“Londres en tant que scène musicale, je crois qu’il n’y a pas mieux au monde. Il y a énormément d’opportunités à chaque niveau”, estime Gaby Duboisjoli. Elle en sait quelque chose car venant de Picardie, c’est dans la capitale anglaise que la chanteuse redécouvre son amour pour la musique. C’est aussi dans cette ville, qu’elle aime tant, qu’elle a composé et produit son premier EP Feel Me, dont le premier single Say Please est sorti le 10 avril dernier sur toutes les plateformes de streaming. Mais avant de se consacrer pleinement à la musique, la Française a fait un long chemin, bien éloigné des studios d’enregistrement.
“Ma passion pour la musique a toujours été là, ma mère dansait encore le cancan quand elle était enceinte de moi, donc c’est vraiment dans mes os, dans mon sang”, raconte Gaby Duboisjoli. En effet, les parents de la chanteuse étaient des artistes, solistes de cancan au Moulin Rouge à Paris, avant de déménager en Picardie pour créer un Music Hall. Ainsi, bien qu’éloignée de la capitale française, Gaby Duboisjoli est plongée dès son plus jeune âge dans un univers créatif et festif. Grandissant, captivée par les récits de scène de son père et de sa mère, elle s’efforce de se nourrir de musique en fréquentant le conservatoire, en étudiant le piano et en rejoignant une chorale.
À ses 15 ans, l’affaire familiale traverse une période de crise. “À l’âge où je devais me demander ce que je souhaitais faire après le lycée, ils étaient dans un moment très difficile de leur vie. Ils me disaient : ‘ne te lance surtout pas dans la musique, regardes-nous’”, raconte la compositrice. Après l’obtention son baccalauréat littéraire, la jeune femme peine donc à trouver sa voie, ne souhaitant pas faire une faculté de lettres, ni suivre ses amis en classe préparatoire. Alors qu’aucune formation lui plait, Gaby Duboisjoli décide de quitter le système français. Ayant des origines familiales anglaises du côté de sa mère, elle a une très bonne maîtrise de la langue, ce qui la pousse donc à choisir Londres pour poursuivre ses études.
Arrivée dans la capitale anglaise, elle s’inscrit d’abord en licence de journalisme, mais après de nombreuses hésitations, elle se tourne finalement vers une licence en gestion artistique. “Au début de ma vingtaine, j’étais perdue. Je n’avais pas le courage de dire que ce que je voulais vraiment faire c’était de la musique”, se rappelle la chanteuse. Après ses études, la Française entame une carrière dans le mécénat pour la musique classique. “Mon travail gravitait toujours autour de la musique, mais je me demandais pourquoi je levais des fonds pour permettre à d’autres de chanter sur scène alors que c’était exactement ce que je voulais faire”, relate Gaby Duboisjoli.
En 2016, alors que la jeune femme ne s’épanouit pas dans sa carrière professionnelle, elle découvre Sunday Assembly. Ce mouvement vise à recréer le sentiment de communauté que procure l’Église, mais sans aspect religieux, accueillant ainsi des participants croyants ou non. Sunday Assembly propose diverses activités telles que des conférences avec des personnes inspirantes, des performances de poésie et une variété de clubs, dont un club de jazz. “J’ai découvert ce groupe, et pour la première fois de ma vie, j’ai enfin eu le courage de m’y présenter et de dire que j’étais chanteuse”, explique la Française.
Grâce à cette association, la jeune femme surmonte peu à peu son anxiété et gagne en confiance en commençant à se produire lors de concerts au Conway Hall. “Tous les dimanches je jouais devant plus de 300 personnes, l’ambiance était électrique. On jouait des chansons comme “Eyes of the Tiger” ou “Take on Me”, des tubes que tout le monde adore”, s’amuse Gaby Duboisjoli .
Elle continue à se produire ainsi pendant plusieurs années jusqu’à l’arrivée de la pandémie. “Durant le Covid, j’ai réalisé que je ne voulais plus seulement interpréter les chansons des autres, je voulais écrire mes propres paroles », raconte l’artiste. La Française décide alors de reprendre ses études et s’inscrit à un master d’écriture et de production à la faculté de Tileyard afin de se professionnaliser.
