Du samedi 25 au dimanche 26 mai, Londres sera la capitale mondiale du skateboard le temps d’un week-end. En effet, la première étape de la Street League Skateboarding, la plus prestigieuse compétition au monde, se déroulera dans la Copper Box Arena, au sein du parc olympique de Stratford. Elle réunira une centaine de skateurs et skateuses, qui figurent parmi ce qui se fait de mieux sur la planète, dont des membres de l’équipe de France dont Charlotte Hym et Vincent Milou. Cette présence du “Team Skateboard France” s’explique par le fait que cette édition londonienne marque le début des qualifications pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, où la discipline sera pratiquée pour la première fois de son histoire.
Le Team Skateboard France a été créé en 2016 par la Fédération française de roller et skateboard (FFRS) suite à l’annonce faite en 2016 par le Comité International Olympique (CIO) de l’intégration du skateboard comme discipline olympique à partir de 2020. Il réunit une quinzaine de skateurs et skateuses confondus venant d’horizons différents et considérés comme la crème de la crème de l’Hexagone. Dans cette discipline individuelle, la création d’un collectif comme l’Équipe de France semble relever d’une aliénation. Pourtant, ce n’est pas l’avis qu’a Charlotte Hym sur la question. “Evidemment, cela crée un esprit d’équipe. Mais c’est déjà le cas pour ceux qui partent en compétition quelque part dans le monde, loin de chez eux. On essaye de s’encourager, de se soutenir, de se donner des conseils. En plus, avec certains membres du Team France, on se connaît depuis plusieurs années !”, explique-t-elle. Son compatriote et coéquipier Vincent Milou partage cette analyse en rappelant les spécificités d’une équipe nationale de skateboard. “On n’est pas l’Équipe de France comme les gens l’entendent. Chez nous, il n’y a ni réveil à 8am ni entrainements. On est des skateurs, on sait ce que l’on fait et on n’a pas besoin de changements dans nos méthodes de travail”.
Dans le monde du skate qui partage des normes et des codes bien différents des autres univers sportifs, l’“olympisation” de leur discipline fait débat. En effet, les skateurs sont divisés entre idéalistes, qui considèrent le skate comme une discipline de la rue volontairement marginale, et les compétiteurs qui accueillent cette nouvelle comme une chance. Vincent Milou comprend les arguments des deux camps, mais d’un point de vue d’athlète, il avoue ne pas être enchanté par cette annonce. “Les JO ne sont pas si intéressants pour les skateurs, ça ne change rien au niveau sportif. On n’est pas comme les autres sportifs qui se préparent pendant 4 ans pour les JO. Si on n’y va pas, on rate l’opportunité de vivre une belle expérience, mais au niveau du skate, ça ne change rien”, avoue celui qui est originaire de Tarnos dans les Landes.
Vincent Milou est l’un des meilleurs skateurs de sa génération. Âgé de 22 ans seulement, il vient de stopper ses études en techniques de commercialisation pour devenir un skateur professionnel à temps plein. Partageant sa vie entre San Diego, où il skate pour le Willy’s Workshop fondé par Willy Santos, emblématique skateur américano-philippin, et la France, son pays natal, il gagne sa vie en réalisant des vidéos avec ses amis et dans lesquelles il enchaîne les figures en faisant de la publicité pour des marques célèbres.
De plus, les prize-moneys issus des compétitions auxquelles il participe forment une autre source de revenus pour lui. A ce propos, Vincent Milou, qui est membre de de la Street League Skateboarding, avait terminé l’étape londonienne 2018 à la seconde place, ce qui représente la meilleure performance de sa jeune carrière. Forcément, Londres a une place particulière dans son cœur, comme il le confie. “C’est une ville que j’ai toujours affectionnée. Hormis ma prestation ici l’an dernier, je suis venu plusieurs fois avec ma famille et mes amis, notamment pour skater. Il y a une grosse scène skate ici, avec de nombreux skateurs reconnus et des spots très connus comme Southbank”. En 2019, il figurera parmi les favoris de la compétition et aura à cœur de répéter son exploit dans la capitale britannique, d’autant que l’enjeu, lié aux JO, n’est plus le même.
De son côté, Charlotte Hym est bien plus enjouée par l’arrivée du skateboard aux Jeux que son coéquipier. “Les JO, c’est une expérience à vivre car c’est la compétition la plus prestigieuse dans le sport. Quand on fait du skate en compétition, on a forcément envie d’y participer. Après, je reste sur une position très ouverte car pour moi, le skate c’est la liberté donc tout le monde doit pouvoir choisir entre faire du skate entre amis ou en compétition”. Surtout, elle voit en cet événement planétaire, une grande opportunité pour sa discipline de manière générale. “Cela va permettre au skateboard d’avoir une grande visibilité car des enfants vont voir la discipline à la télévision et cela peut leur donner envie de faire pareil”.
Charlotte Hym, sélectionnée en équipe de France depuis trois ans, n’est pas une skateuse professionnelle au contraire de Vincent Milou. En effet, à 26 ans, elle concilie ses longues études avec le sport pour lequel elle est douée. “Je travaille tous les jours à l’université, mais si je dois m’absenter pour une compétition, je le fais sans hésiter et je m’organise sur mon emploi du temps”. Sa passion du skateboard s’est manifestée assez tardivement, à l’âge de 13 ans, dans le bitume de Paris sur lequel elle a souvent fait crisser les roues de sa planche. C’est grâce aux demandes constantes de ses amis qu’elle se lance dans le skateboard en compétition il y a 6 ans. Au niveau mondial, elle fait partie des novices puisqu’elle participe pour la première à une compétition de ce standing lors de l’étape finale de Rio en janvier, où elle est entrée par la petite porte et en est sortie avec les honneurs en demi-finales. En mai, elle fera son baptême du feu à Londres où elle fera son possible pour réaliser une performance et se positionner au mieux dans les qualifications menant aux Jeux de Tokyo.
Enfin, l’intégration du skateboard dans les Jeux Olympiques, qui est une révolution en soi, en entraîne une autre : elle souligne et accélère la féminisation progressive de la discipline, comme l’affirme Charlotte Hym. “L’événement va certainement attirer plus de filles aussi, et augmenter les moyens qui leurs sont alloués. Aujourd’hui, de plus en plus d’entre elles passent professionnelles et sont prises au sérieux alors que c’était moins le cas avant”. A ce sujet, Vincent Milou confirme totalement les propos de sa compatriote, et parle d’un changement de mentalité, y compris chez les femmes elles-même. “Avant, elles ne voulaient pas être considérées comme des ‘filles’ qui skataient, elles ne voulaient pas qu’on les différencie des skateurs. Cette année, c’est la première fois qu’elles auront une compétition féminine à chaque étape de la Street League Skateboarding car ils sont obligés avec les qualifications pour les JO. Aujourd’hui, le skate féminin est hyper développé, alors qu’aux débuts de la SLS, il y en avait très peu”.
Pour autant, selon Charlotte Hym, il est encore trop tôt pour parler d’égalité entre les sexes dans la discipline. “Il y a encore une grande différence de nombre entre les skateurs et les skateuses, donc cela crée forcément un décalage, mais on s’oriente de plus en plus vers des prize-moneys égaux dans les catégories. Ce qui est déjà acquis, c’est que les aides qui viennent de l’Etat sont aussi élevées pour les pratiquantes que pour les pratiquants”.