Depuis deux ans, le Brexit inquiète chef.fe.s d’entreprises et employé.e.s, d’autant plus avec les événements politiques qui viennent de se dérouler. Certain.e.s ont donc opté pour un retour vers Paris et la France : au cours du dernier trimestre de l’année 2018, “SeLoger” a enregistré une augmentation de 75% de visites sur son site d’annonces immobilières depuis l’Angleterre. Ce nouvel afflux de personnes vers la région parisienne pose alors un problème de taille : le logement, sachant que le marché de l’immobilier à Paris est déjà tendu. Ce qui est certain, c’est que leur retour impacte déjà les prix.
Tout d’abord, ce mouvement de retour des Français d’outre-Manche est un phénomène très récent. En effet, tous les professionnels de l’immobilier parisien interrogés s’accordent à dire que jusqu’au dernier trimestre des potentiels acheteurs expatriés s’étaient renseignés sur des biens à Paris mais peu d’achats ont été enregistrés. “Le mouvement commence, mais n’est pas massif pour l’instant. Si les Français préparent leur retour, ils sont encore dans l’expectative et s’organisent”, déclare Catherine de Lembeye, co-fondatrice de Des Murs à Paris, agence de chasseurs immobiliers. Une analyse de la situation confirmée par Alexander Kraft, président de l’agence immobilière Sotheby’s en France et à Monaco spécialisée dans les biens haut de gamme : “Jusqu’à la fin 2018, les Français de Londres ont globalement regardé les biens parisiens sans acheter. Cependant, l’hypothèse d’un no-deal début 2019 a tout changé : désormais les décisions sont prises plus rapidement, et sont directement liées à un possible hard-Brexit”.
A contrario, les agences immobilières ainsi que les notaires ne ressentent pas d’influence particulière des Francais de Londres. L’agent immobilier Zlatko Zlatkovic, directeur d’une agence Orpi dans le 20e arrondissement de Paris avance même qu’il n’y a pour l’instant “pas d’influence des Français de Londres sur le marché parisien”.
Néanmoins, une chose est certaine, dans le cas où les Français de Londres représentent un flux d’acheteurs important, les prix du marché de l’immobilier parisien vont augmenter, et la tension du marché va s’accroître du fait que la demande globale soit nettement supérieure à l’offre de biens sur le marché : “Si le flux arrive, alors il y aura plus d’acquéreurs, la tension du marché sera accrue et les prix augmenteront”, résume Me Thierry Delesalle, président de la Commission des statistiques de la Chambre des notaires de Paris.
De plus, l’écart des tarifs de l’immobilier entre Londres et Paris ne va pas aider le prix du mètre carré parisien à diminuer, d’après Alexander Kraft : “Dans la capitale anglaise, les prix des mêmes biens sont quasiment deux fois plus élevés qu’à Paris, donc logiquement, les Londoniens qui reviennent sur Paris voient leur budget d’achat exploser”. Par ailleurs, la tension risque de continuer à s’accroître sur le marché également du fait que le parc immobilier mutable (susceptible d’être acheté ou vendu, ndlr) à Paris a tendance à rétrécir au profit des logements sociaux, comme ce fut le cas au cours de l’année 2018, selon Me Thierry Delesalle.
Ce dernier ajoute que Paris ne construit pas ou presque, avec seulement 500 nouveaux logements mutables par an pour faire face à une demande de plusieurs milieux acheteurs, sans oublier que la ville de Paris est “horizontale”, c’est-à-dire que très peu de tours sont présentes comme cela peut-être le cas pour Londres ou des grandes villes nord-américaines. Aussi, avec le vieillissement global de la population, on observe moins de roulement dans la transmission des biens immobiliers parisiens.
En outre, d’après les agences interrogées, il est encore impossible de dessiner un profil-type des ressortissants français qui s’apprêtent à fuir le Royaume-Uni en direction de l’Hexagone. A l’image de la large communauté française outre-Manche, les agences immobilières voient parmi les potentiels acheteurs qu’elles rencontrent autant de jeunes actifs célibataires que de familles, voire même de retraités. De ce fait, les attentes que ce soit au niveau du prix ou du type de bien immobilier recherché ne sont pas les mêmes, et ne peuvent permettre de dégager un certain type d’habitation plus prisé que d’autres.
Du côté de l’immobilier de luxe, qui est loin de représenter la majorité du flux des Français de retour au pays, Alexandre Kraft confie que ce sont souvent des professionnels entre 30 et 50 ans qui reviennent de Londres avec leur famille pour acheter des appartements aux surfaces importantes, souvent dans les quartiers prestigieux tels que les 6e, 7e et 8e arrondissements.
Pour conclure, ce que l’on peut affirmer aujourd’hui est que le retour des Français du Royaume-Uni a déjà commencé à avoir un impact sur le marché immobilier parisien en particulier, mais également en France plus globalement, bien que ces effets soient mineurs. La question qui subsiste, et sur laquelle personne ne peut encore se prononcer, porte sur la taille du flux de ressortissants français voire de Britanniques qui vont partir des grandes villes outre-Manche et se rabattre sur Paris entre autres. En ce mois de mars au cours duquel l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni sans accord se fait de plus en plus menaçante, il existe peut-être déjà un premier élément à cette question. “La période entre 2019 et 2020 va être clairement cruciale”, conclut Catherine de Lembeye.