Son recueil, qui vient de sortir aux éditions Blue Diode Press, s’intitule tout simplement : Poèmes écossais. Et il résume en quelque sorte l’amour que Paul Malgrati conjugue à la fois pour la poésie et pour l’Ecosse. Les textes, qu’il a choisis avec soin, mêle d’ailleurs deux langues : la langue française et la langue Scots, dialecte issu d’un mélange de l’anglais, du scandinave, du vieux germanique et du gaélique.
C’est après avoir fait partie des finalistes du concours Edwin Morgan Poetry Award en 2020 que Paul Malgrati s’est décidé à publier ses poèmes écrits en majeure partie entre 2016 et 2020. “On a dû attendre deux ans pour que le recueil sorte, car la maison d’édition était prise sur d’autres projets”, confie Paul Malgrati, qui a complété ses premiers poèmes par de nouveaux afin de “créer une narration”.
90% des textes sont en Scots, le reste en français. “C’est vrai qu’il faut être un peu aventurier quand on n’a pas de base en Scots, mais j’ai mis à la fin de l’ouvrage un glossaire qui couvre toutes les difficultés. Il y a aussi quelques notes sur des références historiques majeures”, explique le jeune homme, avant d’ajouter, “même si la langue Scots peut être difficile de compréhension, les poèmes sont courts, et donc le lecteur pourra sans problème picorer le recueil en ouvrant les pages au hasard”, explique le Français. Son ouvrage, il l’a d’ailleurs pensé plus comme une poésie écrite, et non pas de performance. “Je voulais une lecture plus neutre, émotionnelle et charnelle, mais aussi la moins subjective possible pour que le lecteur vive les mots en dehors d’une voix humaine, et puisse ainsi vivre les textes en silence”.
S’il a choisi de mélanger le Scots et le français pour ce premier recueil, c’est parce qu’il a voulu ainsi raconter d’une certaine manière la relation entre ses deux pays de cœur. Son histoire d’amour avec l’Ecosse a débuté il y a près de 10 ans. C’est en 2013, alors qu’il est étudiant en troisième année de Sciences Po Paris, qu’il part à l’université de St Andrews pour un échange universitaire. “C’était une année folle tant sur le plan culturel que politique puisque se tenait à cette époque la campagne sur le référendum de l’indépendance de l’Ecosse”, se souvient le jeune homme. En plus de tomber sous le charme de ce pays britannique, il rencontrera aussi l’amour, Julia, originaire de Dundee.
Mais après avoir terminé cette année d’échange, il rentre à Paris pour finir son master d’histoire à Sciences Po. “Je ne pensais pas vraiment revenir un jour”, confie-t-il. Mais sa petite amie et l’Écosse lui manquent terriblement. En attendant de les rejoindre, il se plonge dans des lectures écossaises et notamment celles du célèbre poète Robert Burns, qui avait d’ailleurs écrit certains de ses textes pendant la Révolution française, souligne Paul Malgrati.
C’est donc en 2016, qu’il retourne sur les terres écossaises, à nouveau à St Andrews, où il entamera cette fois-ci un doctorat sur l’héritage politique… de Robert Burns. Il enchaînera ensuite avec un post-doc à Glasgow toujours sur le poète écossais, dont il s’est vraiment pris de passion. Il commence alors à apprendre le Scots, cette langue née de diverses influences. “La base reste l’anglais, mais elle a aussi connu des influences gaéliques, scandinaves, et même venant du vieux germanique”. Le Scots reste, souligne le Français, une langue encore parlée mais à des degrés variés. “Dans les centres plus urbains, beaucoup vont utiliser des ‘scottissismes’, mais sans plus. Alors que dans des zones plus rurales ou comme vers Aberdeen par exemple, l’usage du Scots est plus prononcé”. L’apprentissage de cette nouvelle langue n’a pas été tant compliqué pour le jeune homme, avoue-t-il, lui qui s’est également beaucoup appuyé sur des lectures. “A partir du moment où on a de bonnes bases en anglais, c’est plus facile d’apprendre le Scots”.
Si Paul Malgrati s’est passionné pour Robert Burns, outre le fait que l’auteur est une référence plus que culturelle en Ecosse, c’est parce qu’il s’intéresse depuis sa Terminale littéraire à la poésie. A l’époque, il découvre les auteurs français connus, comme Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Hugo… “Je crois qu’en arrivant en Ecosse en 2013, ça a débloqué quelque chose en moi, et j’ai commencé à en écrire moi-même”, confesse le jeune homme. D’abord en français, avant de se mettre à faire des traductions de poèmes français en Scots, en y ajoutant un “caractère plus créatif” plutôt que d’en faire une simple traduction littérale. “J’ai alors réalisé que j’aimais vraiment écrire dans cette langue-là”.
S’il aime autant la poésie c’est que, pour lui, elle permet de mettre des mots sur “la beauté des choses” tout en leur donnant une certaine mélodie, du rythme. “Quand c’est bien exécuté, cela donne un genre de beauté unique”, estime Paul Malgrati, qui ajoute : “il n’y a des choses qui ne peuvent être dites qu’en poésie”. Le doctorant regrette ainsi qu’en France ce style littéraire n’ait pas autant de place qu’il peut en avoir dans les pays anglo-saxons comme au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. “En Ecosse par exemple, Robert Burns est célébré chaque année en janvier, c’est même considéré comme une sorte de fête nationale pour les Ecossais. Il existe aussi de nombreux endroits pour des open-mics de poésie”, révèle le Français.
Dommage, pense-t-il, qu’il n’y ait pas pu se créer, en France, le même lien entre la poésie et la culture populaire, même si d’autres styles qui s’en approchent, comme le rap ou le slam, peuvent faire office en quelque sorte de contre-balanciers. Poèmes écossais pourrait peut-être ainsi redonner à certains l’envie de redécouvrir la poésie. C’est en tout cas ce qu’espère Paul Malgrati. “Et puis, c’est un bon tremplin pour celles et ceux qui voudraient apprendre le Scots”, sourit-il.
Livre disponible à l’achat sur le site de la maison d’édition : Blue Diode Press (quelques exemplaires seront aussi disponibles à l’envoi depuis la France pendant l’été 2022)