Qu’advient-il des enfants mineurs au décès des parents ? Faute de dispositions testamentaires, à qui le juge confiera-t-il la garde des enfants français ? Testament anglais, français, voire les deux, que choisir et sur quels critères ? Quelles sont les spécificités du testament anglais ?
Dans le cas de décès (simultané ou à intervalle proche) des deux parents résidents d’Angleterre, et en l’absence de dispositions testamentaires, c’est le juge anglais qui statuera sur le sort des enfants mineurs. « De prime abord, ce juge anglais, dans une logique qui privilégie la routine plutôt que les liens du sang, ne va pas nécessairement les renvoyer en France quand ils ont vécu toute leur vie en Angleterre » avertit Bérangère Kola-Sautai, partner chez LBK.
En l’absence de famille sur place ou d’amis clairement désignés, les enfants risquent d’être, au moins un temps, confiés aux services sociaux britanniques. À la famille en France de faire des pieds et des mains pour récupérer l’enfant. « Les expatriés doivent impérativement avoir une longueur d’avance », insiste l’avocate. « Des situations qui auraient pu être réglées sans grandes difficultés peuvent devenir très compliquées ».
À ce risque s’ajoute celui de bataille au sein des familles, chacun estimant de bonne foi être le mieux placé pour recueillir le ou les orphelins. Une double peine pour une fratrie déjà éprouvée. À défaut de faire appel à un solicitor, les parents peuvent opter pour un testament holographe. Leurs dernières volontés rédigées à la main sur un simple papier, envoyé aux personnes concernées. « Cela a évidemment moins de force qu’un document enregistré chez un solicitor ou un notaire », prévient l’avocate.
« Des parents français ou binationaux installés en Angleterre doivent faire un testament, non seulement pour désigner les tuteurs, mais surtout pour la prise en charge des enfants et le règlement de la succession. C’est d’autant plus important avec du patrimoine situé en France et en Angleterre », conseille l’avocate Sarah-Jane Tasteyre. Sans testament préexistant, les résidents d’Angleterre ont intérêt à faire appel à un solicitor anglais, assurance que le document soit compris en droit anglais.
On peut ensuite « faire traduire ce testament en français et l’enregistrer en France sur un fichier centralisé, via un notaire. Ou faire un testament en France seulement pour indiquer l’existence d’un testament anglais », indique l’avocate. S’il y a déjà un testament en France, que les enfants résident en Angleterre et qu’il y a des biens dans ce même pays, il est recommandé de faire un testament anglais. « Attention cependant à ne pas révoquer ou contredire le document français », avertit l’avocate.
Pour se garantir contre ces risques, éviter la multiplication des testaments et faire appel à des professionnels. D’autre part, une plus grande liberté testamentaire côté britannique pourra intéresser certains parents. Déception cependant pour ces géniteurs qui voudraient déshériter un enfant. « La loi française empêche d’utiliser une loi étrangère pour détourner la règle des héritiers réservataires », illustre Sarah-Jane Tasteyre. Des considérations fiscales guideront également le choix de testament.
Il désigne le guardian (tuteur), l’executor (exécuteur testamentaire, en charge du probate, procédure administrative succession) et le trustee (gestionnaire des biens de l’enfant jusqu’à sa majorité). Seules les personnes titulaires de l’autorité parentale (parents, beaux-parents ou tiers nommé par le tribunal) peuvent nommer un tuteur. « En cas de désaccord sur leur nomination (ex parents divorcés), le résultat dépendra de l’ordre des décès », avertit Nicole Gallop Mildon, partner chez Druces. « Juridiquement parlant, personne ne meurt en même temps. Une fiction légale se met en place ». En cas de décès simultané, le droit anglais présume que le plus jeune est le dernier vivant. Sera donc appliqué ce que celui-ci a prévu.
D’autre part, il faut prévoir les conséquences patrimoniales pour l’enfant. « Qui va gérer ses affaires jusqu’à sa majorité ? Éviter les réponses toutes faites, surtout en droit anglais où l’on peut adapter les solutions à l’enfant », poursuit Nicole Gallop Mildon. Les biens des parents sont réunis dans un trust, géré par le trustee. Quid du trust en cas de départ de l’enfant en France ? « Il est important de prendre conseil, pour trouver des solutions qui marchent dans les deux pays ». Enfin, l’avocate insiste sur l’impératif de revoir régulièrement son testament, tous les 5 ou 10 ans maximum, à chaque évènement de vie (mariage, divorce, remariage, etc), et selon l’âge de l’enfant et la situation des guardians (vieillissement, divorce, etc). « La pire des circonstances, après n’avoir rien anticipé, est de laisser en place des mesures inappropriées ».
NB : Le Royaume-Uni compte trois juridictions : Ecosse, Irlande du Nord et Angleterre-Pays de Galles. Faire appel à des professionnels dans la juridiction de sa résidence.