Œuvrant dans des secteurs variés (l’hôtellerie-restauration, le tourisme, l’immobilier) et à des postes qu’ils appréciaient, ces Français vivant en Grande-Bretagne ont, pour beaucoup, perdu leur travail et ont du mal à retrouver dans leur secteur avec la pandémie… Alors, en attendant, ils font, quand ils ont pu en trouver, des jobs “alimentaires” – livraisons, emploi dans des supermarchés – et s’adaptent au mieux.
Ils exercent des missions parfois très éloignées de leur secteur initial. Basée à Edimbourg, Laetitia (*) a démissionné, à l’automne, d’une agence de courtage en prêts immobiliers. “Avec la Covid, ils me relocalisaient et le travail changeait.” Peinant à retrouver un emploi similaire, elle livre aujourd’hui les produits d’un supermarché en lien avec Amazon. Adrien, lui, était dans le design de bijoux et aide désormais à l’entretien et l’accueil d’une clinique vétérinaire à Cardiff. A Londres, Chantal, “self-employed”, travaillait en gestion immobilière et fait maintenant des livraisons pour un restaurant.
La perte de leur emploi a évidemment compliqué leur situation économique. Au Royaume-Uni, les allocations chômage (**) ne dépassent pas £300 par mois. Et l’”universal credit” s’élève à £400 maximum…. Une somme insuffisante pour Charlène, désormais assistante de vie auprès notamment de personnes âgées, après avoir été cheffe de projet dans une agence touristique en Ecosse… Chantal, elle, s’estime relativement chanceuse – son loyer est assuré par des biens qu’ils louent avec son mari (sans emploi, lui aussi) – mais doit néanmoins payer les courses alimentaires de la famille (cinq enfants) avec ses livraisons.
Bien sûr, la situation n’est pas toujours évidente à vivre. Manager dans un restaurant réputé, Antoine avait perdu son travail à l’été 2020, avant de retrouver un poste similaire, puis d’être de nouveau arrêté. Entre-temps, il avait commencé à faire des livraisons, “au noir”. “80 % du salaire sans pourboires, c’est très compliqué.” Il se dit “stressé”. Insécurité financière, peur, aussi, de “se faire attraper”…
De son côté, Laetitia estime que faire des petits boulots n’est guère “joyeux” ou “enrichissant” et peut même s’avérer “démotivant”, en parallèle d’une recherche d’emploi. Des pensées plutôt naturelles au vu de ce que décrit, à Londres, la psychothérapeute française Silvia Lautier, qui parle de possibles sentiments de “frustration” voire “d’anxiété”, en fonction des situations.
Les réactions, précise cette professionnelle, dépendent aussi du contexte social, familial et, bien sûr, des personnes, de leur “capacité d’adaptation”. Adrien indique que cela ne le dérange “absolument pas” de travailler pour des vétérinaires car c’est, de toute façon, “mieux que rien”. Sa sœur Chloé est en “furlough” mais craignant de ne pas être reconduite dans son contrat – un poste avec certaines responsabilités dans un hôtel – elle a décroché un job en supermarché. Et si elle explique avoir eu un tout petit peu mal à l’égo au début et avoir parfois un peu peur de la Covid, elle apprécie de travailler et l’équipe qui l’entoure. Son job est aussi “moins stressant” qu’auparavant.
Certains profitent par ailleurs de ces moments pour enclencher une réflexion. Antoine, malgré son stress, indique “travailler son développement personnel” et se focaliser sur les choses plus agréables comme le fait, également, de “moins courir”. Il réfléchit d’ailleurs à ouvrir sa propre affaire où cet ” équilibre finances/travail/vie privée” serait mieux respecté.
Charlène, elle, apprécie particulièrement le “côté humain” de son travail d’assistante de vie. Au point même de se demander si, malgré la pénibilité physique, elle ne se verrait pas, un jour, “évoluer dans le secteur et reprendre des études”. Pour Silvia Lautier, l’important est ainsi de conserver un “regard positif” sur ses choix, se dire qu’il ne s’agit que d’un “état transitoire”, de lui donner du sens, en songeant aussi à ses ambitions post-Covid.
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(*) Les noms de famille n’ont pas été précisés afin de préserver l’anonymat des personnes
(**) L’on parle ici d’allocations chômage pour ceux qui ont perdu leur emploi et non de l’argent touché par les gens en “furlough”