Ils ont rencontré historiens, sociologues, experts, restaurateurs, producteurs, artisans… Pendant plus d’un an, Paul Solier, Quentin Chapuis et Arnaud de Broves ont sillonné la France avec un unique objectif : tout savoir sur l’apéro pour le partager ensuite sous la forme d’un dictionnaire. Leur ouvrage de 350 pages, paru le 26 octobre dernier aux éditions Hachette, décortique ainsi de manière décalée et de A à Z – de l’absinthe au zakouski, en passant par le Beaujolais nouveau, la bière, le cornichon, le décapsuleur, la gueule de bois, le pastis, la planche, le saucisson, le vin… -, tout ce qui peut définir l’apéro, ce rituel et art de vivre à la française. “On ne voulait pas faire un livre gadget, mais un livre de référence sur le sujet, en adoptant certes un ton léger mais avec du vrai contenu”, explique Paul Solier, qui sera, avec ses deux acolytes, à Londres samedi 10 décembre pour une séance apéro-dédicace à la librairie La Page de South Kensington.
Sur les 400 idées de départ, Paul Solier, Quentin Chapuis et Arnaud de Broves en ont retenu 200. Dans cette encyclopédie, les définitions “savamment choisies, drôles, ultra documentées et fourmillantes d’illustrations” sont accompagnées d’”anecdotes, de portraits de producteurs et de personnalités pour qui l’apéro est un sport de haut niveau”. “A chaque définition, on a écrit une introduction-humeur avant de laisser la place à des verbatim des personnes que nous avons rencontrées”, confie Paul Solier. En plus des informations données, les trois associés ont également inclus des recettes et des conseils de produits artisanaux pour préparer l’apéro parfait.
“Cela faisait plusieurs années que nous avions eu envie d’écrire un livre de référence sur l’apéro”, poursuit le Français. Une envie légitime, sachant que les trois amis ont créé la Fédération Français de l’Apéro, la FFA. “Tout est parti d’une blague d’étudiants sur les réseaux sociaux il y a une dizaine d’années”, raconte le Français. Avec ses deux amis, ils sont fous d’apéro et ont donc créé un groupe sur Facebook autour de ce rituel si cher à leur cœur et estomac. Mais une fois dans la vie active, les trois amis laissent leur groupe de côté. “Puis, il y a six ans, on a commencé à se demander ce que nous pourrions bien en faire”, poursuit Paul Solier, qui à l’époque, travaille dans la production audiovisuelle.
Quentin Chapuis, lui, est directeur commercial pour Valrhona au Canada, et Arnaud de Broves est cadre au sein du groupe Accor. Malgré leur position professionnelle très confortable, les trois amis quittent tout pour créer leur première épicerie dédiée aux produits artisanaux et français pour l’apéro. “L’idée était d’imaginer la boutique que nous aurions aimé avoir en bas de chez nous”. Charcuterie, fromages, vins, terrines… “On compte 450 références au total, dont une centaine de vins. Tous les produits sont sourcés en France et proviennent de petits producteurs”, détaille Paul Solier avant d’ajouter, “en plus du coin épicerie, on a imaginé un espace bar pour créer plus de convivialité”.
Après cette première épicerie-bar parisienne dans le 10ème arrondissement de Paris, les trois associés en ouvrent une seconde, dans le 17ème. Mais celle-ci ne sera consacrée qu’à la vente de produits et de vins. Devant ce succès parisien, Paul Solier, Quentin Chapuis et Arnaud de Broves décident de conquérir la province, en commençant d’abord par Lille puis Lyon. Pour ces deux boutiques, le concept est basé sur la toute première, à savoir une épicerie-bar. “A chaque fois qu’on s’installe dans une nouvelle ville, on veut pouvoir créer cette ambiance de convivialité. Aussi, on fait en sorte qu’au moins 50% des produits proposés soient sourcés localement”. Ce sera donc sur ce même modèle que se fera celle de Strasbourg, qui ouvrira ses portes en 2023. Les yeux rivés vers le reste de la France, les trois associés n’en oublient cependant pas Paris. “On vient aussi d’ouvrir une autre épicerie-cave dans le 9ème arrondissement de Paris”. Parallèlement, Paul Solier, Quentin Chapuis et Arnaud de Broves ont créé leur propre marque de produits artisanaux qu’ils vendent également dans leurs boutiques.
Forts de cette expérience, les trois amis, pour qui l’apéro est une religion, ont ainsi pensé en écrire la bible. “Puisque l’Académie Française publie chaque année le dictionnaire de la langue française, la FFA se devait bien d’écrire celui de l’apéro !”, résument les auteurs. Et c’’est par hasard que le projet se sera finalement fait. “On avait contacté l’illustrateur Mathieu Persan pour qu’il travaille sur l’étiquette du pastis qu’on venait de produire”, explique Paul Solier. Ce que les trois associés ne savent pas alors, c’est que le dessinateur travaille en parallèle avec les éditions Hachette pour leur nouveau guide des vins. “Il a parlé de nous à un des responsables qui a voulu nous rencontrer”, confie le Français.
Puis tout s’est enchaîné très rapidement, Hachette étant intéressé par l’idée des trois fondateurs de la FFA. Après un an et demi de travail, Le Dictionnaire de l’Apéro, pesant près de deux kilogrammes, est enfin né. Et pour eux, ils étaient évidents de venir le présenter à Londres, où la communauté française est importante. D’ailleurs, est-il possible d’imaginer une boutique de la FFA dans la capitale anglaise ? “Nous y avons déjà pensé, mais le Brexit a mis un coup de frein à notre projet”, explique Paul Solier, “mais si un jour on vient, on proposera un concept d’apéro revisité à l’anglaise avec notamment des produits locaux”. En attendant de voir ce jour arriver, on pourra toujours patienter en lisant leur dictionnaire.