Avec 100 vols quotidiens en partance ou au départ de différents aéroports britanniques – dont 24 depuis Londres -, le Royaume-Uni est le premier marché européen pour Air France/KLM. Sa présence à Londres est donc fondamentale pour le groupe, même si l’environnement y est très concurrentiel avec notamment British Airways. “Toutes les compagnies ont des arrivées ou des départs depuis Londres. C’est donc une ville très compétitive. Pour être honnête, Air France-KLM est plutôt “petit” dans ce marché énorme”, analyse Jérôme Salemi, directeur régional Royaume-Uni et Irlande du groupe, dont il a pris la tête il y a tout juste un an.
Le Français connaît bien le groupe aérien, lui qui y a fait toute sa carrière. Avant de s’envoler vers Londres, il travaillait au siège social parisien en tant que vice-président au service commercial de la compagnie aérienne. Son expérience lui aura aussi permis de diriger d’autres branches régionales du groupe, comme sur la partie “Est de la Méditerranée” entre 2017 et 2019, celle d’Afrique du Nord de 2014 à 2015 ou encore celle du Mexique de 2010 à 2014.
Cependant, le directeur régional tempère. “Londres n’est pas le Royaume-Uni. L’importance de notre groupe réside dans le fait qu’en dehors de la capitale anglaise, nous sommes présents dans de nombreux aéroports”. En particulier via KLM avec une offre dans 17 aéroports britanniques – soit “une présence nationale bien plus importante que British Airways”, se félicite Jérôme Salemi – contre 5 pour Air France. A elles deux, elles desservent par exemple des aéroports majeurs comme Manchester, Birmingham, Newcastle ou Edimbourg mais aussi des aéroports dits secondaires comme Glasgow, Inverness, Aberdeen ou encore Teesside, Leeds, Belfast, Cardiff… où le groupe franco-néerlandais est le seul ou l’un des seuls à proposer des vols.
Globalement, et comme pour l’ensemble du secteur aérien, Air France-KLM a enregistré “une année record” en 2023, en particulier sur le marché britannique, précise le Français, avec un taux de remplissage de 87% de sièges. Un vrai soulagement après “les dramatiques années de la Covid”. Si ces résultats sont évidemment dus à la reprise des déplacements et donc de la hausse de la demande, ils s’expliquent également, selon le directeur régional, par “les efforts de transformation” de la compagnie aérienne. La pandémie a en effet changé les habitudes des voyageurs et de nouvelles tendances ont émergé. “Beaucoup de nos clients voyagent pour des raisons professionnelles et le trafic business compte pour une part importante dans le chiffre d’affaires des compagnies aériennes. Il a fallu du temps, après la Covid, pour récupérer ce marché, à cause du télétravail et de l’utilisation des outils technologiques”, avance Jérôme Salemi.
Si en 2023, le niveau était remonté à 80% par rapport à la période pré-pandémie, le manque à gagner se fait tout de même ressentir. Air France-KLM a cependant su s’adapter, pour rééquilibrer les choses, à l’émergence d’une nouvelle tendance : la demande en business cabine ou en premium economy de la part de voyageurs “prêts à payer un peu plus cher mais pour une meilleure qualité de service”. “Notre remplissage sur les cabines business n’a donc pas chuté après la pandémie, même si les choses changent depuis cette année, avec une baisse ou du moins une stagnation des demandes de cette nouvelle clientèle”, analyse Jérôme Salemi.
L’entrée en vigueur du Brexit n’aura quant à lui pas vraiment eu d’impact sur les taux de remplissage de la compagnie aérienne, poursuit le directeur régional. “Le Royaume-Uni est une île (les gens ayant besoin de l’avion pour se déplacer, ndlr), le marché reste toujours aussi dynamique, donc nous n’avons pas eu d’inquiétudes à ce sujet”. Là où le bât blesse, c’est au niveau des contrôles dans les aéroports.
Autant sur la partie des vols pour passagers – avec des queues plus longues au passage aux frontières -, que pour le fret, où la compagnie aérienne a dû faire face à plus d’obstacles aux douanes. Autre conséquence, le recrutement de personnel. “Nous travaillons, en sous-traitance, avec des entreprises de maintenance, tant au niveau des rampes que des enregistrements. Elles avaient déjà du mal à trouver des ressources, mais le phénomène s’est amplifié avec le Brexit”. Enfin, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a aussi eu un impact sur les règles de l’aviation civile. “Le Royaume-Uni doit adapter ses règles aux règles européennes, et cela prend du temps”.
