Installée au sous-sol de la National Gallery de Londres depuis lundi 7 octobre 2019, l’exposition temporaire qui est consacrée à Paul Gauguin restera ouverte au public jusqu’au dimanche 26 janvier 2020. Cet artiste était méconnu de son vivant, mais jouit aujourd’hui d’une renommée mondiale tant pour la richesse de sa création que pour les grands noms qu’il a fréquentés. De Vincent Van Gogh à Paul Cézanne en passant notamment par son mentor et ami Camille Pissarro, le travail de cet artiste multi-casquettes témoigne à lui seul de ses nombreuses influences. Né en 1848, ce n’est qu’au tournant de ses 35 ans que Gauguin fait de la peinture sa principale occupation jusqu’à sa mort, vingt ans plus tard, en 1903. French Morning London vous emmène à la découverte de cette exposition.
Une fois à l’intérieur, sept salles thématiques retracent différents aspects de la vie du Français au travers d’une cinquantaine d’œuvres.
La première est entièrement dédiée à des autoportraits de Gauguin. Pensés et réalisés à des fins différentes, ces tableaux représentent aussi bien le peintre derrière son modeste chevalet que dans la peau du Christ. Il faut dire que tout au long de sa vie, l’homme n’a eu de cesse de se dépeindre comme un artiste incompris par ses contemporains, un “sauvage” voire un “martyr”.
Souvent offerts en cadeaux à ses amis, les autoportraits de Gauguin révèlent sans équivoque un égocentrisme prononcé. En outre, ils ont également le mérite de replacer le Français dans son contexte, celui d’un homme blanc, européanocentré, colonialiste et misogyne. De quoi se demander jusqu’où peut-on blâmer un artiste qui pensait et représentait le monde à la manière des mœurs dominantes de son temps ?
Dans la deuxième salle, on découvre la face plus intime de l’artiste, à commencer par sa famille et ses amis. On y découvre notamment Mette-Sophie Gad, l’épouse d’Eugène Henri Paul Gauguin avec qui il eut cinq enfants. Mariés en 1873, l’idylle s’interrompt brusquement lorsque la peinture commence à accaparer l’attention de l’homme. Après qu’il eut quitté son poste de courtier en 1883, le Français fait face à la difficulté de courir après le sou pour subvenir aux besoins de sa famille… qu’il finira par abandonner.
Cette situation semble d’ailleurs avoir été source d’inspiration. Sur la peinture la plus à droite, Gauguin a représenté son troisième fils, Clovis, endormi sur une table. Une captation de l’imaginaire inégalable des enfants qui peut aussi être regardée comme la rêverie de l’artiste lui-même, indépendamment des tracas financiers que connaît sa famille.
Après avoir un temps compté parmi les impressionnistes, Gauguin introduit rapidement un surplus de subjectivité dans sa peinture. Se détachant du réel, l’artiste a progressivement défini un nouveau genre, aujourd’hui connu comme le synthétisme. A la manière d’un vitrail, ce style laisse à voir une représentation en deux dimensions, des formes simplifiées et une certaine unité de couleur. Gauguin lui-même qualifiait d’ailleurs son regard singulier en affirmant que “dans l’art, la vérité est ce qu’une personne ressent au moment précis dans lequel elle se trouve”.
En pénétrant dans la troisième salle, le visiteur découvre à quel point le peintre néerlandais Meyer de Haan a pu influencer le travail de Gauguin, ou encore comment le Français a noué amitié avec Vincent Van Gogh. D’octobre à décembre 1888, les deux acolytes se sont d’ailleurs retrouvés à Arles dans ce qui deviendra le mythique Studio du Sud. Travaillant sans relâche, les deux hommes se sont même confrontés à ce qui pourrait s’apparenter à des duels. Le portrait ci-dessus – représentant la femme du facteur d’Arles peinte par Gauguin – en est d’ailleurs le fruit. Cette fois-ci, le Français s’était distingué du Néerlandais par un coup de pinceau jugé “plus stylisé”.
On suit ensuite Gauguin dans son plus long voyage, à destination de Tahiti, où il séjourna une première fois de 1891 à 1893. Là-bas, il a notamment entretenu deux relations amoureuses alors même qu’il était officiellement toujours marié à Mette Gad. Le portrait précédent n’est autre que l’unique trace laissée par l’artiste de cette jeune Tahitienne qui fut un temps comme sa seconde femme. A l’arrière-plan, de nombreux motifs et symboles témoignent d’ailleurs de l’inscription de l’artiste dans les croyances et coutumes locales.
Afin de connaître une vie plus confortable, l’artiste a, dès son arrivée en Polynésie, accepté de nombreuses commandes de portraits émanant principalement de femmes bourgeoises. C’était cependant sans compter sur le regard incisif de Gauguin qui s’est toujours peu montré enclin à la flatterie. Ainsi le modèle ici représenté, sans avantage, sans couleurs vives, n’aurait visiblement pas tardé à remiser son tableau…
Toujours en quête de reconnaissance, l’artiste pensait que son escapade tahitienne apporterait un côté exotique à sa peinture et le distinguerait de ses pairs une fois de retour dans l’Hexagone. La réalité s’est révélée toute autre…
Arrivé à Paris, Gauguin a notamment peint ce singulier portrait double-face de lui et de son nouvel ami, le compositeur William Molard.
A l’aube de ses 47 ans, en 1895, Gauguin décide finalement de repartir à Tahiti. Malheureusement sa santé s’y dégrade et ce, d’autant plus qu’il apprend le décès de sa fille Aline. Après une tentative de suicide, l’artiste renoue tout de même avec la peinture mais son inspiration a des airs d’antan. Ainsi, le défunt De Haan refait surface dans les créations du peintre. De même pour Van Gogh, également décédé, à qui le peintre a rendu hommage au travers d’une mise en scène de tournesols fleuris rappelant le célèbre tableau du peintre néerlandais.
La dernière salle regroupe quant à elle les œuvres – peinture, sculpture et céramique – réalisées par Gauguin au cours de ses dernières années de vie. Après avoir emménagé sur les îles Marquises en 1901, l’artiste continuera de peindre jusqu’à sa mort et s’engagera même dans la politique locale en contestant notamment les règles coloniales imposées à l’archipel. Pour mieux comprendre cet homme, un film d’un quart d’heure, diffusé à l’issue de la visite, mêle récits et anecdotes sur la vie trépidante de Paul Gauguin.
Avant de s’y rendre, mieux vaut réserver en ligne afin de bénéficier d’une réduction de £2 sur chaque ticket acheté. En sachant que l’entrée s’élève à £22 en semaine et à £24 le week-end, cette ristourne n’a rien de superflue. A noter qu’il faudra ensuite s’acquitter de £5 supplémentaires pour profiter des audioguides. Toutefois, au vu de la richesse de la brochure distribuée gratuitement à l’entrée de l’exposition (également disponible en caractères agrandis pour les malvoyants), ils ne sont sans doute pas indispensables.
En outre, deux visites seront dédiées aux personnes malentendantes et malvoyantes. La première, en langue des signes anglaise, se tiendra vendredi 29 novembre à 6.30pm, suivie, samedi 30 novembre à 11.30am, par une déambulation en audiodescription.