Je ne sais quoi, c’est 94 pages d’illustration de sa vie : de son enfance à Marseille à son quotidien londonien en passant par ses études et sa vie à Paris ainsi que ses nombreux voyages. A son âge – à peine 30 ans -, publier ses mémoires pourrait paraître surprenant. Mais Lucie Arnoux voulait simplement, – “et sans prétention”, tient-elle à souligner -, raconter son histoire, ses faiblesses comme ses forces. Un ouvrage qui, pourquoi pas, pourrait ainsi montrer à d’autres personnes que, malgré les tumultes de la vie, chacun a sa place dans ce monde. Car la Française en sait quelque chose. “J’ai eu une enfance assez solitaire”, confesse la Française.
Une solitude qu’elle a porté porté jusqu’à son adolescence. Pourtant, elle n’est pas fille unique. “L’écart d’âge était important avec mon frère et sa sœur”, confie Lucie Arnoux, qui trouvera refuge dans le dessin. “Dessiner a quelque chose de magique puisqu’on peut faire apparaître, à partir de rien, quelque chose ou quelqu’un”, sourit la jeune femme. Dans sa chambre, loin du monde, son crayon à papier ou de couleur devient ainsi à l’époque son meilleur ami. Mais si la solitude peut paraître rude pour une enfant puis une adolescente, elle lui aura apporté l’exigence, le perfectionnisme et la précision du détail dans sa manière de dessiner. “Je passais beaucoup de temps dans l’image”, explique la Française. Un travail minutieux qui deviendra plus tard sa force et même sa marque de fabrique.
Ce qui n’était qu’une échappatoire devient au fil du temps une vocation pour Lucie Arnoux. Elle se dirigera donc naturellement vers des études d’illustration et d’animation. Mais avant de rejoindre l’École professionnelle supérieure d’arts graphiques à Paris, la Française, alors qu’elle n’est âgée que de 14 ans, entame un stage au Studio Gottferdom, atelier installé à Aix-en-Provence et regroupant des scénaristes, des dessinateurs et coloristes de bandes dessinées. Une première expérience qui débouchera, trois ans plus tard, sur sa première commande pour Lanfeust Magazine, où, déjà, elle choisit de se raconter par le dessin. Pendant les six années suivantes, ses histoires autobiographiques seront ainsi publiées dans le mensuel.
Son livre, paru fin octobre dernier, reprend d’ailleurs ces croquis réalisés plus jeune. “Au total, j’avais une cinquantaine de pages, mais sans ordre chronologique”, confie Lucie Arnoux. Quand elle a pensé à en faire quelque chose, elle a envoyé son projet à plusieurs maisons d’édition britanniques. Penguin, une des plus connues, adore son idée et souhaite alors la publier. “En revanche, ils m’ont demandé d’ajouter de nouvelles illustrations pour créer du liant”. La dessinatrice s’exécute et ajoute une quarantaine de pages supplémentaires en construisant un récit, qui commence à Marseille pour se finir à Londres. “Je voulais juste raconter des choses intéressantes, sans prétention, pour que le lecteur se laisse embarquer dans un voyage, où je le livre autant sur mes réussites que mes échecs”.
https://www.instagram.com/p/CkOSmPBI_EV/?hl=en
Pari réussi. Dans cette bande dessinée, Lucie Arnoux se confie avec humour et auto-dérision à travers des thèmes qui lui touchent à cœur comme le féministe, la cause LGBT, l’amour – elle raconte par exemple ses ‘dates” ratés -, mais elle parle aussi également de ses difficultés dans la vie quotidienne, de ses voyages et de la chance qu’elle a aujourd’hui de vivre de sa passion du dessin. “Il m’aura fallu dix ans pour que je puisse commencer à en vivre”, reconnaît celle, qui aura quand même réussi à faire sa place à force de travail.
Et c’est à Londres qu’elle y sera parvenue. La Française rêvait depuis son plus jeune âge de venir vivre au Royaume-Uni. Un rêve qu’elle concrétise en 2011, en rejoignant pour trois ans la Kingston University pour un BA(hons) Illustration & Animation. La ville, située à une demi-heure en transport de la capitale anglaise, est parfaite pour elle. “Moi qui ai grandi à Marseille, loin de la verdure, et vécu à Paris, Kingston a quelque chose de magique. Pour moi, c’est le fantasme du village anglais par excellence. Je me sens vraiment connectée à la ville, j’y ai trouvé une vraie communauté, ce qui est un peu moins le cas quand on vit à Londres”.
Après ses études, en attendant de vivre de son talent, la Française enchaîne les petits boulots. “Avoir une passion et en faire son métier, ce sont vraiment deux choses différentes. Gagner sa vie avec le dessin n’est pas simple et on peut vite déchanter”, souligne la jeune femme, avant d’ajouter, “cela demande aussi beaucoup de rigueur. Il faut parfois passer du temps, seule, dans sa chambre, et ne faire que travailler. Si pour certains, cela peut être malaisant, pour moi, qui ai vécu de manière solitaire jusqu’à mon adolescence, cela ne m’a jamais fait peur et ne me dérange pas”.
Surtout, le dessin représente pour Lucie Arnoux une partie intrinsèque de sa personne. “Dessiner, c’est comme jouer d’un instrument, il faut beaucoup de pratique et de travail. Mais j’aime tellement cela que cela ne me pose pas de problème”. L’illustratrice, qui collabore également aux tomes BD de l’héroïne Enola Holmes, viendra d’ailleurs partager son talent et ses conseils dimanche 20 novembre lors de sa venue à l’Institut français de Londres, dans le cadre du South Ken Kids Festival. Elle y tiendra un atelier pour enfants et adultes.