“Je suis sur un petit nuage depuis que j’ai appris la nouvelle”. Et Laurent Ballesta a de quoi, puisqu’il a reçu mardi 12 octobre le prestigieux prix du Wildlife Photographer of the Year. Ce concours international, organisé par le Natural History Museum de Londres, récompense chaque année la meilleure photo animalière, toutes catégories confondues. Ce titre très convoité a donc été décerné pour cette édition 2021 à un Français. “Ce n’était jamais arrivé dans l’histoire du concours”, lance fièrement Laurent Ballesta.
Mieux encore pour lui, c’est seulement la seconde fois qu’un cliché sous-marin a été récompensé depuis le lancement du Wildlife Photographer of the Year, il y a 57 ans. La cérémonie s’est déroulée en visio (c’était déjà le cas l’an dernier, Covid oblige), et Laurent Ballesta a bien failli louper ce grand moment, puisqu’il raconte qu’il a failli aller se coucher avant la fin. “Je ne pensais pas que je gagnerais, je ne faisais aucune illusion”, explique le Français. Et à l’annonce de son nom, il est resté scotché. “Je crois que sur l’enregistrement la surprise se voit bien sur mon visage”, rit-il.
C’est une photo – rare – d’une femelle mérou entourée de mâles pendant la période de la fraie, prise dans l’atoll de Fakarava en Polynésie française (classé Réserve Man & Biosphere par l’UNESCO), qui lui a permis de décrocher le Graal. Baptisée “Création”, le cliché a donc séduit le jury de professionnels. “La photographie sous-marine est un peu une niche, je ne pensais pas que cela plairait autant”, analyse Laurent Ballesta, qui se dit encore “surpris, ému mais heureux”. Surtout que la photo subaquatique, c’est l’histoire de sa vie. Connu en France comme biologiste et expert scientifique en environnement marin, le Français a notamment travaillé avec Nicolas Hulot sur les mythiques émissions Ushuaïa. Mais ce qu’il aime par-dessus tout, c’est “cette perspective de (me) retrouver dans la situation de pouvoir faire de la photo sous-marine”. “C’est ma nature profonde, ce qui me donne la motivation le matin”. Il a d’ailleurs signé 13 livres de photographie dédiés à la vie sauvage sous-marine. Il a également co-créé la société Andromède Océanologie en 2000, et dirigé plusieurs expéditions de grande ampleur durant ces 10 dernières années.
Le Montpelliérain raconte que cette photo provient d’ailleurs d’un projet qu’il a mené avec ses équipes sur 5 années. “On avait pour objectif d’étudier le rassemblement des mérous, leur reproduction et comment ils sont chassés par les requins”, explique Laurent Ballesta. Lors de 5 voyages effectués, plus de 75.000 clichés ont été pris pendant les 3.000 heures de plongée cumulées. Une expédition éprouvante, reconnaît-il. “On faisait exactement la même plongée, plusieurs fois par jour, de jour comme de nuit. On se reposait seulement lors de siestes de quelques heures”, se souvient-il. Donc cette photo, loin d’être un coup de chance, symbolise un dur labeur de la part des équipes de Laurent Ballesta. “Il a fallu de l’entêtement, de la persévérance et je crois que le jury a été sensible à cela”.
Savoir qu’une photo sous-marine a remporté le prix le plus prestigieux de ce concours animalier international ravit le Français. “La photographie est un instant que l’on ne peut pas faire durer et il n’y a pas plus éphémère qu’un passage sous l’eau”. L’Homme, rappelle-t-il, n’est pas fait pour vivre sous l’eau, alors qu’il y existe un volume habitable exceptionnel. “Vu de la Terre, on dit toujours que la planète est constituée de 70% de mers et 30% de terres, mais en réalité le volume habitable sous-marin représente 99% de la planète”. Or, aujourd’hui seule 10% de la biodiversité marine a été décrite, dont 8 à 9% a été illustrée. “Imaginez alors tout ce qu’il reste à explorer”, lance le biologiste, “on ne peut pas négliger cette part d’inconnue de notre planète. C’est un monde intriguant, exotique et féérique”. Il reste donc tant de “territoires, d’espèces aquatiques” à découvrir lors de plongées profondes et Laurent Ballesta aime continuer à s’émerveiller “comme un enfant”, dit-il, devant ce monde d’outre-mer.
Si le Français reconnaît qu’”une photo ne peut pas sauver le monde”, il espère cependant passer un message avec son travail. “On est là pour dire la beauté de la nature, son harmonie et son mystère. Après c’est chacun avec sa conscience”.