Les hôpitaux publics comme privés proposent des parcours de procréation médicalement assistée (PMA) aux couples ou personnes seules concernés par des problématiques d’infertilité. On compte un certain nombre de différences avec les pratiques françaises. Explications.
En cas d’infertilité constatée après avoir essayé de concevoir depuis au moins un an, la première étape est de se tourner vers son médecin généraliste (GP). Lequel renverra vers un centre de santé public (NHS) ou vers la médecine privée, selon le choix des patients.
Certains s’adressent directement au privé, sans passer par la case GP, laquelle permet cependant de s’informer sur le process de PMA et « une prise en charge par le NHS des premières explorations (spermogramme, échographie, prise de sang hormonale etc) », explique Emmanuelle d’Argent, gynécologue obstétricienne, consultante à la Lister Fertility Clinic du Portland Hospital.
Si la procréation médicalement assistée est la réponse à l’infertilité, le parcours PMA peut débuter. Dans le NHS, les traitements seront pris en charge selon des lignes directrices nationales, qui recommandent que la fécondation in vitro (FIV) ne soit proposée qu’aux femmes de moins de 43 ans, après 2 ans d’infertilité ou 12 mois de simulation, dont au moins 6 inséminations intra-utérines (IUI).
Les femmes de moins de 40 ans bénéficient de la prise en charge de 3 cycles, contre un seul cycle pour celles âgées de 40 à 42 ans et à condition que ce soit leur première FIV. « Si on a 40 ans au cours du second cycle, on le termine mais on s’arrête là », ajoute Dr d’Argent. D’où l’intérêt de débuter tôt ces parcours, notamment du fait des délais de prise en charge dans le public.
En plus des critères du NHS, la décision finale portant sur le financement public de la PMA est prise par les Integrated Care Boards (ICBs) locaux (pas moins de 5 pour Londres), qui appliquent des conditions parfois encore plus strictes. « Ce sont essentiellement des conditions d’âge, de poids, de tabagisme, le fait d’avoir déjà des enfants. Et ces critères peuvent changer, poursuit la gynécologue-obstétricienne. Parfois il faut avoir moins de 35 ans, tandis que d’autres ICBs vont jusqu’à 45 ans. Certains imposent de ne pas avoir eu d’enfant, que ce soit l’un ou l’autre des partenaires, ensemble ou pas ».
Et la différence de traitement selon les ICBs génère une véritable loterie du code postal, comme le dénonce Benjamin Viaris de Lesegno, obstétricien et gynécologue dans le privé et le public à Londres. « Certaines personnes vont déménager pour changer de ICBs, cela leur coûte moins cher que de passer dans le privé ! »
Contrairement à la France où les soins privés sont capés par l’État, les soins de fertilité en clinique privée sont complètement libéralisés au Royaume-Uni. Il faut compter entre £5,000 et £7,000 pour une insémination, et £8,000 à £12,000 pour une FIV – un coût couvert par certaines assurances privées.
Le privé assure une rapidité de prise en charge (délai d’un cycle), dans des conditions bien plus confortables que le public. Une voie qu’a choisie Anne-Laure*, mère de 4 enfants nés par FIV. « Mon GP m’a dit : ‘Vu votre âge et vos moyens, allez dans le privé’. C’était cher, mais la CFE a pris en charge une partie des coûts ».
Face aux dérives potentielles d’un marché très juteux, il est fortement conseillé de choisir une clinique agréée par la Human Fertilisation & Embryology Authority. Si en théorie, il n’y a pas de limite d’âge, « le marketing a un poids important sur la sélection des patientes », remarque Dr Viaris. Soucieuse de son sucess rate (taux de grossesse global), « une clinique privée va être beaucoup plus encline à ne pas accepter une patiente qui risque de ne pas avoir de grossesse ».
Elles vont résider dans la prise en charge et les techniques offertes. « En France, la prise en charge est identique pour tous, c’est un système national, financé par la Sécurité sociale », explique le docteur Viaris. Alors qu’en Angleterre, les soins de fertilité sont vus comme un « soin de bien-être », dont la gestion est confiée à des instances locales (ICBs). Le financement est moins généreux qu’en France. Dans le public, les Françaises vont ainsi bénéficier de la prise en charge de quatre FIV jusqu’à leur 43ème anniversaire (soit un de plus que les Anglaises de moins de 40 ans, et trois de plus que les Anglaises de 40 à 42 ans). Un esprit qui perdure dans le privé, les Françaises ne payant que les dépassements d’honoraires, lesquels n’ont rien à voir avec les sommes déboursées au Royaume-Uni.
D’autre part, l’éventail des techniques utilisées (dans le privé) est plus large de ce côté de la Manche. Tout d’abord, le diagnostic génétique des embryons est autorisé au Royaume-Uni, alors qu’il est interdit en France, « sauf dans le cas où l’un des parents se sait porteur d’une anomalie génétique ou chromosomique », précise Dr d’Argent. De plus, la ROPA (réception d’ovule du partenaire) y est permise, contrairement à la France, qui impose l’anonymat du don de gamètes. Enfin, la PMA post-mortem et la gestation par autrui, strictement interdites en France, sont pratiquées ici.
Face aux différences de conditions de traitement et surtout de coût, certains envisagent de suivre un parcours PMA en France. « C’est tout à fait possible. Beaucoup de facteurs rentrent alors en jeu, tels que la prise en charge ou non par la Sécurité sociale, les liens conservés avec la France, la possibilité de se loger », note le docteur d’Argent.
« J’ai choisi de rester à Londres, près du père, pour continuer ma vie ici, mon travail », explique Anne-Laure. Il est toujours possible de consulter une première fois des deux côtés de la Manche, pour décider de ce qui sera le mieux pour soi. « Prendre la bonne décision est extrêmement important, avant de se lancer dans un projet coûteux en temps, en argent et en énergie », conseille Benjamin Viaris de Lesegno.
*Le prénom a été changé