Covid, Brexit… En deux ans, les choses se sont compliquées pour les commerçants de Londres. Des enseignes françaises ont même disparu de la capitale anglaise, ne tenant plus économiquement face à la crise sanitaire ou à la problématique de recrutement, conséquence directe des nouvelles règles migratoires post-divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Un contexte difficile, mais qui ne freine pas pour autant les envies d’autres entrepreneurs français de s’installer à Londres. Cependant, là où la plupart visaient avant la Covid ou le Brexit le quartier de South Kensington ou l’ouest de la capitale pour l’ouverture d’un magasin ou d’une boutique, les choses ont quelque peu changé. “La Covid a mis en lumière l’importance de viser local”, explique, en effet, Stéphanie Baroin de Welcome Home London, qui accompagne entre autres les commerçants dans leur installation, “du coup, aujourd’hui, il y a un vrai regain d’intérêt pour les quartiers plus résidentiels”. Les commerçants français chercheraient donc davantage “une ambiance de village européen”. Notting Hill, Marylebone, Islington, Old Street, Hampstead ou encore Ealing sont donc devenus de vrais secteurs en vue avec, déjà, un fort développement d’offres de commerces français.
Cependant, South Kensington reste encore une valeur sûre. La crêperie Suzette ou encore la boulangerie-salon de thé Philippe Conticini ont par exemple fait le choix de ce quartier pour l’ouverture de nouvelles boutiques. “Si je ne pousse pas forcément mes clients vers ce choix, ils savent que là ils trouveront une clientèle francophile, à la recherche justement de ce ‘tampon français’, gage de qualité”. Certains quartiers ont, eux, perdu l’intérêt de certains porteurs de projets. Malgré la présence d’enseignes comme Cojean ou Les Merveilleux de Fred, Stéphanie Baroin remarque qu’au cœur de la City de nombreux commerces ont disparu faute de voir les salariés retourner au bureau, le télétravail étant encore bien ancré depuis la pandémie. “Le quartier s’est beaucoup vidé, mais cela revient progressivement. Donc je dirais que cela pourrait être un choix intéressant à envisager, car les prix sont plus abordables et qu’il existe tout de même une vie résidentielle”.
Elle conseillerait, si c’est une première boutique et si le commerçant a des ambitions de développement sur le plus long terme, un quartier plus central que l’ouest. “Le côté livraison doit cependant toujours entrer dans le cahier des charges et il est nécessaire de choisir l’emplacement en fonction justement de ce rayon de livraison et de la cible”. Stéphanie Baroin reçoit aujourd’hui encore beaucoup de demandes de Français intéressés pour s’installer à Londres, notamment des commerces de bouche (pâtisserie, salons de thé). “J’ai quelques demandes isolées pour l’ouverture de galeries d’art mais cela reste assez anecdotique. Je remarque aussi de plus en plus d’intérêt sur la location de bureaux ou d’espaces de réunion, en effet à la situation post-pandémie”. La fondatrice de Welcome Home London s’est par ailleurs rendue compte d’un pourcentage assez important de Français qui ont un projet totalement prêt, mais qui ne sont pas en mesure de le concrétiser, à cause du Brexit, n’ayant pas anticipé les coûts importants et les nouvelles règles migratoires incluant l’obtention d’un visa. “Parfois les projets passent, parfois non”, résume-t-elle.
Si pour Antoine Detrie de l’agence French Touch Properties, South Kensington ainsi que Notting Hill demeurent des quartiers attrayants pour les commerçants français, “l’est à le vent en poupe en ce moment”, reconnaît-il, “comme à Shoreditch, notamment pour l’ouverture de commerces de type bars à vin”. Muswell Hill, assez dans le nord de Londres, connaît aussi un regain d’intérêt pour certains, qui ont fait le choix de miser sur la vie de quartier, loin des secteurs bruyants et parfois trop animés ou denses de la capitale. Par exemple, ses clients Florence et Pierre Alix cherchaient un endroit qui ressemble à un village pour ouvrir sa première boulangerie.
Le Français explique ainsi que la banlieue a en quelque sorte pris sa revanche sur l’hyper-centre. “Les gens sont plus ouverts à aller vers des zones résidentielles, moins centrales. Il y a certaines zones qui se sont développées, comme Stratford, qui a une image maintenant moins négative et où il y a eu des forts développements immobiliers. On note aussi aussi Battersea, avec l’ouverture de la ligne de métro et la réhabilitation de l’ancienne station électrique”. Mais parfois miser sur un quartier peut s’avérer décevant, c’est le cas, selon lui, de Hackney, qui était encore vu comme le nouveau Shoreditch. “C’est loin d’être encore le cas”, estime Antoine. Selon le Français, il peut y avoir des bonnes affaires, mais cela dépend vraiment du type de commerce. En ce qui concerne l’ouverture de restaurants, le centre reste un secteur d’importance, comme du côté de Covent Garden, à quelques pas de tous les théâtres. “A French Touch Properties, on s’adapte et personnalise le projet selon l’ADN du commerce, sa cible. On établit ensuite une short-list à nos clients pour qu’ils soient certains de faire le bon choix”.
L’expert rejoint sa consœur Stéphanie Baroin, expliquant que s’il est encore trop tôt pour dire si la pandémie a eu un effet sur les habitudes d’installation des commerçants, il reconnaît tout de même qu’un changement s’est opéré. “L’expérience clients est aussi importante dans le commerce qu’en ligne, donc ceux qui veulent ouvrir une boutique doivent prendre en compte cette dimension de livraison ou de “click and collect”. Côté Brexit, Antoine Detrie juge, de son côté, que les choses seront moins floues d’ici à 10 ans. “Certes, aujourd’hui, la question des visas peut sembler embêtante, notamment pour les restaurants ou ceux qui veulent ouvrir une filiale au Royaume-Uni. Cela coûte cher et peut en refroidir plus d’un surtout quand ce sont des petits projets. Mais je crois vraiment qu’il y aura un assouplissement des règles d’ici quelques années”.