Douze ans après s’être produit aux BBC Proms, l’un des plus prestigieux événements de musique classique au monde, Olivier Latry revient pour un concert unique et exceptionnel dimanche 4 août au Royal Albert Hall. “Exciting”, reconnaît l’organiste de Notre-Dame de Paris. Avant sa venue à Londres, le Français se confie sur sa carrière, ses envies et bien évidemment sur le tragique incendie qui a touché en plein cœur la cathédrale parisienne.
“Après mon concert en 2007, les organisateurs m’avaient demandé de revenir jouer mais je n’avais pas pu”, explique Olivier Latry, “du coup, je suis content de pouvoir le faire cette année”. Pour lui comme pour de nombreux autres artistes, cet événement de musique classique est tout de même une véritable institution. “C’est toujours impressionnant de voir un festival de plus de 100 ans rencontrer toujours autant de succès”, confie le Français, “et je trouve ça ‘exciting’, comme diraient les Anglais, de pouvoir s’y produire une nouvelle fois”. Dimanche 4 août, il jouera donc seul sur la scène du Royal Albert Hall. “On m’a demandé la transcription d’œuvres qui n’étaient pas destinées à l’orgue”, détaille Olivier Latry, “ainsi qu’une improvisation sur du Berlioz”. Pas de quoi effrayer ce spécialiste de l’improvisation, style caractéristique du savoir-faire des organistes français et institutionnalisé au XIXème siècle, rappelle-t-il.
Outre dans le cadre des BBC Proms, Olivier Latry s’est produit à de nombreuses reprises à Londres, une ville qu’il connaît bien. “J’ai joué pendant six semaines à la cathédrale Saint Paul en 2000. C’était une chance énorme”, reconnaît-il, “j’ai aussi donné des concerts à l’Abbaye de Westminster, ainsi qu’au Royal Festival Hall du Southbank Centre”. Le Français a également joué dans le monde entier, dans des lieux aussi impressionnants que le Château de Versailles ou encore dans une petite église dans un village en Espagne, où “les gens étaient venus en bus” pour l’entendre jouer sur un orgue. “Je crois que le public qui aime cet instrument est séduit par les sons et les vibrations, qui se diffusent partout. L’orgue fait sonner tout un lieu et reste pour certains un symbole d’éternité”, analyse de manière très poétique Olivier Latry.
Lui est tombé amoureux très jeune de cet instrument. A 12 ans, on demande à ce natif de Boulogne-sur-Mer de jouer pour un mariage. “Je suis arrivé devant cet instrument gigantesque et j’ai immédiatement attrapé le virus”, confesse le Français. Ce qui lui plaît : jouer fort et plein de sonorités différentes. “Il y a beaucoup de voix, c’est comme si quatre personnes parlaient en même temps à vos oreilles. Il faut donc une écoute multiple et distinguer chacune de ces voix”. Un an après cette rencontre musicale, il se dit qu’il en fera son métier. Il étudie l’orgue et intègre le conservatoire.
Il a 19 ans quand il joue pour la première fois sur l’orgue de Notre-Dame de Paris, il n’accroche pas. “Je n’aimais pas tellement l’instrument et sa symphonique très XIXème siècle”, se souvient-il. Mais quelques années plus tard, alors âgé de 23 ans, il deviendra pourtant un des organistes du lieu. “Je me suis présenté à un concours organisé par le diocèse de Paris mais pas du tout pour jouer à Notre-Dame. Mais, j’ai quand même été sélectionné. Comme je pensais que je n’allais pas y arriver, j’y suis allé très détendu”. Finalement, il est retenu à sa plus grande surprise.
Pas une seule fois, confie-t-il, il ne s’est ennuyé face à l’orgue de la cathédrale parisienne. “Il se passe toujours quelque chose à Notre-Dame. Le lieu accueillait jusque-là plus de 14 millions de touristes par an, il y a été organisé des cérémonies mais aussi des funérailles nationales comme pour les attentats du 13 novembre à Paris, ou encore un enterrement du président de la République, des concerts liturgiques, des offices, des manifestations de Fémens… Notre-Dame est un symbole pour beaucoup, certains viennent pour protester ou revendiquer, d’autres pour se réunir autour d’un événement”, analyse Olivier Latry.
Il y jouait, jusqu’au terrible incendie, une fois toutes les trois semaines, à tour de rôle avec les autres organistes. Il se souvient encore de cette soirée du 15 avril. Le Français était à Vienne en Autriche pour un concert. “J’ai passé la nuit au téléphone pour tout suivre en temps réel”, confie-t-il, “tout le monde s’est demandé ce qu’allait devenir l’orgue. Quand on a appris qu’il avait résisté, on a été étonné mais surtout ravi. Mais cela va prendre du temps pour qu’il soit nettoyé. Les 8.000 tuyaux vont devoir être démontés et nettoyés pour retirer la poussière de plomb”.
Il espère bien pouvoir rejouer sur cet instrument qu’il a accompagné pendant ces 30 dernières années, mais il sait que cela ne pourra pas se faire “avant au moins quatre ans”. Il se dit reconnaissant d’avoir eu la chance de le faire pendant ces trois décennies. “Je suis triste, mais j’ai eu une vie fantastique avec lui, je l’attends avec impatience”, lâche celui qui venait d’enregistrer deux mois avant le drame un disque sur cet orgue. En attendant, Olivier Latry continue ses tournées à travers le monde avec un arrêt donc cet été à Londres.