En l’espace d’un quart de siècle, Eurostar a “transformé le voyage entre le Royaume-Uni et le continent”, selon les mots de Mike Cooper, PDG de la compagnie ferroviaire. Depuis son premier voyage commercial le 14 novembre 1994, ce sont plus de 200 millions de voyageurs qui ont été transportés sous la Manche. Aujourd’hui, la cinquantaine de trains à grande vitesse quotidiens ont permis de rapprocher considérablement Londres, Paris, Bruxelles et désormais Amsterdam (depuis avril 2018). Mais, après avoir atteint l’équilibre financier en 2010, Eurostar doit à présent continuer de se faire une place entre les compagnies aériennes low cost et de potentiels concurrents.
25 ans, pour Eurostar c’est évidemment l’heure d’un premier bilan mais également celle d’un nouveau départ… plus vert que jamais. Pour marquer cet anniversaire et cette nouvelle orientation, le premier train “sans plastique à usage unique” a circulé jeudi 14 novembre 2019 entre Londres St Pancras et Paris Gare du Nord. Avec cette politique éco-responsable, finis les gobelets en plastique et place à des tasses en carton ou à de vrais verres. Une démarche déjà engagée, puisque 500.000 bouteilles en plastique ont été supprimée du réseau sur les 12 derniers mois, comme l’a rappelé Micke Cooper.
En tout, c’est un million de déchets plastiques qui sera à terme économisé. Une initiative qui ne concernera dans un premier temps que “certains trains” mais qui est appelée à se généraliser. “Je pense que les passagers comprendront que je n’ai pas la baguette d’Harry Potter pour tout changer du jour au lendemain”, plaisante le PDG avant d’enchérir, “nous allons faire de gros progrès sur ce sujet” d’ici 2021.
En parallèle, la compagnie ferroviaire s’apprête à lancer un programme forestier en “plantant un arbre à chaque fois qu’un Eurostar partira d’une gare” à compter du 1er janvier 2020. “Pour nous, c’est une grande démonstration de notre engagement puisque ce seront presque 20.000 arbres qui seront plantés chaque année”, précise Mike Cooper. Le développement durable semble désormais faire partie de l’axe principal de communication d’Eurostar vis-à-vis de ses clients. Déjà vanté comme étant “90% plus propre que l’avion”, le train à grande vitesse ambitionne désormais d’être “reconnu comme tel par ses passagers”.
Outre la dimension environnementale, le patron a dû faire face, depuis son investiture en mars 2018, à la grande inconnue du Brexit. Un dossier visiblement résolu selon l’intéressé. “Nous avons travaillé très dur avant la fin mars 2019 (date originale du Brexit, ndlr) pour obtenir un certificat de sécurité et une licence d’exploitation en France qui nous permettront de continuer de faire circuler nos trains, qu’il y ait un deal ou non”, détaille-t-il.
Si le retrait du Royaume-Uni ne remettra pas en cause cette liaison ferroviaire forte entre la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas, le PDG d’Eurostar confie toutefois que “l’offre de transport à travers l’Europe connaît actuellement une très forte accélération”, conduisant de fait la compagnie ferroviaire à prioriser ses projets. En premier lieu, Mike Cooper dit vouloir grignoter des parts de marché à l’aérien sur les trajets inférieurs à 4 heures. A ce titre, l’axe Londres-Amsterdam est un terrain de jeu tout trouvé. “Pour le moment nous ne possédons que 8 à 9% de parts de marché sur cette liaison que les compagnies aériennes continuent de dominer”, avoue-t-il. L’ajout récent d’un troisième trajet quotidien sur cette ligne témoigne également de cette volonté de développement. Pour autant, aucune nouvelle destination n’a pour l’heure été rendue officielle. De l’aveu même du PDG, “la France n’est pas (leur) priorité numéro un”. Toutefois, des études sont en cours pour évaluer la faisabilité d’une desserte de la gare de Bordeaux Saint-Jean à l’horizon 2022.
Le jour de l’anniversaire d’Eurostar, son PDG a par ailleurs confirmé être entré en pourparlers avec Thalys, consortium ferroviaire exploitant principalement l’axe Paris-Bruxelles. Depuis “sept semaines”, les deux groupes esquissent en effet un projet de fusion des deux entités. L’objectif ? “Proposer une plus grande offre à un meilleur prix”, explique Mike Cooper. Une nouvelle réunion entre les deux entités devait se tenir vendredi 15 novembre 2019, mais la prudence reste de mise. “Les négociations n’en sont qu’à leurs prémices”, précise le Britannique.
Il faut dire que les sujets sur la table sont nombreux. Des contraintes techniques à l’élaboration d’une politique commerciale, la route est longue. Quant à savoir si un Eurostar low cost franchira un jour la Manche, Mike Cooper préfère botter en touche. “Pour le moment, cela ne fait pas partie de nos plans mais si on considère le projet de fusion avec Thalys – qui possède également Izy (une filiale de trains à bas coûts, ndlr) – le low cost est un aspect que nous mettrons à l’ordre du jour de nos discussions”, déclare-t-il.
L’idée sous-jacente à ce projet de rapprochement est en réalité d’atteindre une taille critique pour peser face à l’arrivée de nouveaux concurrents sur les rails européens. “Ça donnerait un groupe mêlant les Français, les Britanniques et les Belges sur un marché de 18 millions de passagers, et cela, sans même considérer les opportunités de croissance”, explique-t-il. Parmi les concurrents dans le viseur d’Eurostar, FlixTrain (déclinaison ferroviaire des FlixBus) qui exploite déjà trois lignes allemandes et s’est d’ores et déjà déclaré candidat pour faire rouler ses trains entre Paris et Toulouse en passant par Limoges à l’horizon 2020… Et pourquoi pas un jour traverser la Manche ?