En à peine deux ans, “Les deux garçons” a réussi à conquérir le palais des Londoniens. L’établissement, situé dans le quartier de Crouch End, dans le nord de la capitale anglaise, vient même de décrocher le titre de “meilleur restaurant local de Londres 2023”, décerné par The Good Food Guide. A sa tête, deux amis, Jean-Christophe – dit JC – Slowik et Robert Reid. Le premier est Français, le second Sud-Africain, et ils se sont connus il y a 25 ans à Londres.
Ils n’en reviennent toujours pas. C’est pour eux la récompense du travail de toute une équipe, mais aussi de leur vision de ce qu’est un commerce de proximité : être proche des gens et leur offrir le meilleur. “Les Deux Garçons a toujours eu pour ambition d’offrir le niveau de service d’un restaurant du West End mais dans une ambiance de quartier”, soulignent les deux associés. Depuis leur nomination comme meilleur restaurant local de Londres en juillet dernier, les réservations ne cessent d’affluer. Mais l’établissement connaissait déjà un franc succès depuis l’ouverture en septembre 2021, avec en moyenne une liste d’attente de deux semaines.
Situé dans une rue plutôt calme de Crouch End, l’établissement sert pourtant 40 couverts cinq jours par semaine, du mardi au samedi, avec deux services en soirée, sauf le samedi où il est possible de venir y déjeuner. A l’intérieur, la décoration est plutôt cosy, qui rappellent les beaux bistros parisiens. Au menu, outre une liste de vins sélectionnés avec grand soin, de la cuisine typiquement française : des escargots à l’ail, de la soupe à l’oignon, de la salade d’endives, de la joue de porc, une entrecôte/frites, de la ratatouille… du fromage évidemment, et de la tarte aux pommes… “On voulait proposer une cuisine accessible”, expliquent les deux associés, présents à tous les services, “comme ça, si un client veut parler au patron, on est là”, rient-ils.
L’idée d’ouvrir leur établissement est né pendant la Covid. “En fait, c’est ma femme qui m’a soufflé l’idée”, avoue Robert Reid. Et c’est même elle qui finira par trouver le local. Le Sud-Africain appelle alors son ami JC Slowik, qu’il a connu en 1998 à Londres dans les cuisines de The Oak Room du chef Marco Pierre White. Chacun a une carrière assez impressionnante. JC Slowik, formé à l’école hôtelière de Dijon, a débuté comme sommelier chez Pyramide, restaurant de Mado et Fernand Point à Vienne, dans l’Isère. C’est en 1987 que le Français immigre au Royaume-Uni. Il y décroche son premier job au Manoir aux Quat’Saisons de Raymond Blanc avant de rejoindre Marco Pierre White et de devenir manager du restaurant du chef britannique, Harveys, à Wandsworth, dans le nord de Londres. Après ces belles expériences, JC Slowik décide de rentrer en France, où il ouvre en 1991 son premier hôtel-restaurant en Bourgogne. Mais le Royaume-Uni finit par lui manquer et il revient avec sa famille pour travailler à nouveau pour Marco Pierre White. Puis, parce que l’envie de redevenir son propre patron le titille, le Français ouvre en 2007 son restaurant, Absinthe, dans le très chic quartier de Primrose Hill. L’aventure se termine en 2018, avant que JC Slowik ne décide de faire une pause.
Robert Reid, lui, est né et a grandi en Afrique du Sud. Il appris à aimer la cuisine avec sa mère, qui travaillait dans un foyer pour personnes âgées. “Je venais l’aider à éplucher les carottes et les pommes de terre. Je me souviens aussi que j’aimais beaucoup manger avec le personnel”, confie-t-il. Après une école hôtelière, il quitte son pays pour rejoindre Nice chez Roger Vergé, puis Strasbourg et enfin Paris où il travaille entre autres pour Joël Robuchon. Il quitte ensuite la France pour le Royaume-Uni, où il rejoint lui aussi la brigade de Marco Pierre White. “Mais j’avais déjà à l’époque envie de monter mon propre restaurant”. Il prend alors les rênes de Balthazar à Covent Garden.
Travailler ensemble leur paraissait naturel, assurent les deux associés, très complices. “On a la même vision de la gastronomie”. La femme de Robert Reid finit donc par leur trouver un local à Crouch End, le quartier où justement les deux chefs habitent. “Le loyer n’était pas cher et le contrat durait deux ans, donc c’était parfait. Si cela ne marchait pas, nous n’étions ainsi pas liés sur du long terme”, confient-ils. Le premier emplacement permettait d’accueillir 22 couverts. A peine s’étaient-ils installés qu’une critique due journaliste de The Observer du Guardian, en mai 2022, va tout changer. “Le jour de la parution de l’article, on a eu 5,500 personnes qui ont essayé de réserver”, se souviennent encore les deux associés. Devant ce succès, ils décident, après plus d’un an, de déménager à 500 mètres dans un lieu un peu plus grand. Aujourd’hui, 11 personnes travaillent pour eux, contre 4 au moment de la première ouverture.
Leur succès, ils le résument à leur amour de la cuisine. “Une cuisine de grand-mère, avec des herbes, des aromates, de l’ail, de la sauce. On n’a jamais eu l’ambition de révolutionner la gastronomie, mais de proposer quelque chose de simple et de bon”. Et les clients le leur rendent bien, puisque le restaurant est souvent complet à quatre semaines. “Notre peur n’est pas de gagner des nouveaux clients mais de les garder”, soulignent Robert Reid et JC Slowki. Au vu de leur nomination comme meilleur restaurant local de Londres, ils n’ont rien à craindre.
Crédit photos : Thomas Alexander