Antoine de Saint-Exupéry lui-même n’aurait jamais imaginé un tel succès, confie Olivier d’Agay, son arrière-petit-neveu. Avec plus de 150 millions d’exemplaires vendus et 606 traductions officielles, Le Petit Prince est en effet une œuvre qui a traversé les générations. Adapté en pièces de théâtre, en films, en comédies musicales, le livre s’est aussi mué, depuis 2018, en un spectacle poétique mêlant danse, art du cirque et acrobaties, proposant ainsi une mise en scène originale. Après avoir voyagé dans le monde, et notamment à Broadway New York l’an dernier, il débarque enfin à Londres, au Coliseum, pour cinq jours, du mercredi 12 au dimanche 16 mars.
Derrière cette création unique, deux femmes : la danseuse, metteur en scène et chorégraphe, Anne Tournié, et la chanteuse Chris Mouron, qui a débuté sa carrière aux côtés de Michel Fugain dans Le Big Bazar. A leurs côtés, une équipe incluant le compositeur Terry Truck et la designer vidéo Marie Jumelin.
Ce spectacle est d’”un désir extrêmement profond”, confie Anne Tournié, “ce que nous avons fait est simple car Le Petit Prince est un livre simple, c’est à mi-chemin entre le naïf et le réaliste”. Mais, comme elle le rappelle, “garder quelque chose de simple, ce n’est pas facile”. Tout a commencé en 2015, quand Anne Tournié est allée voir son amie Chris Mouron pour lui demander d’imaginer avec elle un spectacle. “On a deux univers artistiques, totalement différents mais complémentaires”, souligne Chris Mouron, qui dit avoir toujours été “fascinée” par le travail d’Anne Tournié, qui a longtemps œuvré aux côtés du directeur théâtral Franco Dragone sur les spectacles du Cirque du Soleil.
Le jour où son amie lui demande alors de collaborer ensemble, Chris Mouron se creuse la tête pour trouver la bonne histoire à raconter. Après tout, l’artiste sait jouer avec les mots. “Elle m’a dit qu’elle voulait créer quelque chose avec très peu de danseurs sur scène pour garder le côté humain. Je me suis creusée la tête pendant deux mois. J’étais un peu à court d’idées, puis un matin, Anne est venue me voir en me demandant où j’en étais. Et c’est là, comme ça sur le moment, que l’idée d’adapter Le Petit Prince est venue”.
Au départ, Anne Tournié est sceptique. “Sa première réaction a été de dire que j’étais folle de vouloir toucher au Petit Prince, mais je savais que nous avions cette passion commune pour le livre”. Chris Mouron l’a découvert, quand elle était en 6e, en version audio avec les voix de Gérard Philippe, qui interprétait l’aviateur, et de Gérard Pouzouli, qui jouait Le Petit Prince. Ce moment “extrêmement émouvant” sera à jamais gravé dans sa mémoire. “J’étais en larmes. C’était tout un monde qui venait de s’ouvrir. Ce livre est profond et universel. On n’a pas besoin de longs discours. Il suffit de bons mots”.
Pour Anne Tournié, la rencontre avec Le Petit Prince s’est aussi faite pendant son enfance. “C’est mon père qui a donné le livre à ma mère, comme cadeau de mariage, en lui disant que ce serait son guide pour la vie. Ma mère me l’a lu et me l’a donné. Cela a été ensuite mon socle”.
Très vite, la metteur en scène et chorégraphe se laisse ainsi convaincre par son amie. “En deux heures, le même jour, elle imaginait le spectacle tel qu’il se déroulerait. Elle savait que son Petit Prince allait voler dans les airs. Elle savait que son navigateur serait un danseur. Elle savait que la séquence avec le lampadaire serait une perche volante. Elle savait que le renard serait un gymnaste acrobate”, énumère Chris Mouron, qui prendra la place de la narratrice dans le spectacle.
