« Contrairement à ce que l’on a pu lire parfois dans la presse britannique, la question de l’éventuel prêt de la tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni n’est toujours pas tranchée », déplore une communicante au musée de la tapisserie de Bayeux. Au sein des relations franco-britanniques, cette tapisserie a souvent fait office de symbole d’accord ou de discorde entre les deux pays.
La question d’un prêt au Royaume-Uni fut évoquée pour la dernière fois en 2018, lors du trente-cinquième sommet franco-britannique de Sandhurst. Sur fond de crise migratoire, Emmanuel Macron et l’ancienne Première ministre Theresa May avaient alors prononcé quelques phrases au sujet de l’ouvrage, témoin d’une histoire commune, celle de l’invasion normande par Guillaume le Conquérant en 1066.
Si du côté britannique, le terme prêt a été employé à quatre reprises, le président Macron s’était montré plus évasif. L’échange physique de la tapisserie, propriété de l’État français en dépôt dans la ville de Bayeux, étant en effet conditionné par les travaux de restauration de l’œuvre, estimés à 2 millions d’euros. « Cet échange est soumis à des conditions très strictes qui ne nous appartiennent ni à l’un, ni à l’autre, mais qui appartiennent aux spécialistes, parce qu’elle est éminemment fragile », annonçait ainsi Emmanuel Macron face à Theresa May.
La responsable de la communication du musée de Bayeux affirme qu’il s’agissait alors d’une ouverture de conversation, non pas d’une annonce officielle. Il faudra encore attendre donc, surtout que la rénovation n’est pas encore près de se faire. En effet, les discussions des modalité des travaux sont à l’arrêt. « À l’heure actuelle, personne n’a été recruté pour la restauration. Sécurité, maintien de la température, on ne sait même pas encore où la tapisserie sera restaurée, l’État français est attendu sur le sujet », précise l’équipe du musée de Bayeux, qui, lui, doit également fermer ses portes temporairement en 2026. Là aussi pour des raisons de rénovation.
Si la question du prêt reste incertaine, et malgré un premier accord de principe officialisé en juillet 2018 par les ministres de la Culture français et britannique, une collaboration scientifique et culturelle est, quant à elle, bel et bien en place entre les deux pays, et ce depuis la fin du XIXème siècle. Au mois de mai dernier, le musée Victoria & Albert ainsi que la ville de Bayeux se sont associés pour célébrer 150 ans de collaboration culturelle autour de la tapisserie millénaire, mais aussi des premiers travaux photographiques entrepris par le musée britannique en 1872 ainsi que la restitution d’un fragment manquant de la toile, subtilisé par l’artiste anglais Charles Stothard en 1812, avant d’être exposé au V&A à la mort de l’antiquaire. Morceau restitué, après de nombreuses discussions, au musée de Bayeux en 1872, assurant une collaboration pérennes entre les deux musées.
Outre la collaboration culturelle, il y aura aussi celle scientifique avec la signature d’un mémorandum d’entente, formalisant le soutien du musée britannique ainsi que l’apport de son expertise relative à la recherche scientifique mobilisée pour la restauration de la broderie millénaire, inscrite au registre « Mémoire du Monde » de l’UNESCO. Cette collaboration scientifique, sous réserve de financement, prendra la forme de numérisation des plaques photographiques restantes, issues de la première collaboration culturelle entre la France et le Royaume-Uni en 1872. L’objectif est de compléter le projet numérique « SIDS » (système d’information documentaire spécialisé), à l’initiative de la ville de Bayeux et de l’État et soutenu par l’université de Caen Normandie et par le CNRS. Une fois abouti, le projet permettra à la communauté scientifique d’accéder à une documentation numérique complète de la tapisserie.