Ça a l’aspect du bacon et ça a le goût du bacon, mais ce n’est pas du bacon. Voilà comment on pourrait résumer le produit phare lancé par une jeune start-up française qui a bien l’intention de révolutionner les assiettes des Britanniques. Après avoir conquis la France en à peine quatre mois, La Vie traverse la Manche et s’apprête à faire de même au Royaume-Uni.
“L’élevage intensif représente 18% des émissions de gaz à effet de serre et nécessité 77% des terres agricoles, soit un quart des terres émergées comparable à tout le continent américain du Canada au Chili, pour permettre la monoculture de soja nécessaire à alimenter les bêtes”, explique Romain Jolivet, directeur marketing de l’entreprise. Des chiffres qui ne prennent pas en compte l’augmentation démographique dans les prochaines années. “D’ici 2050, la demande de consommation de viande va être multipliée par deux dans le monde. Sauf qu’il n’existe pas de deuxième continent américain pour permettre de nourrir les bêtes”.
C’est devant ce constat que La Vie est née. Les fondateurs, n’ont rien révolutionné dans l’idée, lance Romain Jolivet. Ils sont simplement partis de ce qui existait déjà : faire de la viande à partir de plantes. “Aujourd’hui, il existe des alternatives pour les végétariens ou les flexitariens (personnes modérant leur consommation de viande), mais peu de ces offres, voire aucune, ne permettaient de réunir autour de la table les amoureux de la viande et ceux qui n’en mangent pas ou plus”. En cause, le goût. “Ces produits sont souvent très chers et pas très bons. On le sait ce qui donne le bon goût de la viande, c’est son gras. Sauf que jusque-là, pour reconstituer ce gras, les industriels utilisent de l’huile de palme ou de coco, qui finissaient par devenir de l’eau à la cuisson”.
Pas de quoi donner de l’eau à la bouche en revanche. Les fondateurs de La Vie, Vincent Poulichet et Nicolas Schweitzer, ont alors bûché pendant trois ans. Dans leur laboratoire, à Paris, Vincent Poulichet, post-doctorant en physique-chimie spécialiste du gras, a cherché à développer un produit pouvant reproduire exactement ce goût de gras.
Plus de 500 recettes ont été testées et goûtées pendant un an avant de trouver finalement la bonne. La Vie a tout de suite déposé son brevet, qui est “unique au monde” précise Romain Jolivet. “Le gras de notre bacon présente vraiment les mêmes caractéristiques que celui d’une viande”, assure-t-il. Le bacon, c’est en effet par ce “produit phare” que la start-up française a souhaité se lancer sur le marché. “C’est la viande la plus iconique quand on recherche le plaisir du gras. Sans compter que pour La Vie, c’était un peu le Graal, et ainsi montrer au monde entier qu’il était possible d’offrir un produit bon et se rapprochant trait pour trait à de la viande”.
C’est donc le 4 octobre 2021, journée mondiale des animaux, que l’entreprise française a lancé ses deux premiers produits : bacon et lardons. Très rapidement, elle convainc Carrefour de la référencer dans ses rayons. “On est même devenu la première start-up référencée dans tous ses supermarchés au niveau national”, confie Romain Jolivet. Les prévisions de sortie de caisse sont trois fois plus élevées que l’objectif que les deux partenaires s’étaient fixé. Comme quoi, La Vie avait vu juste, malgré un marché encore peu développé en France. “Il ne représente que 0,7% en France, qui reste encore très attachée à ses produits, sa gastronomie et où l’exigence gustative est très forte”.
Cinq mois après le lancement de son bacon et de ses lardons, La Vie est non seulement présent dans les magasins Carrefour, mais aussi en ligne sur le site de cette grande enseigne, et vient de signer avec Intermarché et Leclerc. “Je crois que les consommateurs sont séduits par les ingrédients simples que nous utilisons mais aussi leur nombre peu élevé. Il n’y en a que 8 et ils sont non cachés, tout est inscrit dans le paquet. On est même affiché vert sur l’application Yuka. On présente 11 fois moins de graisses saturées qu’un bacon ou des lardons issus d’un porc. On produit 70% de moins de gaz à effet de serre et surtout nos prix sont 30% moins chers que des marques bio”.
Après ce succès en France, La Vie a souhaité aller plus loin. Avec un marché du “plant based” représentant 7% au Royaume-Uni, l’entreprise s’est dit que traverser la Manche serait intéressant pour son développement. Et elle a bien fait puisque pour ses premiers pas, elle décroche le prix du “Best Bacon Product” lors du Plant Based World Conference & Expo qui s’est tenu à Londres en octobre dernier. Les fondateurs de La Vie sont persuadés que leur marque “fun, inspirante, déculpabilisante et qui réunit autour de la même table viandards et végétariens” a toute sa place au Royaume-Uni. Son bacon est déjà disponible dans le burger “California Dreamin’” sur la plateforme de livraison Taster. “Nous sommes aujourd’hui en discussion avec de grandes chaînes mondiales de restauration et d’enseignes pour développer notre présence sur le marché britannique”.
Et après le Royaume-Uni, La Vie vise les Etats-Unis et l’entreprise a déjà un soutien de poids : l’actrice Natalie Portman. Séduite par les produits de la marque française, elle a accepté d’en être l’ambassadrice. Grâce à une levée de fonds de 25 millions de dollars, 2023 sera donc consacrée à la conquête de l’Amérique. “Si on veut avoir un impact massif sur la transition alimentaire, il faut aller là où la consommation de viande est la plus importante”, résume Romain Jolivet. Parallèlement, La Vie poursuit un autre développement, celui de nouveaux produits. “Notre angle, c’est l’innovation, donc on ne veut pas sortir un produit s’il n’est pas meilleur que la viande animale”.