Pour Anne Tournié, créer n’est pourtant pas instinctif, mais le résultat d’un grand travail. “La priorité était que chaque mouvement soit perçu et compris par le public, d’autant plus que les personnages ne parlent pas”. La chorégraphe a ainsi dû s’isoler pour recréer un autre langage. “J’ai cherché, j’ai été partout. Jusqu’à ce que je trouve. J’ai utilisé mes racines de danse, qui sont assez larges, pour pouvoir créer la pièce mais sans aller dans l’abstrait pour le langage corporel, sinon je perdais la moitié de la salle et surtout les enfants”.
Pour incarner Le Petit Prince, c’est Dylan Barone qui a été choisi. Enfin, pas au départ. “J’étais en formation dans une école à Paris et Anne était très proche du professeur de ballet qui m’a mis en contact avec elle. Je ne savais pas vraiment dans quoi je m’embarquais, mais ça m’a tout de suite plu”. Le jeune homme passe donc l’audition pour jouer… le renard. “C’était vraiment un rôle qui me parlait et allait avec ma gestuelle de danseur. Parce que c’était beaucoup au sol, très acrobatique”. Puis, au fil des représentations, l’équipe souhaite avoir un remplaçant au Petit Prince au cas où. Mais aussi surtout pour assurer les spectacles à Broadway, où c’est la règle d’avoir un second pour le premier rôle. “Anne et Chris m’ont proposé et j’ai bien sûr accepté”.
Il aura fallu de nombreuses heures de travail pour Dylan Barone afin de maîtriser les passages avec les sangles aériennes. “Je n’avais jamais eu de formation, or il faut avoir cette force dans les bras et les jambes. Mais après des heures de travail, cela devient presque naturel”. Ce qui lui plaît dans son rôle, c’est le mélange des disciplines : la danse, l’acrobatie, la gymnastique, le théâtre… “C’est ce qui fait la beauté et la singularité du spectacle. Je pense qu’Anne a toujours voulu mettre les acrobates, les danseurs au même niveau”.
Le jeune homme a encore du mal à réaliser incarner ce personnage littéraire aussi légendaire, lui qui a lu le livre au moment où il a rejoint la troupe. “Je pensais que c’était une histoire pour enfants. Mais je me suis vite rendu compte que le message est plus profond et qu’il s’adressait à toutes les générations. Il y a une morale sur la superficialité des adultes qui contraste avec la spontanéité de l’enfance. Cela fait beaucoup réfléchir”.
Olivier d’Agay, arrière petit-neveu d’Antoine de Saint-Exupéry, a tout suite été conquis par ce spectacle. “Si vous aimez Le Petit Prince, ou même si vous connaissez le livre mais que vous ne vous souvenez pas de lui, allez voir le spectacle, parce que c’est un spectacle formidable, magique, unique, très distrayant, poétique. On rit, on pleure”. Des demandes d’adptations, les ayant droits de l’auteur en reçoivent constamment. “C’est le texte le plus adapté au monde, sous toutes ses formes artistiques : opéra, musique, ballet, théâtre, comédie musicale, spectacle immersif… C’est fou. Et nous, nous aimons que les gens talentueux s’emparent de ce texte et de cette histoire puis les transforment, tout en les respectant et les valorisant”.
Car pour lui, ces adaptations ne dénaturent en aucun cas le livre. “Au contraire, elles enrichissent, modernisent, familiarisent et permettent de partager cette passion pour Le Petit Prince, qui est souvent une affaire personnelle”. Ce qui lui a plu dans le spectacle d’Anne Tournié et Chris Mouron, c’est sa dimension chorégraphique et circassienne. “C’est d’une poésie incroyable”.
Olivier d’Agay espère que de nombreux Français du Royaume-Uni, mais aussi de Britanniques, iront voir ce spectacle. D’ailleurs, il se dit très fier que Le Petit Prince arrive à Londres. “On oublie souvent que c’est l’une des plus grandes capitales de la comédie musicale. Les meilleures adaptations musicales ont été faites en Angleterre. Londres, c’est le temple. Si vous réussissez là-bas en tant que Français, c’est génial. C’est aussi important, voire plus, que d’être à New York”.
Quand : du mercredi 12 au dimanche 16 mars
Où : London Coliseum, St Martin’s Lane, London WC2N 4ES
Combien : de £39 à £149
Réservations : ici