Pour ceux qui ne connaissent pas encore le travail de la Française Marion Lebouteiller, ils pourront le découvrir lors d’une exposition organisée jusqu’au 5 janvier 2020 par Dazzle à Gallery@Oxo . Ce rendez-vous annuel a en effet pour objectif de montrer le meilleur des bijoux de créateurs contemporains travaillant des gammes de matériaux allant de l’or et l’argent au papier et aux plastiques.
Pour la bijoutière française s’est donc une nouvelle opportunité d’asseoir sa réputation acquise lors des 5 dernières années. Pourtant, le chemin a été long pour que Marion Lebouteiller puisse vivre de sa passion. Elle a dû même abandonner deux fois de suite son rêve de bijoutière avant de pouvoir enfin ouvrir son propre atelier à Winchester, une petite ville située à une heure de Londres.
Après un bac en arts appliqués puis une formation à la prestigieuse école de design Boulle à Paris, l’Auvergnate a ensuite tenté l’école du Louvre mais si elle a été prise, elle n’a pas pu trouvé de maître d’apprentissage en alternance. Premier coup dur pour la jeune femme, qui rêvait de travailler les bijoux dès son plus jeune âge. “Depuis que je suis adolescente, j’ai toujours été attirée par le métier de bijoutier”, explique en effet Marion Lebouteiller. Adolescente, des bagues ornent chacun de ses doigts, se souvient-elle encore. Ses parents la poussent alors à réaliser son rêve. Il faut dire que la jeune femme est née dans une famille d’artistes. “Mon grand-père est sculpteur, mon père céramiste, ma mère conservatrice dans un musée et mon frère architecte”. L’ADN a parlé, mais la Française est encore loin de pouvoir réaliser ses ambitions professionnelles.
Si elle ne peut donc pas les concrétiser en France, alors elle traversera la Manche en 2010 pour voir si de nouvelles opportunités s’offrent à elle. C’est d’ailleurs sur les conseils d’une amie qu’elle rejoint le sol britannique. “Elle travaillait dans un atelier français de restauration de mobilier dans le Kent et ils avaient besoin de quelqu’un”, raconte la jeune femme. Elle y voit la chance de se forger une première expérience. Mais au bout de neuf mois, elle quitte son poste. “J’avais envie d’être en immersion dans la culture britannique”, justifie Marion Lebouteiller. Elle part alors à Winchester, dans le sud de Londres, pour travailler dans une fonderie de bronze. Elle y restera trois ans et elle s’occupera de la soudure, de la patine et des finitions de sculptures allant de 20 centimètres à 3 mètres de haut. “C’était dur, mais c’était une expérience incroyable”, reconnaît-elle.
Mais que faire maintenant? Parallèlement, elle reprend des études de bijouterie via l’université City Lit. Sur son temps libre, – ce qu’elle faisait déjà quand elle était à Paris ou quand elle travaillait -, elle continue à créer certaines pièces. Ses matériaux de base de la cire mais aussi de petites gouttes de bronze qu’elle récupérait dans l’atelier où elle évoluait. “Toutes ces petites gouttes étaient différentes. J’aimais l’idée de partir de quelque chose qui devait être jeté car pour moi c’était des bouts de beauté que l’on ne voyait pas forcément au premier regard”, confie Marion Lebouteiller. Son but, poursuit-elle, c’était de “trouver la perfection dans ce qui ne paraît pas parfait”.
L’artiste expérimente aussi la cire chaude, qu’elle étire pour créer ce qui lui vient à l’esprit, comme des nœuds. “C’est un élément très difficile à contrôler et qui offre justement de belles surprises. Bref, on ne s’ennuie jamais”. Parmi les modèles qu’elle fabrique : des bagues, des colliers ou des boucles d’oreille. Après tout ce temps, elle se dit ravie de ne finalement pas avoir suivi un parcours tout tracé. “Cela m’a évité d’être dans un moule et permis d’avoir un esprit encore plus créatif”. Ce qui lui plaît par-dessus tout, c’est donner l’impression que ses créations sont arrivées sans effort.
Marion Lebouteiller décide finalement de lancer sa propre marque en 2014. Pour s’assurer un revenu mensuel, elle donne des cours de conversation en français trois à cinq heures par semaine. Le reste du temps, elle travaille dans son atelier, mais surtout elle commence à démarcher les galeries. Cela lui demande beaucoup d’énergie et des prises de risques financiers, mais elle fonce. “J’ai un tempérament qui ne laisse pas la place à un non”, rit-elle. Alors elle insiste, elle se déplace, frappe aux portes, relance par mails. “Je n’avais pas le choix, je ne savais pas quoi faire d’autre”.
Et ça marche. Des premières galeries lui font confiance, dont celle de Bettina Flament à Lille, qui lui offrira même une exposition en solo, mais aussi celle de Victoria Sewart à Plymouth. Cinq ans après, Marion Lebouteiller a fait sa place, à Londres elle travaille avec trois galeries en permanence. Elle possède dorénavant son propre atelier à Winchester, où elle peut accueillir les curieux qui souhaitent savoir comment elle crée. “Je fais aussi des commandes sur mesure”, ajoute la Française.
Aujourd’hui, la jeune femme, dont les sources d’inspiration sont Pierre Soulages et Fabienne Verdier, a de nouvelles ambitions. “J’ai envie tout doucement de me détacher de mon style actuel, de faire moins de pièces”, explique celle qui se limite chaque année à 200 créations. C’est surtout, complète-t-elle, dans une démarche éthique. “Je veux permettre aux clients de repenser leur façon de consommer les bijoux. Pour moi, il vaut mieux acheter une belle pièce à £400 que 10 pièces à £40”, confie Marion Lebouteiller.
Elle a aussi décidé de ne travailler que les métaux précieux recyclés, “fairtrade” et “fairmind”. “C’est important de regarder d’où ils viennent. Je sais que cela peut coûter plus cher de créer une entreprise éthique et écolo, mais j’ai pris conscience de l’importance de cette démarche”. Elle refuse d’ailleurs toutes les commandes impliquant du plaquage en or, qui demande une forte consommation d’eau et inclut des produits chimiques. Elle aimerait également se diriger vers la petite sculpture, à partir de métaux comme le bronze ou l’argent.