Existe-t-il plus belle victoire que celle de décrocher un titre de championne de France sur ses terres natales, exactement là où tout a commencé ? Marie Connan ne dira pas le contraire. Cette ceinture, elle la voulait depuis longtemps et la Française, installée à Londres depuis quatre ans, a enfin vu son rêve s’exaucer. “C’était un beau combat”, confie la professeure de français. Au point que le jury l’a designée à l’unanimité championne de France (poids mi-mouches). Il faut dire que sur ce ring, ce samedi 6 février à Vendôme (Loir et Cher), elle aura tenu huit rounds face à son adversaire, Mélanie Mercier. “Il y a eu du répondant en face”, se souvient-elle, pour montrer que l’autre boxeuse n’était pas là pour se laisser faire.
“Le plaisir d’être à la maison” et de “sentir l’amour et le soutien” de sa famille et de ses proches lui auront sans nul doute aider à trouver de la force supplémentaire pour décrocher ce titre. Surtout qu’organiser sa venue en France n’a pas été une mince affaire. “Comme je devais faire 7 jours d’isolement, je suis partie de Londres 10 jours avant le jour du combat”, explique Marie Connan.
Elle aurait voulu que son coach anglais, Matthew Burke, l’accompagne, mais les restrictions de voyages vers la France l’en a empêché. “Ça m’a mis un coup”, confesse la boxeuse, “mais on ne pouvait rien y faire”. Elle a donc préféré ne pas y penser une fois arrivée à Vendôme, où elle a été aidée par son coach local Rodrigue Galerne. “A chaque fois que je rentre, c’est avec lui que je travaille. Là, il m’a prise en main et a préparé avec moi la phase finale de l’entraînement”. Elle est arrivée “fatiguée”, mais elle a rapidement repris des forces. “Je ne voulais pas décevoir Matthew resté à Londres”.
Ce combat, elle voulait aussi le gagner pour aussi se prouver qu’elle le pouvait. L’an dernier, à Orléans, lors du championnat de France, elle avait perdu dans sa catégorie. Sans parler de revanche, Marie Connan savoure donc cette récente victoire, surtout en ces temps quelque peu étranges de pandémie et avec une préparation en dents de scie. “Je n’ai pas pu vraiment boxer en salle depuis mars dernier”, confie la Française de 36 ans.
Lors du premier confinement, elle a utilisé le système D. “Je tapais dans des gros sacs de graines, j’ai mis du scotch sur le sol de mon appartement pour travailler les déplacements, j’imaginais un adversaire en face de moi…” L’espoir de pouvoir combattre lors de quelques galas pour se mettre en jambe s’est rapidement éteint. Seules petites joie : la possibilité qu’elle a eu de pouvoir s’entraîner l’été dernier en salle en France mais aussi avec une amie en Espagne.
Retourner d’ailleurs sur les terres ibériques lui a fait du bien, elle qui y a vécu pendant des années. C’est d’ailleurs là-bas qu’elle reprendra doucement le chemin du ring après avoir arrêté pendant plus de 10 ans. Le sport a toujours fait partie de la vie de Marie Connan. Très jeune, elle s’initie au karaté. “Mes parents le pratiquaient, et quand ma grand sœur s’y est mise, j’ai voulu faire comme elle”. Et du karaté à la boxe, il n’y a qu’un pas. “Au lycée, mon professeur d’EPS, qui était aussi le président du club de boxe de Vendôme, m’a suggéré de faire un essai en UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire, ndlr)”. Elle accepte et se plaît à pratiquer cette discipline. “C’était comme un jeu et l’occasion aussi de retrouver mes copines”.
Mais surtout, Marie Connan confie avoir trouvé dans la boxe ce qu’elle avait besoin à l’époque. “J’étais une adolescente introvertie, timide. Ce sport m’a remise en forme, m’a redonné confiance en me permettant d’exprimer ce que j’avais à l’intérieur de moi”. Cela lui réussit plutôt bien aussi sur le plan purement sportif, car elle devient championne de France UNSS. Elle passera ensuite amateur avec deux entraînements par semaine, puis accèdera au pôle France. “Cela m’a permis d’acquérir une vision du haut niveau, tout en développant ma condition physique”. Cependant, cet investissement aura des conséquences. “J’ai tout lâché, car j’ai fait un burn out”.
A 17 ans, elle raccroche les gants. Elle s’engage ensuite vers des études de sports, mais elle arrête au bout d’un semestre. “Je n’aimais pas les sciences, pourtant j’avais passé un bac S”, rit-elle. Elle se dirige alors vers une fac de langues dans l’idée d’enseigner un jour, une envie qu’elle a depuis sa plus tendre enfance. Elle choisit l’espagnol comme langue étrangère, car elle la trouve “jolie”. “Mais il arrive un moment, quand vous voulez passer le CAPES, où vous vous retrouvez bloquée car vous ne maîtrisez pas la langue comme une vraie Espagnole”.
Alors elle fait ses bagages et part vivre en Espagne, à Alicante, pour finir son master et être immergée dans la culture ibérique. Marie Connan y rencontrera son partenaire, lui aussi enseignant et à la tête d’une entreprise, My Spanish Lesson Ltd. “Un jour, il s’est dit que ce serait bien d’aller s’installer à Londres pour développer son école de langues”. La Française dit oui, y voyant une occasion pour elle d’apprendre davantage l’anglais. A Londres, quand elle débarque en 2016, elle décide tout de suite d’enfiler à nouveau les gants. “Après avoir trouvé un logement et un job, j’ai immédiatement cherché un club de boxe”.
A 33 ans, refaire de la compétition n’est pas si facile. Mais son entraîneur, Matthew Burke, lui promet de faire d’elle une championne. Marie Connan accepte. Elle se remet sur le parcours pendant trois ans. Compétitions régionales, nationales, mais aussi internationales. Elle décroche deux médailles de bronze au Royaume-Uni et combat en Suède. Un jour, le président du club de boxe de Vendôme, Robert Guettier, la félicite pour ses succès sur Facebook. “Il m’a alors dit qu’il était convaincu que j’aurais pu aller plus loin si j’avais continué quand j’étais jeune”. Il lui propose alors de la mettre en contact avec l’entraîneur de l’équipe de France de boxe. “J’ai ensuite fait un stage d’évaluation pendant six mois”. Marie Connan participera même au championnat du monde en 2018, à New Dehli en Inde. “C’était incroyable. J’étais tellement fière de porter le drapeau français”.
Après ça, son coach anglais lui suggère alors de combattre une année en amateur pour gagner en points. Mais la Française n’est pas convaincue. “En amateur, on porte un casque, alors que mon point fort, c’est ma force de frappe”, commente la jeune femme. C’est pourquoi elle choisit de suivre Robert Guettier. Et elle a eu raison : la voilà aujourd’hui championne du France mi-mouche. “Tout ça m’a appris qu’il ne fait jamais baisser les bras et que tout peut arriver”. Même un titre de championne d’Europe ? “Ce n’est pas moi qui décide, ce sont les comités. Ce qui est sûr, c’est que ça m’a donné envie d’aller plus loin”.