Juliette Quenin, venue s’installer à Londres il y a 11 ans, a de quoi avoir le sourire. Du mardi 7 au samedi 18 avril prochains, sa pièce de théâtre Little Wing sera jouée au Jack Studio Theatre, une étape extraordinaire dans la vie de la Française aux multiples facettes artistiques.
L’Angleterre était un choix délibéré pour la jeune femme. Avant de s’y installer durablement, elle y était déjà venue plusieurs fois. “J’avais toujours un sentiment d’angoisse et de tristesse quand je devais repartir”, se souvient-elle, “je m’y sentais chez moi”. Après son passage dans la section internationale de l’école de cinéma EICAR à Paris, la Française réalise qu’elle aime beaucoup écrire en anglais. C’est ainsi que son aventure britannique commence, dans une optique de perfectionner encore plus sa maîtrise de la langue pour que ses scripts puissent se faire une véritable place dans le monde anglophone.
Même si elle aime la France énormément, la Britannique de cœur “est trop bien à Londres”, d’autant plus qu’elle y a rencontré son mari Paul, qui la soutient énormément.
Juliette Quenin est passionnée par l’écriture et la mise en scène depuis sa tendre enfance, elle qui mettait en scène des comédies musicales avec ses copines et en créait même les chorégraphies. Même si à un moment de sa vie elle a souhaité être sur le devant de la scène, comme avec son groupe de musique punk-rock Limelight dont elle est la chanteuse et parolière, la jeune femme se rend vite compte qu’elle est “plus à l’aise hors scène”. Sa véritable vocation est d’écrire puis de mettre en scène sa production. “Je ne suis pas sûre d’avoir la fibre pour être réellement comédienne“, confie la Française. Elle continue cependant à aimer être sur la scène, elle a d’ailleurs incarné il y a quelques années le rôle principal de sa pièce Dear Wallis.
Le cinéma est le “grand amour” de Juliette Quenin, “j’y allais quatre ou cinq fois par semaine. C’est l’école de ma vie, plus que l’école elle-même”. La Française a écrit et réalisé deux court-métrages, Marc et Irish Violet. Tout ce processus lui demande cependant beaucoup d’énergie. Elle s’est ainsi tournée presque exclusivement vers le théâtre. Ce qu’elle aime avant tout, c’est le contact direct avec les acteurs, sans le filtre de la caméra. Mais comme le dit l’adage “ne jamais dire jamais”, l’écrivaine n’exclut donc pas toute possibilité de revenir au cinéma un jour.
Mais pour l’instant, Juliette Quenin ne regrette pas d’avoir choisi le théâtre. Même s’il est difficile de se faire une place dans ce monde, la Française estime que Londres offre plus d’opportunités que la France. “Il y a plus de marge pour l’expérimentation”, avance-t-elle, “ici, on laisse la place à de nouveaux auteurs et à de nouvelles pièces de théâtre“. Avec la culture du new writing et des théâtres-pubs, il est plus aisé de pouvoir présenter son travail. L’écrivaine ne se prétend pas connaisseuse de la situation en France, mais de son point de vue, le théâtre paraît plus fermé et être un milieu où évoluent les mêmes personnes, “c’est un artisanat à l’ancienne”.
Si le rejet des pièces de théâtre pour qu’elles soient mises en scènes est décourageant et difficile, puisqu’il signifie le non-aboutissement d’un travail de longue haleine, c’est aussi ce qui fait avancer et donne le désir de s’améliorer. La Française se souvient d’une master-class avec Richard E. Grant à laquelle elle avait assistée. L’acteur britannique avait déclaré : “Si j’ai à remercier des gens, ce sont ceux qui m’ont dit non”.
Juliette Quenin est arrivée à un stade où le rejet consiste en un moteur. “Le chemin que je suis a plus à voir avec apprendre que réussir. Apprendre, c’est formidable“, confie la Française. Une amie actrice parisienne lui avait dit un jour “de ne pas s’arrêter 5 minutes before the miracle”. C’est depuis son leitmotiv.
La pièce qui va être jouée en avril 2020 à Londres se nomme Little Wing. Lorsqu’elle s’était remise à la création, Juliette Quenin avait écrit un roman du même nom. Elle y racontait l’histoire de deux frères de 4 et 12 ans qui quittent la France avec leurs parents pour s’expatrier aux Etats-Unis. Mais un accident changera à jamais leurs vies et provoquera un fort ressentiment du grand frère envers le petit.
Le livre n’a jamais été publié mais Juliette Quenin est restée très attachée aux personnages. C’est pourquoi elle les a repris dans sa pièce, mais cette fois 17 ans plus tard, alors que les deux frères ne se sont pas vus depuis 6 ou 7 ans. La thématique de la pièce se base sur l’amour inconditionnel et la communication, qui ensemble peuvent guérir le ressentiment. L’idée est que l’on a tous besoin de quelqu’un ou de quelque chose en particulier dans la vie pour l’équilibrer. Une notion importante pour la créatrice puisque déjà dans sa pièce Catsville, écrite en 2017, le personnage principal avait 18 chats et c’était en eux qu’il trouvait son équilibre.
Voir Little Wing jouée au Jack Studio Theatre est “énorme” pour la Française. Il est difficile d’accéder à l’affiche de ce théâtre et l’écrivaine a “trouvé dans les gérants du théâtre, Kate Bannister et Karl Swinyard, une famille créative”. Ils ont été enthousiasmés par la pièce, et Juliette Quenin a le sentiment “qu’il y a des gens qui parlent mon langage créatif”.