La première étape pour devenir une véritable artiste est souvent le choix d’un nom de scène. Gabrielle Deschamps, de son vrai nom, a adopté le pseudonyme de Gaby Duboisjoli lorsqu’elle travaillait à l’opéra, cherchant ainsi à séparer sa vie professionnelle de l’époque de sa vie personnelle. Quant à “Duboisjoli”, son origine vient de sa famille dont le nom complet était Deschamps Champeville de Boisjolly.
Ensuite, en 2020 et 2021, la chanteuse sort successivement deux singles de manière indépendante : Tonight was not the one et J’veux des frissons. “Ce n’est pas si difficile de sortir des musiques indépendamment, car il existe de nombreux blogs, articles et vidéos gratuites pour apprendre à créer une musique par étapes”, confie la musicienne. Elle reconnaît également avoir “énormément évolué” depuis ces premiers projets, mais reste fière d’avoir réussi à produire une œuvre artistique par elle-même, depuis son ordinateur. La compositrice rappelle encore une fois que “ce qui est le plus difficile c’est le courage de se lancer et pas tant de faire”.
Son morceau bilingue J’veux des frissons a par la suite été sélectionné pour les Eclectic picks de Fresh on the Net et a également été joué sur les ondes de BBC Introducing. Il s’agissait de la première reconnaissance officielle de son travail. “Entendre mon nom à la radio m’a rempli d’émotions. Être fier de son travail devrait suffire, mais recevoir la validation des autres est extrêmement gratifiant”, estime l’artiste.
Dans ses débuts musicaux, Gaby Duboisjoli avait pour ambition de fusionner diverses influences telles que le jazz, le rock, l’électro et la pop au sein de son travail. À plusieurs reprises, elle s’est tournée vers Help Musicians, une organisation caritative soutenant les musiciens professionnels de tous horizons, pour financer ses projets. Ayant sollicité leur soutien à trois reprises, la compositrice a à chaque fois ajusté sa musique et affiné son style. C’est ainsi qu’elle a finalement obtenu une bourse pour son dernier projet, intitulé “Feel Me”.
Pour cet EP, Gaby Duboisjoli a une vision claire : il s’agit de créer “quatre chansons au style électro cabaret pop”, des morceaux “sensuels et performatifs où je joue le rôle de la femme fatale”, explique-t-elle. S’inspirant de son passé lié au Moulin Rouge et au Lido, elle a puisé dans ces références pour définir son style.
Le premier titre de son EP, Say Please, est sorti le 10 avril dernier. Il s’agit d’un morceau au caractère “scandaleux”, jouant sur la “coquetterie et la coquinerie, qui sont au cœur de l’aspect cabaret de cet album”, annonce l’artiste. Elle exprime également son souhait que des danseuses, chanteuses, burlesques, drag queens, ou encore des strip-teaseuses utilisent ses chansons dans leurs performances, créant ainsi un échange artistique. Les trois autres morceaux seront publiés à intervalles de sept semaines chacun.
Gaby Duboisjoli commence dès à présent à travailler aux côtés de sa pianiste pour se produire bientôt sur scène à Londres. Mais à long terme, elle nourrit également d’autres projets comme le désir de renouer avec ses racines françaises. “Il y a tant de belles choses dans l’Aisne et en Picardie, dont je n’avais malheureusement pas connaissance. Il existe de nombreux tremplins, institutions et organisations qui émergent pour soutenir la scène musicale française et j’aimerais m’impliquer dans ce mouvement régional”, affirme la chanteuse.
Elle souhaite également promouvoir l’art français de ce côté de la Manche en écrivant des paroles en français et en collaborant avec des producteurs et musiciens expatriés. “J’ai entendu dire qu’il y avait autrefois une scène musicale française dynamique à Londres, et j’aimerais la retrouver si elle existe toujours, ou la réanimer si elle n’est plus active”, partage Gaby Duboisjoli sur son avenir.