Il était une fois un jeune garçon de dix ans qui a grandi dans le petit village champêtre de Châteauneuf-Grasse, dans le sud de la France. Un cadre idyllique mais où l’ennui se faisait ressentir. Alors pour les occuper, le frère de son meilleur ami leur laisse profiter de sa collection de 500 vidéos cassette. Puis, un jour, il leur propose même de s’amuser avec le caméscope familial. Et là, c’est la révélation. “On était un groupe de cinq amis et on a commencé à réaliser des petits films tous les week-ends et on ne s’est jamais arrêté de nos 11 à 18 ans”, se souvient FX Goby. Des films d’horreur “avec du ketchup, des explosions”, baptisés La vengeance d’une vieille. Le scénario ? Une femme âgée qui se faisait agresser par un méchant du nom d’Enzo, en référence au personnage incarné par Jean Reno dans le Grand Bleu. Ce qui était au départ une simple occupation va devenir une passion.
Cette première approche du cinéma et de l’image va marquer à jamais FX Goby qui va se diriger naturellement vers des études de cinéma. “J’avais de très bonnes notes à l’école, et je pensais sincèrement que je pouvais entrer sans difficulté à la prépa de La Fémis (école nationale supérieure des métiers de l’image et du son, ndlr). J’y suis allé un peu dans un mode conquis d’avance. Sauf qu’on m’a dit que je n’étais pas prêt. J’avais peut-être été trop arrogant et cela a alors anéanti mon rêve d’intégrer l’école”. De quoi anéantir son rêve de cinéaste.
Mais le jeune homme, qui a toujours dessiné, ne se laisse pas abattre et décide, sur les conseils d’un ami, de s’inscrire dans une école d’animation. Et là, il tombe amoureux du métier. Très éclectique dans son approche du travail, il a autant réalisé des publicités, que des films de mode, des clips, des courts métrages, des documentaires pour France Télévision, des films en réalité virtuelle et augmentée, en 3D, en 2D, du mix média… Son talent se compose d’une palette impressionnante de techniques.
Même si chacune de ses créations reste unique, son style s’appuie sur une approche cinématique et émotionnelle. “Ce que j’aime avec les films ou même de manière générale dans les arts narratifs, c’est que l’on peut créer des émotions, transporter des gens assis dans leur canapé et les emmener dans un moment émotionnel fort, que ce soit le rire, la peur, la tristesse”, confie le Français, “c’est très puissant, car en quelques minutes, on les amène à un endroit où ne s’attendaient pas aller”.
Et c’est le pari qu’il a encore réussi à faire avec sa bande annonce pour la BBC pour Paris 2024. Le groupe audiovisuel britannique, comme avant chaque JO, lance un clip pour rappeler qu’il est une des chaînes officielles pour la retransmission des jeux. Pour ce film, diffusé avant chaque compétition, la BBC lance un appel d’offres. “Tout le monde se bat pour le faire, car c’est tous les quatre ans, et puis dans les films de commande, c’est le genre de film parfait où ça met tout le monde d’accord. Les JO, c’est la célébration du sport, les meilleurs du monde se confrontent pour montrer quelque chose de complètement hors norme”. C’est donc Nexus Studio qui a décroché le contrat, grâce à l’idée de FX Goby, qui a rejoint l’équipe depuis son arrivée à Londres en 2010.
Avant de venir s’installer de ce côté de la Manche, le Français travaillait déjà pour un autre studio à Paris. Après avoir gagné l’appel d’offres pour un projet publicitaire contre Nexus Studio, il rencontre les producteurs par hasard lors du festival international du film d’animation d’Annecy. “Quand ils ont réalisé que j’étais le petit inconnu qui avait gagné contre eux, boîte bien établie, ils m’ont proposé de venir les voir à Londres”. Ce que FX Goby fait. “J’ai tout de suite aimé leur esprit, leur enthousiasme”, se souvient FX Goby. Il décide de les rejoindre pour six mois. Il n’en est jamais reparti. Depuis le début de sa carrière, le quadragénaire a gagné de très nombreux prix : prix CANAL+ à Clermont Ferrand et lors des festivals comme les Oscars, les Bafta ou encore des nominations aux Emmy Awards, Annie Award, un Lion d’Or à Cannes, 5 Clio Awards, un D&AD Pencil, une récompense au Tribeca Film Festival…
Ce projet pour la BBC était pour lui “un rêve”, d’autant plus que décrocher l’appel d’offres était tout un symbole en tant que Français pour mettre en valeur son pays mais aussi la ville où il a vécu quatre ans. “Quand on a reçu le brief, l’idée était de créer un film qui puisse faire un parallèle entre l’amour romantique et l’amour des athlètes pour le sport. Il y a le même type de sacrifices, de récompenses. On peut vraiment comparer”, avance FX Goby, qui a l’idée de rester dans son style, très doux mais très coloré, sans lignes dures sur les dessins, tout en gardant le dynamisme des films de sport, pour donner cet effet “d’illustrations qui bougent”.
Le clip d’une minute donne des frissons : tout commence, sur fond de L’Hymne à l’Amour d’Edith Piaf revisité – chanson, rappelle FX Goby, écrite et chantée pour le boxeur Marcel Cerdan, donc un parfait parallèle avec le sport -, sur le pont des Invalides, près de la Tour Eiffel, avec deux personnes qui courent l’une vers l’autre et cette voix-off qui raconte : “L’amour vous fait faire des folies”. Puis le spectateur et la spectatrice découvrent que ce qui auraient pu être des amoureux qui vont se sauter dans les bras sont en réalité deux gymnases, qui finissent sur des figures acrobatiques.
Tout le clip est ainsi : un parallèle juste et émouvant entre ce que l’amour peut procurer comme émotions et ce que le sport peut procurer comme sensations. Un message intelligent et une réalisation brillante. “C’est court de raconter quelque chose en 60 secondes, mais je voulais simplement expliquer que l’amour comme le sport, ce n’est pas que les médailles, il y a tout les sacrifices qui viennent avant. Sans oublier de mettre un peu de douceur avec un fin qui se termine sur un baiser”.
Son pari était de montrer Paris sans les clichés, et c’est plutôt réussi. Du beau et du subtil, c’est ce que l’on peut retenir de cette bande annonce qui a donc séduit la BBC. Il aura fallu trois mois pour réaliser ce projet, qui a été fait sur le modèle de l’animation traditionnelle – donc à la main – et lors duquel FX Goby a pu travailler avec l’illustrateur Antoine Bonnet, qu’il a toujours admiré. Le clip est sorti officiellement fin juin et les retours sont excellents. En une semaine, il a été vu près de 20,000 fois et a fait beaucoup parler sur les réseaux sociaux. “Tout cet enthousiasme me touche beaucoup”. Le Français poursuit son chemin et a d’autres projets en vue, notamment des longs métrages, dont l’un est inspiré des films qu’il réalisait avec ses amis quand il était jeune, et l’autre animé.