Trois ans après sa première boutique à Londres, Le Colonel Moutarde (devenue depuis Le Colonel) déménage de Shoreditch pour s’installer à quelques rues de là, à Brick Lane. Le nouveau magasin sera plus grand pour répondre au succès de cette marque d’accessoires française créée il y a 7 ans par un couple de Lillois, Clémence Yon et Rémi Duboquet.
Un emplacement idéal dans un quartier idéal, explique la co-fondatrice de Colonel. “On sait qu’il y a beaucoup de monde, notamment le dimanche”. Toucher les locaux, mais aussi les touristes de passage, tel est l’objectif de la marque française qui a déjà acquis, sur ses trois années de présence à Londres, une belle réputation. C’est en 2016 que le couple de Lillois a ouvert sa première boutique dans la capitale anglaise. Un premier test, du propre aveu de Clémence Yon, qui “nous a permis de prendre confiance sur ce que l’on faisait” et s’est avéré un véritable succès. La preuve étant avec l’arrivée d’un plus grand magasin à la fin du mois de septembre devenant ainsi “un véritable flagship pour notre marque en plein cœur de la capitale de la mode”, lance la Française.
Après des boutiques à Lille, là où tout est né, puis Paris et Lyon, l’étape londonienne était évidente pour Clémence Yon. “Le marché français n’est pas extensible à l’infini. Ici, le pouvoir d’achat est plus important, les hommes aiment également bien s’habiller”. Parfait donc pour expandre la marque à l’international. “Londres est pour nous une capitale très créative, et on aime être dans les villes qui flairent les tendances, sans compter une présence française très importante”. Bref, la garantie d’avoir déjà un socle de potentiels clients.
La proximité avec Lille, également très connectée avec d’autres grandes métropoles comme Paris ou Bruxelles, permet aussi de garder un œil sur l’évolution de la marque de l’autre côté de la Manche. Pour s’adapter au marché britannique, Le Colonel a par ailleurs un peu revu sa copie dans sa boutique londonienne. Si en France, l’entreprise est connue pour ses nœuds papillon, à Londres les hommes sont plus portés sur les bretelles. Le couple lillois travaillent d’ailleurs déjà avec deux fournisseurs britanniques à la fois sur l’offre de bretelles donc mais aussi de chaussettes.
Le Colonel est donc une véritable success story française à Londres certes, mais aussi plus globalement. La marque est pourtant née dans un petit appartement du Vieux Lille en 2012. Tout a commencé quand Rémi Duboquet, qui cherchait un nœud papillon pour un mariage, a décidé, faute de trouver quelque chose adapté à ses goûts, d’en coudre un lui-même. “Sa grand-mère était couturière et sa mère lui a appris à coudre quand il était jeune”, raconte Clémence Yon. Ils ont alors l’idée d’en confectionner quelques autres qu’ils vendront lors de la fameuse Braderie de Lille. Les nœuds papillon partent alors comme des petits pains. “Avec l’argent qu’on avait récolté, on a décidé d’acheter une machine à coudre et du tissu”. C’est ainsi que Le Colonel Moutarde va naître.
Le nom d’ailleurs est une juxtaposition de deux idées. “On cherchait un nom original, puis un jour je suis tombée sur de la moutarde et je me suis dit que ce nom était aussi décalé que ce que nous étions en train de faire. Rémi, lui, est un passionné de l’armée, alors on a accolé le mot colonel”. Et voilà… De quoi aussi rappeler le fameux Colonel Moutarde du jeu Cluedo, véritable madeleine de Proust pour de nombreuses générations. Mais depuis “moutarde” a disparu pour une prononciation plus simple de la marque…
En parallèle de leur job respectif – elle travaillait à la centrale d’achat de Leroy-Merlin et lui dans une PME dans le mobilier événementiel -, le couple se lance dans la fabrication de nœuds papillon. “On a postulé à l’événement du marché des modes à Roubaix (rendez-vous des créateurs de la région, ndlr) et on a fait un carton”, raconte la trentenaire. Ils récoltent 1.350 euros en une journée. “C’est là qu’on s’est dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire”. Cela tombe bien puisqu’entre temps, le couple a déménagé de son ancien appartement à un grand loft qui abritait une ancienne… filature. Les deux premières années, le chiffre d’affaires a quadruplé, passant de 250.000 à 1 million d’euros. Aujourd’hui, l’entreprise compte 25 salariés. Une croissance rapide en 7 ans. “Jamais on n’aurait pensé vendre des milliers d’accessoires par an à cette époque-là”, s’étonne encore la co-fondatrice.
En France, la toute première boutique ouvre à Lille en 2013, suivie de celle de Paris en 2013 puis de Lyon en 2018. “On a toujours choisi les villes en fonction du potentiel, pour nous il faut au moins 3 à 4 millions d’habitants car c’est un enjeu économique important d’ouvrir un magasin”, justifie Clémence Yon, qui rappelle que les accessoires vendus par Le Colonel sont calibrés pour des ventes via internet, qui leur permet de toucher une clientèle mondiale (les ventes se font dans plus de 50 pays, mais à 90% proviennent de l’Europe). “C’est léger, ça ne se casse pas, la taille est idéale”.
Mais le couple, associé également au frère de la jeune femme, ne s’interdit pas d’ouvrir d’autres boutiques ailleurs qu’en France et Londres, tout en étant prudent. “S’étendre à l’international n’est pas si simple, il faut du temps, de l’argent, de l’énergie. D’abord, on veut asseoir notre position à Londres. L’ouest de la capitale nous intéresse aussi”. New York reste également en ligne de mire, mais peut-être sous système de franchise.