Greeting the sky (“saluer le ciel”, ndlr), telle est l’invitation de Jacques Barry dans une exposition temporaire, organisée à Londres du jeudi 12 au samedi 15 septembre. Mettre en avant le banal, l’anonyme, “les choses qu’on ne regarde pas”, tel est le terrain de jeu de l’artiste peintre. Pour ce faire, le plasticien use de son regard singulier sur l’univers qui l’entoure pour représenter ses sujets dans le plus simple apparat. C’est ensuite au spectateur de faire le cheminement. “La cohérence, elle se fait toute seule. Il y a une lecture, un regard et c’est ça qui fait sens”, explique-t-il.
Passé par les Beaux-Arts, Jacques Barry a dû à de nombreuses reprises renoncer à tout ce qu’il avait appris afin de “questionner nos représentations du réel”. C’est donc à coups de gros traits, de divers symboles et de jeux de perspectives que l’artiste peintre suggère la forme et l’environnement de ses personnages. Parmi ses œuvres les plus connues, la représentation d’un rhinocéros de profil a contribué à faire émerger l’artiste au milieu des années 1990. Lui qui n’en avait jamais vu directement a opté pour une représentation idéelle de l’animal.
Ce projet, initialement pensé comme un clin d’œil pour dénoncer la menace d’extinction qui pèse sur l’espèce, a connu un certain engouement, conduisant l’artiste à décliner son “Rhino” sous plusieurs formes. L’une d’entre elles a d’ailleurs été exposée au stade Geoffroy Guichard pendant la coupe du monde de football 1998. L’année suivante, c’est le triptyque d’un petit ourson qui s’envolait dans l’espace pour faire 80 fois le tour de la Terre. Une expédition “anecdotique mais amusante”, lâche-t-il, fruit d’une rencontre avec un spationaute français à Houston lors d’une de ses expositions au Texas.
Plus récemment, Jacques Barry s’est également penché sur l’humanité en dessinant des hommes, des femmes, le plus souvent nus. Sa finalité ? Présenter un être anonyme, intemporel, universel qui peut aussi bien se référer à la masse d’inconnus que nous croisons chaque jour sans même effleurer du regard, qu’à la posture de l’immigré débarquant sur une terre inconnue.
Quand Jacques Barry marche dans la rue, ça n’est pas un passant aux yeux furtifs mais un spectateur de l’ordinaire. Son intérêt peut de fait se porter sur un de nos objets du quotidien dont il aime triturer la représentation. Il peut donc tout aussi bien s’agir d’un ours en peluche tombé d’un étage, d’un œuf au plat que d’une poubelle. Cette dernière peut, sous le pinceau de Jacques Barry, s’apparenter au bilan d’une vie… “bien que tout ne soit pas bon à jeter évidemment”, rassure-t-il.
Adolescent, Jacques Barry n’éprouve pas de grand intérêt pour la peinture et la figuration, il court plutôt après un ballon de rugby. C’est à 15 ans qu’il commence les cours du soir aux Beaux-Arts de Saint-Etienne. “J’étais complètement investi, mais je ne m’en rendais pas compte”. Mordu, il intègre rapidement les cours du jour. Au sortir de ses études, il s’essaie à la discipline, fait des exercices de style et cherche à gagner sa vie en passant par la pub et le design. Une fois rassuré par sa stabilité de vie, il s’attèle complètement à sa passion et arrête les effets de style.
Conscient des enjeux politiques et philosophiques portés par le printemps 1968, le Limougeaud devient professeur aux Beaux-Arts pour “dépoussiérer l’institution” en intégrant notamment davantage les sciences humaines comme apport à la création artistique. Après plus de quarante années de métier et une soixantaine d’expositions aux quatre coins de la planète, Jacques Barry se rassure en se disant que le monde a radicalement changé mais que sa façon de peindre, elle, reste la même.