Britannique vivant dans le Kent, Liz a, elle, versé 95 euros pour une consultation gynécologique, incluant différentes vérifications et frottis, dans le Var.
L’examen gynécologique constitue d’ailleurs un motif de consultation assez fréquent pour les personnes prenant rendez-vous en France. Car, en Angleterre, l’examen de routine n’est pas vraiment dans les mœurs. Mathilde avait contacté son centre médical NHS, à Leeds et avait eu une infirmière qui lui avait posé des questions…. La Française voulant juste un examen “de prévention”, elle s’était vu répondre qu’elle n’avait pas besoin de voir de gynécologue et n’a pas été auscultée. Une logique habituelle ici, car on consulte pour une difficulté spécifique et ce sont le médecin généraliste et l’infirmière qui se chargent des analyses courantes, le gynécologue ne traitant que des cas compliqués. Mais une logique qui peut surprendre les Françaises, plus habituées aux bilans globaux – questions, palpation mammaire, check vaginal, éventuels frottis et prise de sang…– même sans souci, a priori, à signaler. Mathilde profite donc de séjours du côté de Lille pour ces contrôles.
Plus globalement, certains peuvent avoir la sensation d’être moins bien suivis dans le système anglais, avec l’impression de consultations rapides (une dizaine de minutes chez les médecins généralistes) et difficiles à obtenir. “Ce sont en général d’excellents médecins au NHS mais qui répondent à des règles drastiques de triage selon l’urgence, indique Magali Chabrelie au Dispensaire Français, à Londres, association qui soutient et conseille les francophones sur les questions de santé. Si vous les appelez pour un symptôme qui n’est pas homologué comme source de risque, vous ne serez pas vu.” Et de rappeler, toutefois, que certains dépistages “rentrent dans les protocoles” (les “cervical screenings” tous les 3 ans, les tests sur les 60-74 ans, pour le cancer du colon…).
La chose, enfin, varie selon les centres médicaux et les niveaux de demandes auxquels ils sont soumis, le budget, les conditions sanitaires… Et nombre de Français de se dire, aussi, satisfaits de la prise en charge locale. Dans son étude de 2021, un influent think-tank américain avait d’ailleurs classé le système de santé britannique devant le système français : 4ème sur 11 pays industrialisés, contre 8ème pour la France.
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(*) Le nom de la personne n’a pas été précisé