Député socialiste, porte-parole du parti à l’assemblée nationale, où il est également membre du groupe d’amitié franco-britannique, Arthur Delaporte était en déplacement pour deux jours à Londres. “Je suis venu à l’invitation de la section du PS à Londres”, confiait-il juste avant sa rencontre avec la communauté française lundi 24 février, avec qui il souhait échanger sur l’actualité française, mais pas seulement. Lors cette visite, qui devait durer jusqu’au lendemain, il avait prévu de rencontrer quelques homologues britanniques, des acteurs de la vie associative et culturelle ainsi que l’ambassadrice de France au Royaume-Uni pour notamment “évoquer les relations bilatérales” et les préoccupations liées au contexte international.
A la question d’ailleurs de savoir en quoi la politique menée par le Premier ministre britannique, Keir Starmer, pouvait inspirer le parti socialiste, Arthur Delaporte s’est dit intéressé par celles concernant le logement et la santé. “Les travaillistes ont une ambition forte sur ces sujets. Ils ont par exemple dévoilé un plan d’investissement important pour construire des logements et faire face à la pénurie”. Concernant la santé, lui qui explique avoir déjà rencontré la secrétaire d’Etat britannique chargée du sujet il y a quelques semaines, il a reconnu “le travail mis en place pour préserver le modèle et ainsi permettre un meilleur accès aux soins”. “On est face à une crise, en France comme au Royaume-Uni, du modèle public de santé, mais il est impossible de se contenter d’une médecine à deux vitesses. Le modèle public doit être préservé et renforcé”.
Si de ce côté de la Manche, les travaillistes ont réussi à accéder au pouvoir en juillet dernier, en France, le Nouveau Front Populaire n’a pas su rassembler une majorité suffisante à l’Assemblée nationale lors des élections législatives anticipées de juin dernier. Depuis, l’union de la gauche a périclité, le PS s’étant même distancié de la France Insoumise en ne censurant pas le gouvernement Bayrou début février. Une décision, a souligné le porte-parole du parti socialiste, “saluée par certains de (nos) électeurs et parfois incomprise par d’autres”. “Mais je suis opposé à l’idée de la fin de l’union de la gauche et je ne veux en aucun cas, pour la prochaine présidentielle, un face-à-face entre le droite conservatrice et la droite xénophobe. Si on part seul, même avec les meilleures idées au monde, on est voué à la défaite”. Pour Arthur Delaporte, l’union doit se faire, tout en permettant aux différents partis de tenir leur voix singulière.
Mais la France pourrait-elle réussir à basculer à gauche alors même que d’autres pays en Europe – et dans le monde – se droitisent un peu plus ? Dernier exemple en date, l’Allemagne : le parti social-démocrate du chancelier sortant, Olaf Scholz, a perdu les élections dimanche 23 février. Bilan : 88 sièges en moins. La droite, elle, est arrivée en tête gagnant 12 nouveaux sièges, et l’AfD, parti d’extrême-droite, a fait une percée historique devenant le premier parti des ouvriers et des chômeurs, pourtant électeurs traditionnels du Parti social-démocrate ou de la gauche radicale. “Oui, il y a une crise de la social-démocratie”, a reconnu Arthur Delaporte, “mais cela veut dire que son âge d’or n’est pas forcément derrière nous”, a-t-il commenté. Pour lui, l’espoir réside aussi de ce côté de la Manche, “si le Labour, avec ses politiques sociales ambitieuses, parvient à redonner confiance aux classes moyennes”.
Outre les grands sujets de politique nationale, de crise de la gauche ou des grands défis internationaux avec le retour de Donald Trump au pouvoir et l’inquiétude autour de l’Ukraine, le député souhaitait aussi aborder, lors de cette réunion publique, des questions plus locales et concernant les Français du Royaume-Uni. En particulier, celle des bourses scolaires. Samy Ahmar, ancien secrétaire de section du PS à Londres, conseiller consulaire socialiste et membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, devait être à ses côtés pour répondre aux interrogations de la communauté. “Il y a un sujet qui, pour moi, est primordial, celui des bourses scolaires”, avançait-il avant la réunion publique. En effet, a-t-il rappelé, “les chiffres montrent une décrue, extrêmement rapide, du nombre de boursiers”. Une décrue qui serait plus forte à Londres que dans le reste du réseau éducatif français à l’étranger. “On constate une diminution de 8% sur l’ensemble du rythme Nord entre 2023 et 2024. Au Royaume-Uni, on est sur moins de 17% en une seule année. Et ça précède largement la mise en application de la TVA”, introduite par le gouvernement britannique sur tous les établissements scolaires privés depuis janvier.
En parallèle, a complété Samy Ahmar, le montant moyen par bourse a explosé. “Il s’est envolé de plus de 8,4% dans le rythme Nord en une année seulement. En réalité, la plupart des boursiers ne sont pas à 30, 40 ou 50%, mais à 90 ou 100%, parce qu’il n’y a que les familles qui sont vraiment en situation de grande précarité, qui font des demandes de bourse. Pour les autres, quand il reste 50% à payer, même pour une classe moyenne, c’est trop”. Cette situation a donc un impact sur la mixité sociale, les classes moyennes désertent le système français à cause de la hausse des frais de scolarité. “Elle est en chute totale. Dans l’ensemble du réseau AFE, et particulièrement au Royaume-Uni, mais encore une fois, c’est une tendance qui s’observe dans plein de territoires”. Problème, a-t-il ajouté, “les établissements à gestion direct (comme le lycée français de Londres, ndlr) ont une mission de service public. Et dans la mission de service public, il y a un impératif d’université sociale”. Si une enquête sur l’ensemble du réseau devait être lancée par l’Agence de l’Enseignement du Français à l’Etranger (AEFE), rien n’a visiblement encore été fait, a estimé Samy Ahmar. “On ne l’a toujours pas vue”.
Autre sujet au centre des préoccupations de la gauche et amené cette fois-ci par Catherine Smadja-Froguel, trésorière de l’organisation français du Monde, également présente pour le déplacement du député socialiste, celui des retraites. Depuis le Brexit, les personnes immigrant au Royaume-Uni – et donc sous visa – ne pourront plus cumuler leurs années de cotisation françaises et britanniques. “Ce qui signifie qu’ils auront une carrière incomplète contrairement à ceux qui étaient installés avant le retrait de l’Union européenne”.