Ils font partie des 48 % des votants qui auraient préféré rester dans l’Union européenne en 2016. Ils sont de ceux qui ont un amour indéfectible pour les liens entre le Royaume-Uni et le continent européen, et surtout la France. Quelques jours après l’entrée de la baguette au patrimoine immatériel mondial de l’UNESCO, la France reste bel et bien chérie outre-Manche. La francophilie est particulièrement prégnante au sein des communautés de Britanniques anciennement domiciliés en France. Pour ceux qui ont troqué leurs jambons beurres pour des crisp sandwiches, la nostalgie de l’Hexagone incite ces Britanniques revenus au pays à faire vivre la France par-delà ses frontières.
En dépit des déconvenues politiques des dernières années, la francophilie persiste, comme en témoigne l’existence de nombreux clubs français à travers le Royaume-Uni. Ce ne sont pas moins de quatorze « cercles français » qui organisent des événements hebdomadaires célébrant la France et son héritage culturel à travers le pays. Peter Prowse, membre du cercle français d’Epsom et Ewell, explique que la structure l’aide à maintenir un lien fort avec la France. « Nous organisons des soirées en hommage aux chanteurs français illustres ou encore sur l’histoire franco-britannique, les membres partagent tous cette même passion pour la culture française », explique ce Britannique passionné de la France.
Ces cercles ont une importance toute particulière dans la vie des francophiles nostalgiques. Raymond Harding fait partie des 86,000 Britanniques à posséder une résidence secondaire en France. « Interagir avec différents membres francophiles me permet de maintenir un bon niveau de français en hiver quand nous ne nous rendons pas dans notre résidence secondaire dans le Roussillon », explique le retraité. « Notre amour de la France est une affaire de famille », insiste-t-il. L’Anglais originaire de Bristol a élevé ses deux enfants à Toulouse et à Lyon avant de rentrer au Royaume-Uni. « Mes enfants sont bilingues et cela leur a donné la possibilité de travailler dans le commerce international, ils en sont très fiers », insiste-t-il. Son épouse et lui-même se rendent régulièrement au cercle français de Bristol et prennent part aux conférences, aux cafés et randonnées où le français de rigueur.
Debra Kelly, professeure émérite de l’université de Westminster, pose un regard historique sur la francophilie britannique. « Historiquement, les Français ont toujours eu un trajet de migration différent des autres pays, ils sont mieux acceptés », explique-t-elle. Selon elle, l’intérêt des Britanniques porté à la France varie en fonction du milieu social.
D’après la professeure britannique spécialiste en études francophones, la francophilie britannique est un marqueur social, très souvent identifié dans les milieux bourgeois et aristocrates. Comme en témoigne l’accueil des Huguenots au XVIème et XVIIème siècles, la stabilité économique des classes britanniques les plus aisées permet une plus grande ouverture à l’inconnu. Un siècle plus tard, l’entente entre aristocrates britanniques et français est renforcée par l’accueil positif des réfugiés royalistes au Royaume-Uni.
Cette perspective historique est confortée par Constance Bantman, enseignante à l’université de Surrey, auteure et ancienne normalienne. « De l’amour à la haine, les relations entre la France et le Royaume-Uni ont toujours été ambivalentes », commence-t-elle. « Le raffinement français, qu’il soit culinaire, vestimentaire ou littéraire, est un facteur important de francophilie au Royaume-Uni. Un certain “chic continental” est associé à la France et reste très marqué socialement », précise la Française spécialiste des relations franco-britanniques.
De la maîtrise du français à l’appréciation de la bonne chère, l’amour de la France et des fantasmes qu’elle suscite font parties intégrantes des codes sociaux britanniques. Quant au Brexit et à la pérennité de l’intérêt porté à la culture française en Albion, Debra Kelly se veut rassurante. « La culture française est très enracinée et appréciée au Royaume-Uni, le divorce politique entre l’Union européenne et le Royaume-Uni n’aura pas d’effet négatif sur la francophilie », conclut-elle.