Brexit oblige, pour séjourner outre-Manche dans le cadre du travail ou d’études, les Européens doivent désormais demander un visa. Certes sélectif, le processus n’en est quand même pas moins réalisable (même si les choses ne sont pas toujours évidentes). Ces Français en ont fait l’expérience.
Pour les candidats à l’immigration au Royaume-Uni, le graal est souvent de décrocher le “skilled worker visa”, qui permet d’avoir un emploi sur le sol britannique. Pour ce faire, il faut trouver un employeur qui accepte de “sponsoriser” la personne, de la parrainer. Un exercice pas toujours simple. Mais qui s’est avéré plutôt aisé pour Béatrice (*), dans le marketing digital, qui a tout simplement eu la possibilité d’être mutée dans l’antenne britannique de son agence parisienne.
Une situation assez courante parmi les nouveaux expatriés. Béatrice témoigne néanmoins d’un processus qui a pris pas mal de mois dans son cas, entre la documentation à remplir, le test d’anglais à passer … Mais aussi parce que son entreprise n’avait au départ pas de “sponsor licence” pour la parrainer et a dû faire les démarches. La Française a aussi dû prendre en charge les frais de visa ainsi que l’IHS (“immigration health surcharge”), la somme à verser pour avoir accès au système de santé britannique. “Dans la mesure où c’est moi qui ai demandé la mutation pour suivre mon copain à l’époque, mon employeur n’a pas payé ces choses-là.” Le tout lui est donc revenu cher – un peu plus de 4,000 euros – pour un visa de 5 ans. Un montant que la jeune femme, qui n’a pas eu à régler de loyer pendant un temps, a pu avancer… Mais qui reste tout de même “une grosse somme” à ses yeux.
Somme que Laurine n’a elle pas eu à verser, son employeur au Royaume-Uni prenant en charge les frais de visa et l’IHS (pour 3 ans). Travaillant dans un secteur qu’elle pense être “de niche”, le droit en matière de protection des données personnelles, la Française n’a pas eu eu de mal à trouver de poste. “J’ai dû envoyer une quinzaine de candidatures à la fin de l’été 2020 et ai obtenu une offre en novembre. Au début, il était question que je passe un week-end en Grande-Bretagne avant la fin de l’année pour demander le ‘pre-settled’ mais cela n’a finalement pas pu se faire. Mon entreprise m’avait néanmoins fait comprendre que ce ne serait pas un problème et qu’ils pourraient me sponsoriser.”
Son employeur, un gros groupe qui recrute beaucoup à l’étranger, s’est aussi chargé de son dossier pour le visa. Qu’elle a finalement obtenu en mars 2021, sachant que son entreprise avait commencé les démarches en début d’année. A Londres depuis quelques temps maintenant, Laurine se dit ravie. “Je trouve que la qualité de vie ici, quand on a un emploi qualifié, est incroyable par rapport à Paris. Au niveau du salaire, ça n’a rien à voir. Et je trouve qu’ils font beaucoup plus confiance, en entreprise et donnent plus de responsabilités facilement.”
“Londres est une ville incroyable”, confirme Kesia, tout juste diplômée, qui a commencé à travailler fin octobre dans la capitale anglaise, dans le secteur des effets spéciaux. La jeune fille estime que la procédure de visa a été “relativement simple, grâce au nouveau système”. Elle explique n’avoir pas eu à se déplacer pour donner ses empreintes, juste à scanner la puce biométrique de son passeport. Et concernant le test de langue, elle ne l’a pas trouvé spécialement compliqué. “Mais mes collègues, moins à l’aise en anglais, ont eu plus de mal.”
Emilie, elle, a obtenu un “temporary work-governement authorised exchange visa” en tant qu’assistante de français à Londres (elle est arrivée cet automne et son visa s’achève fin mai), dans le cadre d’un programme d’échange approuvé par les autorités. Même si elle a été bien accompagnée par son sponsor, le British Council, la jeune fille a trouvé la procédure assez lourde à gérer. Et commence déjà à stresser pour mai car, souhaitant rester “aussi longtemps que possible” à Londres, elle espère pouvoir renouveler son visa. La Française peine à accepter que les choses soient aujourd’hui si compliquées et dit ressentir pas mal “d’amertume” vis-à-vis du Brexit…
Pour Mailyna, aussi, les choses ont bien sûr été bien moins évidentes. La jeune fille est aujourd’hui à Londres avec un visa étudiant d’un an (pour devenir enseignante) et a dû régler 9,250 livres de frais de scolarité… Alors qu’avant le Brexit, elle n’aurait rien eu à débourser. “L’an dernier, grâce au partenariat entre mon université, en France et les cursus en Angleterre, on aurait même pu avoir une bourse mais cela ne s’applique plus et on doit payer de notre poche notre entrée administrative.” Pas simple. “J’avais des économies mais beaucoup de gens de ma promo ont dû emprunter.” La Française a aussi fait l’expérience du visa “dependant”, afin que son compagnon Alexis puisse la suivre. Non mariés, les jeunes gens ont dû prouver leur relation, via notamment le bail du logement qu’ils avaient en France. Désormais tous les deux en Angleterre, ils peuvent souffler. Le “dependant” autorise Alexis à travailler. Quant à Mailyna, elle devrait bénéficier d’un visa “graduate” après son année et pouvoir rester au moins deux ans de plus. “C’est un soulagement de se dire qu’on est ici et qu’on peut continuer.”
Obtenir un visa n’est donc pas impossible. “Le point de départ (pour les personnes intéressées par le ‘skilled worker visa’) serait d’obtenir l’offre d’une entreprise possédant une licence de parrainage”, conseille Amar Ali, directeur de Reiss Edwards, cabinet d’avocats spécialisés en droit de l’immigration à Londres, rappelant qu’il existe, sur le site du gouvernement britannique, un registre actualisé listant les organisations ayant déjà effectué cette procédure. “Le poste doit bien sûr correspondre à la définition de ‘travailleur qualifié’ et les métiers concernés sont aussi listés.“
Et l’avocat de faire observer qu’un certain nombre d’entreprises semblaient, fin 2021, commencer à demander des licences et à être en mesure de proposer des parrainages, “probablement dû au fait qu’elles ont pu se stabiliser” (la pandémie a eu tendance à freiner pas mal de demandes de licences, selon ce spécialiste. les entreprises ont dû s’adapter).
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(*) Le nom de la personne n’a pas été précisé.