En ce qui concerne le développement de la présence de la compagnie sur le marché britannique, Air France-KLM ne prévoit, pour le moment, aucune nouvelle liaison depuis Londres ou autre aéroport du Royaume-Uni vers la France, préférant se concentrer sur “le renforcement de la robustesse de (nos) opérations” en optimisant l’existant. “A Londres, nous sommes satisfaits de l’offre actuelle avec six vols quotidiens avec un Airbus A220. Globalement, l’offre en matière de places est stable sur Air France et nous continuons d’accroître un peu la capacité du côté de KLM sur les aéroports secondaires”.
Ce choix s’appuie sur le fait que, avant de décider de lancer une nouvelle ligne, la compagnie aérienne doit s’assurer qu’elle soit rentable. “Nous pourrions proposer plus de liaisons ou accroître notre capacité”, lance Jérôme Salemi, “mais il est très facile de perdre de l’argent dans notre industrie, c’est pourquoi nous prenons beaucoup de précautions”. Le directeur régional explique ainsi que l’entreprise préfère se “concentrer sur l’amélioration de la marge financière sur les vols actuels”, en proposant des avions efficaces (autrement moins gourmands en matière de fioul) ou encore un calendrier et un réseau optimisés. “Nous faisons davantage le pari de la qualité du chiffre d’affaires, ce qui signifie que nous nous concentrons sur le trafic premium. Nous allons chercher les passagers qui veulent voler en première classe, business class, en premium economy ou comfort. Nous investissons beaucoup sur le marketing, sur la qualité du service, en personnalisant notre communication pour attirer ces clients.”
Cet été 2024 sera chargé pour le groupe, partenaire officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. En janvier dernier, le directeur du COJOP expliquait que plus d’un demi-million de billets avaient été vendus depuis le Royaume-Uni. Si Eurostar existe pour traverser la Manche, certains préfèreront certainement l’avion. La compagnie aérienne va devoir faire face à un double challenge. Le premier, gérer deux types de voyageurs en même temps, ceux qui se rendent à Paris pour les jeux et tous les autres en partance vers d’autres destinations. “La période allant de fin juillet à début septembre est en général la haute saison pour les compagnies aériennes”, avance Jérôme Salemi. Mais cela ne veut pas dire perte ou gain supplémentaire sur le chiffre d’affaires, reconnaît le directeur régional.
Le deuxième challenge sera plus logistique avec la gestion des nombreux bagages, incluant matériels sportifs ou chaises roulantes des athlètes paralympiques. “Nos collègues travaillent pour que tout se passe en douceur pour les clients”, assure Jérôme Salemi. Air France-KLM a d’ailleurs tout prévu pour le retour, avec des guichets au sein du village olympique. “Nous allons délocaliser l’enregistrement, donc les passagers pourront s’enregistrer et obtenir leur carte d’embarquement depuis le village et ainsi laisser leurs bagages qui seront amenés directement à l’aéroport. Ce qui permettra de soulager l’opérationnel à Roissy Charles de Gaulle”.
Jérôme Salemi a aussi d’autres objectifs en tête pour les années à venir, dont celui de répondre au défi que s’est imposé le groupe pour minimiser son empreinte carbone. “Nous sommes très actifs sur la décarbonisation, et Air France/KLM est un des leaders dans le secteur aérien avec l’ambition d’atteindre le zéro carbone d’ici 2050”, détaille le directeur régional. La compagnie s’appuie sur trois axes pour parvenir à son objectif : un renouvellement de sa flotte avec plus d’Airbus A220, émettant 20% de CO2 en moins ; le développement de l’eco-piloting, qui permet de baisser la consommation de fioul; ou encore l’utilisation d’énergies fossiles plus propres, le “sustain aviation fuel” (SAF), carburant alternatif produit à partir de différentes ressources plus ou moins renouvelables, comme la biomasse, les algues, les déchets agricoles ou alimentaires ou encore l’hydrogène. Une énergie plus chère et dont les ressources sont très limitées. “Mais la compagnie a acheté l’an dernier 16% de ce SAF disponible dans le monde”, révèle Jérôme Salemi. Si aujourd’hui cela représente 1% de l’utilisation totale de la compagnie, elle espère atteindre les 10% en 2030.