Paris, en 1942 : les nazis occupent la capitale française. Le joaillier Joseph Haffmann fait face à un danger imminent alors que les Français de confession juive sont raflés dans toute la ville pour être déportés. Désespéré, il se tourne alors vers son employé de confiance, Pierre Vigneau, pour obtenir de l’aide.
Dans le cadre d’un accord risqué et non conventionnel, il transfère la propriété de sa bijouterie à celui-ci en échange d’une cache pour éviter la déportation. Cependant, Pierre Vigneau décide d’ajouter une condition quelque peu inattendue dans leur accord qui en inclut alors un autre qui concerne sa femme, Isabelle. D’autres personnages vont s’ajouter cette situation, comme un officier nazi amateur d’art et son épouse. En mêlant humour noir et suspense dans un contexte de crise sans précédent, cette pièce met en lumière la résilience humaine face à des choix impossibles.
Cette pièce écrite par Jean-Philippe Daguerre, auteur et metteur en scène français, a remporté quatre Molière en 2018. Vrai succès en France – elle a été adaptée en film -, elle a aussi beaucoup voyagé. “On l’a jouée plus de 1,000 fois, et dans le monde entier, quasiment sur tous les continents. Elle a été traduite dans au moins une vingtaine de pays”, lance l’auteur. Après avoir fait un passage de six semaines à guichets fermés à Bath en 2023, sur la scène du Royal Theatre – “un théâtre qui a une très belle réputation pour la création contemporaine, notamment sur des auteurs français” -, la pièce sera présentée pour la première fois à Londres au Park Theatre, à partir du mercredi 5 mars et jusqu’au samedi 12 avril.
Le Français se dit toujours autant surpris de ce succès, auquel il ne s’attendait pas du tout. “C’est une pièce que j’ai démarrée il y a presque dix ans au Festival d’Avignon. Il y avait 20 spectateurs dans la salle. Il faut être un peu mégalo pour penser qu’on va réussir à faire une pièce qui va être jouée aussi longtemps, qui fait le tour du monde”, confesse Jean-Philippe Daguerre. Pour lui, “il y a des pièces qui viennent au bon moment. C’est un alignement de planètes. Il y a aussi eu une curiosité qui est née grâce aux récompenses aux Molière, sans qui, je pense, la pièce n’aurait pas la carrière qu’elle a. Ça, et le bouche à oreille”.
Jean-Philippe Daguerre souligne par ailleurs l’universalité de l’histoire de “Adieu Monsieur Haffmann”, qui, dit-il, n’est pas une pièce historique. Certes, elle se passe en 1942, dans un contexte bien particulier, mais c’est avant tout une histoire dans la grande Histoire, celle qui “se noue entre les êtres humains qui composent les personnages”. “Ce qu’ils vivent entre eux est un peu plus universel, où chacun peut se reconnaître à travers ce que vivent les personnages, leurs sentiments”.
Voir sa création être présentée à Londres le rend fier. “C’est très chic, comme on dit. Et puis, on est dans le pays de Shakespeare, c’est très flatteur et émouvant”, poursuit-il, “pour moi, c’est la cerise sur les gâteaux, car c’est très rare pour un auteur français. Il y a des endroits, comme Londres ou New York, qui sont symboliques car sont des plateformes de théâtre”.
Jean-Philippe Daguerre n’a aucun mal à voir sa pièce vivre de nouvelles vies, dans d’autres langues. “Je pense qu’il faut écrire pour que les autres jouent. On ne peut pas se dire : je l’ai écrite donc je suis le seul à avoir le droit de la mettre en scène. Au contraire, je trouve que c’est un hommage qu’on peut faire à quelqu’un”, estime l’auteur français, qui ne souhaite en aucun cas que l’on repduise sa vision. “Si d’autres ont envie de mettre en scène cette pièce avec leur propre vision, je trouve ça formidable. C’est des lectures différentes, des mises en scène différentes, des directions d’acteurs différentes. Le principe de l’auteur, c’est d’accepter le risque d’être peut-être un peu trahi parfois ou d’être, au contraire, un petit peu amélioré”.
L’auteur sera à Londres le lundi 10 mars pour assister à une des représentations. Un moment dont il a hâte. “Ce sera un voyage express, car je suis en pleines répétitions en France, mais je suis très heureux de venir. Je ne pouvais pas rater ça”. D’autant plus qu’il adore la capitale anglaise. “C’est une ville où je viens régulièrement avec ma famille, de façon ponctuelle, pour aller voir souvent des comédies musicales parce que ça fait partie du patrimoine”. Mais aussi pour profiter de la scène culinaire, ajoute-t-il en riant. “Je suis très gourmand et à Londres, on se régale. J’ai d’ailleurs mes petites adresses”.
Jean-Phillippe Daguerre espère que le public français viendra découvrir ou redécouvrir sa pièce en anglais. “Quand je l’ai moi-même vu pour la preemière fois, j’avais été épaté de la rigueur, du travail, qui était très différent du mien. La façon d’incarner et de jouer les personnages en anglais, c’est une autre façon de jouer. La démarche est tellement puissante et homogène que c’est un vrai régal. C’est ce qui fait toute l’élégance et toute la différence”. Aussi, l’auteur rappelle que l’histoire de sa pièce mêle plusieurs genres du théâtre, avec beaucoup d’humour malgré le contexte, d’émotions, mais aussi beaucoup de suspens avec une scène finale qui dure plus d’une demi-heure. “En général, en sortant, le public dit toujours qu’il ne s’attendait pas à voir ça”.
Quand : du mercredi 5 mars au samedi 12 avril
Où : Park Theatre, Clifton Terrace, London N4 3JP
Combien : de £15 à £47,50
Réservations : ici