Julien Callede est l’un des trois co-fondateurs français (avec Ning Li et Chloé Macintosh) de Made.com, une entreprise “anglaise” – insiste-t-il, créée en 2010 à Notting Hill. En huit ans, le trio, accompagné du créateur de lastminute.com (Brent Hoberman), a réussi à imposer le nom de leur société dans le monde du e-commerce et du mobilier. La société vient d’annoncer une nouvelle levée de fonds de 40 millions de livres pour financer sond développement en Europe et a atteint l’an dernier 127 millions de livres de chiffre d’affaires.
Tout a commencé quand Ning Li et Julien Callede, qui se connaissaient depuis quelques années, ont décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. “On était passionnés par le secteur du mobilier. On avait envie d’y apporter de l’innovation, car il n’avait pas changé depuis 15 ans”, raconte Julien Callede. Brent Hoberman et Chloé Macintosh rejoignent ensuite l’aventure. Que le créateur de Lastminute fasse partie de l’aventure est une aubaine pour le trio, car “il connaissait bien ce secteur d’activité, le online et le marché britannique”.
Ce qui les a donc convaincu de se lancer, c’est que, selon eux, le mobilier en ligne “était un énorme marché à “disrupter” car il n’avait pas été “challengé” à l’époque où on a créé l’entreprise. En fait, la dernière innovation remontait à 20 ans avec IKEA”. Julien Callede explique que le web leur a servi de catalyseur pour développer leur modèle, qui consiste à proposer du mobilier maison design à des prix raisonnables.
Mais pourquoi avoir choisi Londres ? “A l’époque, et c’est encore le cas aujourd’hui, le marché londonien paraissait mature sur le online, plus ‘intelligent’. Londres a dix ans d’avance sur Paris, car c’est une ville qui a toujours été plus ouverte”, développe Julien Callede. Car, selon lui, si le but est de monter une marque internationale, il vaut mieux plonger tout de suite dans un environnement anglais, avec des équipes anglophones. “Si les équipes ne parlent que français ou qu’elles sont basées en France, à terme ce sera plus compliqué d’internationaliser l’entreprise. Et puis, l’autre raison qui nous a poussés à créer Made à Londres, c’est que Brent était déjà installé là, on a donc simplement suivi notre écosystème et notre réseau”.
“On a eu deux complexités et deux chances”, confie le co-fondateur de Made.com. Côté difficulté, les entrepreneurs ont dû apprendre à créer leur business seuls. “On n’a jamais assez de personnes pour lancer les choses au départ, donc on apprend tout sur le tas”, assure Julien Callede. Deuxième obstacle : la multiplicité des métiers. “Made, c’est quatre métiers différents : le meuble, le design, la supply chain (la chaîne logistique, NDLR) et le e-commerce”. Si les créateurs maîtrisaient déjà le concept du meuble, ils ont eu quelques lacunes sur les autres métiers. “On n’y connaissait rien”, confesse le Français.
Heureusement, l’équipe a eu deux forces. “Déjà, on était très bien entourés, des personnes nous ont beaucoup aidé quand on en avait besoin. Ensuite, on a réussi à lever de l’argent rapidement, ce qui nous a permis d’embaucher et d’avancer plus vite. Car quand l’entreprise doit gérer du design à la conception sans oublier le service client, elle a besoin de beaucoup de monde”.
Made compte une trentaine de nationalités dans ses effectifs et la moitié de ses équipes sont anglaises. “Il y a toujours eu plus de compétences internationales à Londres qu’à Paris”, résume Julien Callede, qui reconnaît tout de même que la capitale française est devenue “ultra-dynamique, il y a énormément de gens qui veulent créer leur boîte ou bosser en start-up”.
Si c’est plus simple de recruter à Londres, c’est parce que le marché est “liquide”. “Je le trouve sain. Les personnes ont moins de souci à rejoindre des entreprises pour les quitter ensuite si cela ne fonctionne pas, car elles peuvent retrouver du boulot assez rapidement”. Et le Brexit, ça ne leur fait pas peur ? “On espère ne pas devoir aller en France, car la moitié des salariés sont Anglais. Alors si on peut continuer à manager le core business depuis Londres, sans changer notre management et les salariés qui travaillent pour nous depuis très longtemps, ce serait bien”. Côté recrutement, le Brexit n’a pas tardé à faire sentir ses effets. “C’est vrai que cela devient plus compliqué. Par exemple, certains Français ont peur de venir à Londres, par crainte de ne pas trouver d’emploi”, analyse Julien Callede.
Dès le départ, la croissance a été rapide pour Made. Un peu trop même. “Quand on s’est lancé, on a eu des ventes tout de suite, cela a été même plus rapide qu’on ne l’aurait imaginé”, se félicite le co-fondateur. Mais l’année suivante, l’entreprise a dû mettre un frein à cette progression pour des raisons de logistique. “On a donc ralenti le rythme”. Aujourd’hui, la croissance se situe en moyenne entre 40 et 50% par an.
Ce n’est pas parce qu’elle est la première marque de mobilier européenne online, que Made doit s’endormir sur ses lauriers. “La question n’est pas celle du leadership, mais celle de l’innovation”, commente Julien Callede. L’entreprise n’hésite donc pas à saisir de nouvelles opportunités, quand elles se présentent à elle. “Le but est d’inculquer à toutes les équipes l’idée d’être disrupteur, de faire les choses différemment et de sortir du conventionnel. On pourrait imaginer plein de choses comme développer des produits bureau ou hôtellerie. On a déjà réalisé des collaborations avec des artistes, des galeries ou encore des magazines. Mais ça, ça contribue davantage à asseoir l’image de marque”.