A l’heure où les écrans sont omniprésents, il apparaît que l’imaginaire des enfants serait de plus en plus contraint. Pour contrecarrer ce fléau, la start-up française Lunii a misé sur la méthode ancestrale des histoires racontées au creux de l’oreiller grâce à un boîtier interactif permettant à l’enfant d’échafauder lui-même son récit. De quoi reléguer au placard les parents dont l’inspiration commencerait à tarir. Ayant déjà écoulé 370.000 “My fabulous storyteller” depuis le lancement du produit en 2016, l’entreprise tente désormais de s’implanter au Royaume-Uni avec l’espoir d’en faire à terme son deuxième marché après l’Hexagone.
De prime abord “My fabulous storyteller” s’apparente à un boîtier minimaliste aux couleurs flashy sur lequel peut se charger un catalogue d’histoires à n’en plus finir. Mais à la différence d’un simple lecteur transportable, la “fabrique à histoires” permet aux enfants de 3 à 8 ans de “choisir le héros, le personnage secondaire, le lieu et l’objet de l’histoire qu’il va écouter”, explique Maëlle Chassard, co-fondatrice de Lunii.
Ce faisant, les nombreuses combinaisons possibles permettent de décupler considérablement le champ des possibles. Et ce, d’autant plus qu’aux 48 histoires et quizz intégrés au produit neuf peuvent s’ajouter des dizaines d’autres contes et albums payants à télécharger sur le site internet de la société. En outre, quelques histoires interactives permettent également d’influencer en temps réel le cours du récit. “L’idée est de faire de l’enfant un acteur à part entière de l’aventure”, explique la Française.
Voir cette publication sur Instagram
Une publication partagée par Luniimaginaire (@luniimaginaire) le 16 Sept. 2019 à 3 :01 PDT
Dépourvu d’écran et n’utilisant ni le wifi ni le Bluetooth – pour éliminer les ondes – “My fabulous storyteller” tente ainsi de “recréer un rapport très simple et intuitif à l’objet”. Avec son autonomie de huit heures, il peut se transformer en compagnon de voyage avec son casque (non-fourni, ndlr) équipé d’une double prise jack permettant de connecter une deuxième paire d’écouteurs. Son style rappelle par ailleurs le “design d’un transistor des années 1970 donc le style rétro a été mis au goût du jour”, confie Maëlle Chassard qui pointe au passage la volonté de “contrer toute l’industrie des jouets genrés”.
Arrivé timidement sur le marché britannique en début d’année 2019, Lunii a déjà enregistré quelque 4.000 ventes de son “My fabulous storyteller”. De quoi laisser entrevoir aux quatre associés la perspective d’un avenir florissant outre-Manche. “Notre démarche à l’export était de traduire trois albums inscrits dans un univers fantastiques – donc sans références culturelles – pour tester l’appétence du nouveau public avant de commencer à travailler avec des auteurs locaux”, détaille Maëlle Chassard. La réussite de l’expérimentation a ainsi permis à Lunii de développer un répertoire de 14 albums en anglais britannique – soit environ 170 histoires – comprenant tout aussi bien des créations originales que des partenariats tels que l’adaptation de six tomes de la saga Monsieur Madame (“Mr. Men” en anglais).
“En 2020, notre stratégie va consister à être beaucoup plus présent en magasins”, confirme la designer et initiatrice du projet. Toutefois, la commercialisation du transistor ne devrait pas se faire par les rayons des supermarchés traditionnels. “On ne veut pas être associé à l’image véhiculée par la grande distribution”, explique celle qui est pourtant convaincue que son “produit a besoin d’être testé pour être compris”. “Notre objectif à moyen terme serait d’intégrer tant les magasins de jouets indépendants que des chaînes telles que John Lewis, Selfridges ou Waterstones”, précise finalement la responsable de la communication de l’entreprise avant de poursuivre “nous espérons faire du Royaume Uni notre deuxième ou troisième marché après la France d’ici deux ans”. Un objectif ambitieux qui semble pourtant à portée de clic depuis que “My fabulous storyteller” est vendu par le géant du e-commerce Amazon.
C’est en préparant son mémoire de fin d’études que Maëlle Chassard découvre, en 2013, à quel point la limitation de l’imaginaire des enfants est liée à la multiplication des écrans. L’étudiante en design spécialisée en innovation et en interactivité met en effet en exergue dans ses recherches que “les écrans restreignent le développement d’une zone spécifique du cerveau”. Un constat qu’a d’ailleurs confirmé une expérience consistant à demander à un panel d’enfants de dessiner un ogre. Il est alors apparut que 90% d’entre eux ont opté pour un dessin Shrek ou d’Ulk.
Après avoir suivi une formation complémentaire d’un an sur l’entreprenariat, la jeune diplômée s’est alors entourée d’Éric Le Bot ainsi que d’Igor et Thomas Krinbarg, trois amis fraîchement sortis d’un cursus d’ingénieur, d’une école de commerce, et d’une formation en multimédia. Ensemble, ils créent Lunii en 2014 et développent les premiers prototypes de la “fabrique à histoires” qu’ils présentent dans la foulée dans un salon de l’innovation.
Depuis la première commercialisation en 2016, la start-up n’a cessée de croître et compte aujourd’hui une cinquantaine de salariés principalement basés dans l’Hexagone bien que leur périmètre d’action s’élargisse d’année en année. Les déclinaisons italienne, espagnole, allemande, russe, néerlandaise, américaine et désormais britannique ont en effet contribuées au développement rapide de l’entreprise qui ambitionne désormais de s’orienter vers les pré-adolescents. “Mais ce sont des projets ambitieux qui ne verront pas le jour avant 2023”, nuance toutefois Maëlle Chassard. Pour l’heure, les quatre associés planchent plutôt sur des contenus éducatifs – permettant par exemple l’apprentissage des voyelles aux enfants dyslexiques – ou encore adaptés aux longues hospitalisations.