Vérane Frédiani, autrice, journaliste et réalisatrice marseillaise, s’est vue remettre mardi 21 janvier, la médaille de Chevalier de l’ordre du Mérite agricole à l’ambassade de France à Londres. Reconnue pour ses ouvrages gastronomiques et ses réalisations mettant en avant la place de la femme et la diversité dans le monde du travail, cette distinction a une résonance toute particulière pour la Française installée à Londres depuis neuf ans.
La nomination de Vérane Frédiani à cette distinction honorifique française, récompensant les services rendus à l’agriculture, a été proposée par Gilles Quillot, chef cuisinier de l’ambassade de France à Londres. Tenue au courant plus tard de cette proposition, la Française a été surprise de cette reconnaissance. « Je ne m’y attendais pas, je suis très éloignée de tout ça, je fais mes trucs dans mon coin en espérant avoir un impact mais je n’imaginais pas que cela pouvait se faire remarquer au niveau de l’État », confie-t-elle.
Cette distinction prend une dimension particulière pour elle, d’autant plus qu’en France, elle a parfois ressenti un manque de reconnaissance. « J’ai fait une école de commerce et en France, les gens n’aiment pas ça, tout est critiqué en permanence », dit-elle. Cette médaille lui tient encore plus à cœur étant donné qu’elle l’a reçue à Londres, ville qu’elle décrit comme sa « bulle d’oxygène ».
Au-delà du titre, la cérémonie a également été un moment fort pour Vérane Frédiani qui explique que « se retrouver là, c’est tendre la main à d’autres sphères ». De plus, la fête s’est suivie d’un repas officiel où étaient présents des anciens médaillés, l’occasion pour elle d’ouvrir davantage son réseau. « La médaille pousse à continuer et à valoriser mon pays, ce que je fais a du sens », expose la Française.
La distinction de Vérane Frédiani s’inscrit également dans la continuité de son travail et notamment de son livre Marseille cuisine le monde, traduit en anglais en 2023 sous le titre de Taste the World in Marseille. Cet ouvrage présente la richesse culinaire de Marseille et son rôle de carrefour gastronomique international mélangeant la diversité.
Cette médaille est symbolique pour ce livre dont la traduction a demandé de grands efforts. « La traduction du livre a été une longue bataille car il n’y a pas d’aide financière pour les livres de cuisine alors qu’il y a des dizaines de livres écrits par des Anglais sur la cuisine en France, en français, mais pas l’inverse » explique-t-elle. Finalement, Vérane Frédiani se dit très fière malgré ces difficultés car le succès du livre a été au rendez-vous. « À Marseille, ils se le sont approprié et en sont fiers ». Aux États-Unis et au Royaume-Uni, tous les exemplaires imprimés se sont vendus. Seulement, étant donné le manque d’aide financière et le manque de moyens communicationnels et marketing, Taste the World in Marseille n’a pas eu la résonance internationale qu’il aurait pu avoir. « C’est dommage de ne pas pouvoir se représenter au monde », avance-t-elle.
Dans la lignée de ce livre, la journaliste a publié en 2024, L’Afrique cuisine en France qui explore l’impact grandissant de la cuisine africaine dans la gastronomie française. Elle met en avant les chefs africains qui s’installent en France et réinventent la cuisine, apportant des ingrédients et des concepts nouveaux, authentiques et créatifs. Elle observe que dans de nombreux restaurants français, les équipes comptent souvent des cuisiniers d’origine africaine, mais explique que personne ne leur demande leur point de vue ou leurs idées sur ce qu’ils aimeraient cuisiner. Son message est clair : il faut être curieux et donner la parole à ces talents.
L’Afrique cuisine en France n’est pas le seul projet que Vérane Frédiani a réalisé ces derniers mois. En effet, toujours dans un objectif de mettre en lumière les inégalités de genre dans le milieu de la gastronomie, la journaliste produit avec le guide Michelin au Royaume-Uni et en France des vidéos sur les femmes cheffes au Royaume-Uni.
Grâce à ces présentations, elle espère amener de la reconnaissance aux femmes cheffes autrement que par des étoiles. Elle souligne : « Pour avoir des étoiles, il faut de l’argent. Or, les femmes ont moins d’investissements, et en plus, elles doivent gérer la communication, la décoration et bien d’autres aspects seules alors qu’un chef homme est bien plus souvent accompagné de sa femme qui gère le reste gratuitement ».
Cette question d’égalité, Vérane Frédiani la défend également dans sa vie privée. « Des femmes m’ont aidée, alors aujourd’hui c’est moi qui fais du réseautage pour les mettre en avant », confie la Française. Ce combat concerne aussi sa fille, dont elle espère qu’elle sera fière et qu’elle représentera une inspiration à travers sa médaille. Malgré ce long travail universel, elle se dit confiante. « Le fait que ce soit l’ambassadrice, Hélène Duchêne, qui me remette la médaille est symbolique, dans nos milieux respectifs, la gastronomie et l’audiovisuel, il n’est pas facile de se faire une place en tant que femme alors il y a tout de suite eu une proximité entre nous, ça a donné plus de sens à la cérémonie », explique la Marseillaise. De plus, l’ambassade de France au Royaume-Uni a récemment engagé une chef pâtissière. « Ça donne une image de la France plus moderne », explique-t-elle.
Si elle met momentanément en pause l’écriture de livres, Vérane Frédiani veut revenir à la réalisation cinématographique, sans abandonner ses thématiques de prédilection. Elle s’intéresse notamment à des figures historiques féminines.
Avec cette médaille de l’ordre du Mérite agricole, la Française voit un signal fort : celui que son combat pour la reconnaissance des femmes et des cuisines du monde commence à être entendu. Une motivation supplémentaire pour continuer à faire bouger les lignes.
Elle espère que ce genre de reconnaissances contribuera à montrer une image plus moderne et diversifiée de la France, à l’opposé des cercles encore trop homogènes et archaïques de la haute gastronomie et des institutions françaises. « Je suis persuadée que l’avenir sera de plus en plus inclusif », conclut l’autrice.