“Cette curiosité du départ est devenue une véritable passion.” C’est par cette simple phrase que pourrait être résumé le chemin de Mildred Page, passée du monde de l’événementiel à celui de la bijouterie avec sa marque Lifelike Jewellery. Engagement écologique oblige, ses créations ne sont alors réalisées qu’à partir d’argent recyclé. Si c’est le cas de plus en plus de petits designers, cela reste tout de même, pour le moment, une sacrée originalité.
Arrivée il y a cinq ans sur Londres, Mildred Page travaillait à l’origine dans l’événementiel. “C’est de cette façon que ma conscience environnementale s’est développée. Dans ce milieu, il y a malheureusement énormément de déchets…”, se désole encore la jeune femme. Elle s’est donc engagée quelque temps auprès de l’ONG Green Peace, et projette d’ailleurs à terme de travailler à plein-temps dans le domaine de l’écologie. “J’ai postulé dans plusieurs charities”, confie-t-elle.
Cette volonté de changement a été accélérée par un élément : la pandémie de Covid-19 et les confinements qui en résultent. “Lors du premier confinement, j’ai perdu mon emploi, le secteur de l’événementiel étant à l’arrêt.” Ce qui lui a alors donné le temps de réfléchir à ce qu’elle souhaitait faire et sa formation passée dans la bijouterie l’a aidée à rapidement trouver sa nouvelle voie professionnelle. “J’ai toujours été attirée par le monde artistique. J’y suis venue notamment en faisant des collages, explique Mildred Page. En parallèle, j’ai toujours aimé porter des bijoux, et j’étais très curieuse de savoir comment ils étaient conçus. Prenez un anneau par exemple, il n’y a aucune trace de soudure… C’est intriguant quand on y pense !”
Autant de questions qui l’ont amenée, il y a deux ans, à prendre part à dix semaines de cours pour apprendre les bases de la soudure. Suite à cette première formation, elle a commencé à confectionner quelques bijoux, pour des amis et sa famille. Le confinement du printemps lui a alors donné le temps et l’envie d’approfondir ses connaissances en bijouterie. “C’est à ce moment que j’ai découvert les cours de la London Jewellery School, qui permettent d’acquérir un diplôme intitulé Silver Jewellery.”
Depuis le 21 septembre dernier, la Française a donc commencé de nouvelles études. Cela scelle en quelque sorte sa reconversion professionnelle, car elle se consacre dorénavant à plein temps à la confection de bijoux. “Le retour aux travaux manuels, à l’artisanat est quelque chose qui m’a toujours titillé. Mais ce qui m’a également motivé à me lancer est la possibilité de faire passer un message via la réalisation de mon projet. Je souhaite en effet montrer que tout est interconnecté et qu’au lieu de vivre contre la nature, il faut, au contraire, apprendre à vivre avec elle.”
D’où l’usage d’argent recyclé pour la réalisation de ses accessoires. “Quand j’ai commencé mes créations, je me suis renseignée sur la façon dont la plupart des bijoux étaient produits. Je me suis rapidement rendue compte que leur confection n’était pas du tout écologique, du coup je me suis intéressée aux alternatives possibles.” Or, au lieu d’acheter du métal tout beau tout neuf, il est tout à fait envisageable d’utiliser celui d’anciennes fourchettes, cuillères et autres objets. “Il y a déjà bien assez de métal en circulation pour ne pas avoir besoin d’aller en chercher davantage”, affirme la jeune femme.
Mildred Page acquiert donc sa matière première auprès d’un fournisseur spécialisé dans l’argent recyclé. “Je ne peux pas le faire moi-même pour l’instant, car les équipements le permettant coûtent très chers. Mais à terme, pourquoi pas.” Si ce métal est la base de toutes ses créations, elle projette pour ses prochaines collections d’utiliser des matériaux quelque peu originaux : du bois, des coquillages, des coraux, des pierres, voire même des déchets.
Mais tout cela, ce sera pour plus tard. “Je suis en train de travailler sur un projet de long terme en quatre parties.” La jeune femme le présente alors comme très conceptuel. “La première a pour but de situer la place de l’humain dans l’univers. La deuxième sera, elle, tournée vers la terre et le monde naturel, quand la troisième évoquera la civilisation et le rôle de l’homme. Pour finir, la dernière collection portera sur les déchets, qui sont malheureusement devenus une énorme composante de notre planète.” Chaque collection se distinguera par les formes que la jeune créatrice donnera aux bijoux, mais également par les textures et les matériaux.
La collection sur l’espace étant bien entamée, Mildred Page va commencer à en proposer à la vente début décembre. “J’aimerais beaucoup monter ma propre boutique en ligne. En attendant, je vais créer une page Etsy pour proposer mes premières pièces à la vente. Je ne pense pas ouvrir une boutique physique, mais par contre, j’aimerais bien proposer mes créations à de petites boutiques.” La Française a en effet investi énormément pour se construire un petit atelier chez elle. Ouvrir une boutique où elle pourrait travailler n’est donc pas une priorité. “J’ai beaucoup d’outils, des petits, des gros, des chalumeaux… Avec cet équipement, je peux en réalité confectionner mes bijoux de n’importe où. Si j’ai décidé de rester à Londres pour me lancer, c’est déjà parce que j’y ai un pied-à-terre, mais surtout parce que j’adore cette ville, elle me permet de gagner en créativité.”