Une note de 97.875 sur 100, un jury conquis qui a qualifié son plat de “symphonie de couleurs et de saveurs qui captivent les yeux et le palais”, et un joli chèque de 10,00 dollars. Pascal Aussignac, co-fondateur du Club Gascon à Londres, vient d’être sacré champion au World Food Championship, organisé à Dallas lundi 13 novembre au Texas par le groupe IMG, dans la catégorie “végétarienne”. De quoi surprendre, puisque le chef français étoilé est plutôt l’ambassadeur de la cuisine traditionnelle gasconne, où la viande et notamment le foie gras ont la part belle.
Mais alors comment s’est-il retrouvé à participer à cette compétition, et d’autant plus dans la catégorie “végétarien” ? Chaque année, depuis 2010, Pascal Aussignac participe au grand festival culinaire Taste of London, qui appartient aujourd’hui au groupe IMG, travaillant dans différents domaines, allant des médias aux sports, en passant par la culture et le divertissement.
Parmi les événements que l’entreprise promeut, il y a donc le World Food Championship. “Une des responsables de Taste of London m’a proposé il y a un mois et demi de participer cette année à la compétition”, raconte-t-il, “je me suis dit pourquoi pas, mais je voulais apporter une difficulté supplémentaire. Je n’avais pas envie de proposer au jury du poisson ou de la viande, surtout que le Texas est connu pour la qualité de ses barbecues”. Ce sera donc dans la catégorie “végétarien” qu’il ira. “Cela me laissait vraiment plus de possibilités de m’amuser, de surprendre. En tant que chef spécialisé dans la cuisine du sud-ouest, je savais qu’on ne m’attendrait pas là”. Il appelle alors un des chefs avec lesquels il avait travaillé au Club Gascon, Pierre Mirepoix, qui accepte de le suivre dans cette aventure.
Les deux hommes ne savent pas vraiment où ils mettent les pieds, mais l’envie d’un tel challenge les motive. Surtout que tout était à leur charge et que cela signifiait que Pascal Aussignac ne serait pas à son restaurant londonien et ce, pendant une semaine. “Mais c’était un défi que je voulais relever. Sans compter que c’était la première fois que je me rendais au Texas”.
Lors de la compétition, 12 catégories étaient représentées, avec 20 chefs par équipe, et 26 nationalités. Pour le premier tour, le thème était imposé : ‘holiday feast’. Avec Pierre Mirepoix, ils créent alors un plat baptisé “œuf à la truffe festif dans son nid”, composé d’un œuf donc, avec de la truffe et accompagné sur un lit de citrouille. Un mélange parfait entre Thanksgiving et Noël. Cette création, jugée à la fois sur l’exécution, l’apparence et le goût, leur vaudra la note de 96,25 (sur 100) et une place en finale.
Pour la seconde étape, Pascal Aussignac propose au jury, qui vote cette fois-ci à l’aveugle, un “faux gras de cajou aromatique, aux morilles et textures florales”. Un faux gras qu’il propose déjà dans son menu végétarien au Club Gascon et dont la recette se rapproche, jure-t-il, au plus près, que ce soit en matière de texture, de goût ou de délicatesse, d’un foie gras. Un choix judicieux puisque les membres du jury ont été séduits lui attribuant un score final de 97,875, à 0.1 point de la championne de la précédente édition du World Food Championship, Lidia Haddadian.
Pas mal pour une première. Outre sa présence en haut du podium dans sa catégorie, Pascal Aussignac remporte un chèque de 10,000 dollars ainsi que son ticket pour la grande finale, organisée en mai 2024 dans l’Arkansas et qui verra tous les gagnants de novembre prendre part, avec à la clé un chèque de 150,000 dollars et une grande visibilité internationale puisque l’événement sera filmé. “Pour cette compétition, les produits seront imposés, et c’est le talent qui fera vraiment toute la différence”. Face à lui, parmi ses futurs concurrents, il aura un autre Français, qui lui s’est distingué dans la catégorie burger : Richard Joannes.
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Cette victoire est la bienvenue pour le chef français de Londres, qui avoue que 2023 a été et reste une année difficile, avec non seulement le contexte international compliqué, incluant la hausse du coût de la vie, mais aussi les conséquences encore fraîches du Brexit ou encore celles de la crise sanitaire. Le Club Gascon se situe à Farringdon, en plein cœur de la City, sauf qu’avec le télétravail toujours en place, le quartier a perdu de sa clientèle. “Il y a aussi eu l’ouverture de nouveaux restaurants”, et donc une plus grande concurrence.
Sauf que moins de clients, c’est le risque de disparaître, comme c’est le cas du Gavroche. C’est donc un appel à la communauté française et aux amoureux de la cuisine du Sud-Ouest que le chef étoilé lance. “Allez au restaurant !”, conjure-t-il, “les gens pensent que, parce que nous sommes installés là depuis 25 ans, nous sommes intouchables. Au contraire, nous sommes vulnérables. Entre les problèmes de recrutement, de taux de remplissage, nous avons encore plus besoin d’eux”.
Pascal Aussignac sait que pour continuer à attirer la clientèle, se renouveler et surprendre sont essentiels. C’est pourquoi il vient d’ouvrir, en octobre dernier, le “Mini Club”, avec une carte disponible le midi le mercredi, jeudi et vendredi et composée de deux plats emblématiques du Club Gascon : un canard sauce à l’Armagnac servi avec de l’aligot et son fameux cassoulet toulousain. “Dès janvier, on ouvrira aussi le soir”, annonce-t-il.