C’est en avril 2018 que les frères Manai, Farès et Abbas, ont créé leur marque de lunettes, Bloobloom. Un nom, résultant de la contraction entre “blue”, leur couleur préférée et en hommage au Bleu Klein, et “bloom”, en référence à la fleur de lotus qui dans le bouddhisme symbolise l’éveil. Cinq ans plus tard, après l’ouverture en moins de deux ans de trois boutiques – à Marylebone, Carnaby Street et Westfield White City, les deux entrepreneurs ont ouvert un flagship à Covent Garden jeudi 20 avril.
Un beau succès pour Farès et Abbas Manai, alors même que les Franco-tunisiens ne viennent pas du monde de la lunette, mais du monde bancaire. “Nous sommes arrivés là par hasard”, confesse Farès Manai, “nous voulions changer de cap, nous nous étions rendus compte que nos métiers ne nous apportaient pas tout ce que nous souhaitions”. L’envie d’avoir un impact plus positif sur le public et de “faire quelque chose d’utile”, voilà l’ambition des deux frères, qui ont toujours été très proches. “On a 18 mois de différence”, souligne Farès Manai, “et on s’était toujours dit qu’on créerait un jour quelque chose ensemble”.
L’idée de Bloobloom éclot au Brésil, alors qu’Abbas Manai y est en stage de césure et que Farès Manai habite déjà là-bas. “On passait nos week-ends à discuter des problématiques liées aux ONG. Et on a finalement décidé de s’orienter vers ce domaine en essayant de trouver comment y contribuer”. Ils rencontrent Tony Hulton de l’association Vision For A Nation, qui travaille à permettre l’accès aux Rwandais à des soins ophtalmologiques et à des lunettes de vue à moindre coût.
Les deux frères se rendent d’ailleurs dans le pays pour se rendre compte par eux-mêmes des actions de l’ONG. “On s’est rendu compte que l’on pouvait répondre à un vrai problème. Et la meilleure solution était de créer une entreprise autour de la lunette permettant qu’à chaque vente une paire pourrait être donnée à un Rwandais”.
C’est donc le point de départ de l’intérêt des frères Manai pour l’industrie lunetière. Ils apprennent beaucoup sur le domaine et comment la lunette n’avait pas beaucoup évolué depuis les années 80. “Elle ne représente que 5% dans l’industrie globale du retail, alors qu’on sait qu’il y a des besoins”. Car plus qu’un accessoire de mode, c’est un outil médical qui requiert une technologie dans le travail des verres.
Mais alors comment faire sa place dans un domaine si particulier quand son parcours professionnel initial n’a rien à voir avec ? En étudiant le marché d’abord. “Le plus gros acteur reste Specsavers, mais il lui manque le côté ‘mode’. Alors qu’on s’est rendu compte que c’était un facteur important pour tous les consommateurs, qu’ils soient britanniques ou rwandais”. Le but de Bloobloom était donc de proposer un produit de qualité, mais défini par les envies et besoins des clients. “Il nous fallait donc comprendre ce que voulait dire ‘meilleur qualité possible’ tout en offrant un prix accessible”. Une fois l’équation résolue, les deux frères associés se sont alors dit qu’il y avait de la place pour ceux qui voulaient “disrupter le marché”.
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La fabrication – à la main – de leurs lunettes, de la monture aux pochettes en passant par les verres, se fait en Chine, dans des usines qui ont pignon sur rue. A noter que celles en acétate sont fabriquées en Italie. Toutes utilisent sont attentives aux conditions de travail de leurs employés et utilisent des matériaux respectueux de l’environnement. Au-delà des exigences de production, le service client était également un élément essentiel pour les frères Manai. Il leur fallait offrir une expérience unique à leurs consommateurs. “On a donc réfléchi à comment on pouvait rendre cela le plus qualitatif possible”. Avec notamment l’option ‘Home Try On’, où il est possible de commander jusqu’à cinq montures à essayer confortablement chez soi, pendant cinq jours, et ce, gratuitement. Le tout sans obligation d’achat et avec un retour sans frais pour le client.
En parallèle, Farès et Abbas Manai mettent en place le programme “Pair for a Pair”. “Pour chaque paire vendue, on reverse le même montant à Vision For A Nation. L’association peut alors financer la formation d’infirmiers qui aideront à détecter les problèmes de vue des populations dans les pays où elle intervient, comme le Rwanda et le Ghana (et bientôt le Nigéria et l’Asie du sud-est, ndlr), fournir des lunettes ou des gouttes pour les yeux ou encore acheter du matériel médical”.
Si l’aventure Bloobloom a commencé en ligne en 2018, les deux chefs d’entreprise ont vite décidé d’ouvrir des boutiques. “On souhaitait proposer des examens ophtalmologiques en magasin pour que l’expérience soit complète”, explique Farès Manai, avant d’ajouter, “être présent physiquement, c’est aussi permettre aux clients de voir les lunettes de manière tridimensionnelles, et à la marque de s’exprimer, d’offrir des expériences nouvelles”. La première boutique voit le jour à Carnaby Street en octobre 2021, puis une deuxième s’ensuit à Marylebone Village en mai 2022 et enfin une troisième à Westfield White City, ouverte le 25 mars dernier. “On a toujours fonctionné selon la demande de nos clients”, avance Farès Manai.
Mais dans l’optique de s’internationaliser dans le futur, les frères ont estimé qu’il leur fallait une vitrine plus grande. D’où l’ouverture d’un flagship, et pas n’importe où : à Covent Garden. Un quartier central mais aussi touristique. “Specsavers possède 900 magasins au Royaume-Uni, sans n’a pas une grosse présence en ligne. Notre but n’est pas de les concurrencer, mais on imagine ouvrir à terme une cinquantaine de boutiques dans le pays pour couvrir une bonne partie du territoire tout en lançant à chaque fois des nouvelles expériences en magasin”. Puis, après la conquête britannique, les frères Manai se verraient donc bien traverser l’Atlantique, destination les Etats-Unis. Mais n’en oublient pas pour autant l’autre côté de la Manche avec en ligne de mire la France.