Royaume-Uni et France étant peu éloignés – il faut 2h30 pour relier Londres à Paris en Eurostar –, vivre une relation à distance peut être courant. Joie des retrouvailles, particulière qualité des moments passés à deux mais aussi sensations de manque (notamment pendant la Covid), coût des allers-retours… Ces Français vivant ou ayant récemment vécu des relations “transmanches” décrivent les hauts et les bas de ces situations singulières ainsi que leurs motivations.
Pour certains, la relation avait commencé avant le départ de l’un (ou l’une) pour l’Angleterre. C’est le cas pour Paul et Niki (*). Lui est parti en Angleterre une fois son diplôme en poche. Elle est restée un an de plus en Normandie pour finir ses études… Pour d’autres, les choses se sont faites alors que les deux personnes étaient déjà à distance. “Nous nous sommes rencontrés via Twitter”, indique Benoît, à Londres et pacsé à Maxime, qui vit à Paris.
Naturellement, ces situations de distance sont liées aux occupations de chacun(e) de part et d’autre de la Manche. Niki devait finir ses études. Pour Charline, qui vit en région parisienne et était en couple avec Antoine alors qu’il habitait Leicester (pendant trois ans), il était compliqué de faire autrement. “Il y faisait le métier de ses rêves (designer moto, ndlr) et j’ai une entreprise en France, donc difficile d’accorder les deux”. Mais les choses ont néanmoins récemment évolué, puisque les partenaires vivent désormais ensemble en France, Antoine est en télétravail et se rend régulièrement à Leicester.
Bien entendu, avoir une relation à distance, entre deux pays, n’est pas toujours évident. En particulier durant la Covid, où traverser les frontières était compliqué (même si certains ont pu profiter du télétravail et vivre d’un côté de la Manche avec leur moitié). Paul et Niki en ont souffert. Parti en Angleterre en août 2020, Paul arrivait à voir Niki chaque mois jusqu’à janvier 2021. Mais il a leur fallu rester chacun de leur côté jusqu’au mois d’août. L’épisode n’a vraiment pas laissé de bon souvenir. “C’était très compliqué et frustrant d’être si proches et à la fois si éloignés… “
Un manque de l’autre qui se pose aussi, bien sûr, hors restriction. “Je suis quelqu’un de très attaché au toucher physique pour exprimer mon amour, alors vivre à des centaines de kilomètres de ma moitié est parfois difficile à gérer”, raconte Benoît, qui parvient néanmoins à voir Maxime au moins une fois tous les quinze jours grâce notamment à des billets Eurostar obtenus à prix réduits (son compagnon travaillait dans la compagnie).
La question économique pèse en effet quelque peu dans ces relations transmanches. Charline parle de “coût financier assez conséquent” à propos des trajets entre Leicester et la région parisienne. De leur côté, Mélani, étudiante en école d’ingénieurs à Paris et Dylan, “tree surgeon” à Londres, essaient de se voir tous les mois et demi. “Tous les week-ends, le budget ne suivrait pas (rires) ! Là, l’aller-retour en Eurostar nous coûte environ £180.” De quoi perdre un peu de spontanéité…
Tout est affaire de ressenti. “J’ai déjà vécu une relation à distance auparavant et ça ne s’est pas bien terminé, indique Benoît. Mais l’excitation de rencontrer une nouvelle personne et la proximité qu’on a eue dès le début m’ont convaincu.” Ainsi que, bien sûr, le fait que Londres et Paris soient relativement proches… “Je suis tombée raide dingue de sa personne et de l’accent anglais, sourit Mélani, qui a rencontré Dylan en vacances, à Hastings. Et avec le temps (ils sont ensemble depuis trois ans), je me suis rendue compte que c’était vraiment une perle rare… »
La jeune femme voit aussi pas mal d’autres bons côtés à cette situation. “Je dirais qu’on est beaucoup plus libre de bouger, voir ses amis, sa famille car on n’a pas cette pression de voir l’autre, vu qu’on est loin… Et puis, quand on se voit, on profite de chaque seconde.” La joie des retrouvailles est en effet ce qui caractérise ces relations longue distance… “C’est à chaque fois une fête”, sourit Charline. “Quand on se voit, c’est pour le meilleur, ajoute Nicolas, à Londres, dont la copine est retournée en France (et est depuis quelques mois aux Etats-Unis). Comme on s’est pas vus depuis longtemps, on veut tous les deux que ça soit le mieux possible et on fait davantage d’efforts.”
Pour ce Français, néanmoins, il fallait aussi pouvoir un peu se projeter. “Ce qui a joué, aussi, au début, c’est le fait que ma copine voulait venir vivre ici. Je ne voulais plus d’une relation à distance sans en voir le bout (le couple réfléchit à vivre dans la même ville, Londres ou Paris, d’ici quelques mois…).” De son côté, Fanny Bauer-Motti, psychologue francophone à Londres, souligne l’importance d’avoir un quotidien, même à distance, avec des “repères de couple”, “que ce soit en s’écrivant régulièrement ou par des coups de téléphone” mais aussi un certain “horizon” sur “l’étape d’après”, que ce soit sur le court terme – “des vacances ensemble” – ou le long terme (variable selon les différents “chemins de vie”, les désirs du couple, projets d’enfant ou non…).
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(*) Le nom des personnes n’a pas été précisé, à leur demande