Parfois quelques mots valent souvent mieux qu’un long discours. Jérémie Villet l’a bien compris, c’est pourquoi jeudi 17 octobre lors de la cérémonie de remise de prix organisée au sein du Musée d’Histoire naturelle de Londres, le gagnant de la photo animalière de l’année 2019 dans la catégorie “Rising star” n’a pas parlé longtemps mais a eu cette phrase qui résume parfaitement son état d’esprit : “Je suis un simple témoin”. Un témoin qui a su cependant capturer la beauté des animaux qui peuplent le froid polaire et qui lui a donc valu la “reconnaissance de ses pairs”.
“D”habitude, mon travail est de m’habiller en blanc, de partir seul sans un mot dans des lieux sauvages, où il n’y a personne”, a ainsi débuté son discours Jérémie Villet, vêtu cette fois-ci d’un beau smoking noir accompagné d’un élégant nœud papillon, “je prends des photos pour exprimer ce que la nature m’offre et je suis heureux que le jury ait apprécié mon travail. Nous sommes de simples témoins”. Un texte court mais empli d’émotions pour le jeune homme de 27 ans, qui venait de décrocher l’un des prix les plus prestigieux récompensant les plus belles photographies animalières 2019.
Chaque année, le Musée d’Histoire naturelle de Londres organise en effet le plus grand concours annuel mondial de la photographie animalière, permettant à des milliers d’amateurs ou de professionnels de soumettre leur portfolio de 6 clichés. Sur les 50.000 participants en compétition, soit 300.000 photos, un jury, composé entre autres d’acteurs de protection de la nature, de scientifiques ou encore de documentaristes, décide ainsi qui sera le ou la Wildlife Photographer of the Year. Prix qu’avait d’ailleurs déjà reçu Jérémie Villet en 2013 et l’avait conforté dans son choix de vie. C’est donc une nouvelle consécration pour le Français qui a cette fois-ci obtenu jeudi 17 octobre le prix de la “Rising star” pour ses clichés d’animaux sauvages capturés dans le froid polaire. Une fierté pour le jeune homme à qui les portes de nombreuses d’expositions vont pouvoir s’ouvrir. “Mais cela signifie surtout que je suis reconnu par mes pairs. Photographe animalier, c’est aussi un métier de solitaire dans lequel on vit beaucoup d’émotions et cela fait du bien de voir que notre travail peut plaire”, estime Jérémie Villet.
Pour obtenir ses clichés, il n’a pas hésité à affronter le grand froid polaire nord-américain. S’il a choisi la neige comme terrain de jeu photographique, c’est parce que cette poudre blanche est synonyme pour lui de “vision rêvée, de pureté et de grandeur”. Un décor parfait par exemple pour immortaliser, à travers sa lentille, un couple de mouflons de Dall, dont les corps immaculés se fondent à merveille avec la blancheur des lieux. “On peut prendre une photo sur le moment mais pas ne pouvoir retranscrire ce que l’on a ressenti juste à cet instant. La neige, qui est pour moi comme le canevas blanc d’un peintre, ainsi que la technique que j’ai l’habitude d’utiliser ont su exactement traduire cette harmonie et diriger le regard des gens”, explique Jérémie Villet. Le photographe ne retouche d’ailleurs jamais ses photos, mais ne jette aucunement la pierre à ceux qui font ce choix. “Je veux simplement rendre les beaux moments que je vis authentiques”.
Le jeune homme est en effet en constante recherche d’authenticité, comme celle qu’il ressentait alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Fils d’agriculteurs dans les Yvelines, né dans une ferme, “en pleine nature”, il aimait passer son temps libre dans les champs et écouter les cerfs bramer à l’orée de la forêt. “On (avec ses frères, ndlr) allait dormir entre les arbres pour espérer croiser des animaux sauvages. J’étais tellement curieux, je crois que c’est là qu’est née ma passion pour la nature, ce rapport si particulier que j’entretiens aujourd’hui avec elle”. Immortaliser ses rencontres animales deviendra alors une obsession. Plus tard, il lâchera même ses études de lettres pour se consacrer à plein temps à la photographie animalière.
Depuis, il sillonne le monde pour capturer la beauté de la faune sauvage, et toujours en solitaire. “Dans la nature, même quand on seul, on est déjà trop”, analyse-t-il, “je préfère ne pas être accompagné car c’est plus compliqué de voir les animaux, on est distrait. Quand on est seul, le lien avec l’environnement est plus simple, on s’oublie soi-même pour se concentrer sur l’essentiel”. Jérémie Villet reconnaît tout de même que ce côté loup solitaire peut rendre fou. “C’est comme si j’étais constitué de deux parts : l’animal qui aime la nature et l’animal social forcément lié aux autres par la photographie”.
En attendant de voir un jour une exposition entièrement consacrée à son travail, les curieux peuvent déjà se rendre sur l’Instagram du jeune photographe ou se procurer son livre, Première Neige, qui fait actuellement l’objet d’un appel à un financement participatif. Plus de 800 personnes ont déjà contribué à la collecte, qui permettra d’éditer cet ouvrage compilant six ans de clichés pris dans la neige. Espère-t-il alors éveiller les consciences sur la nécessité de protéger cette nature ? “Je ne fais pas de politique, mon but est simplement d’être le témoin de ce qui existe”, rappelle Jérémie Villet, “les gens en feront ce qu’ils veulent après. Mais je pense que quand on trouve quelque chose beau, on a envie de le protéger, non?”.