Avez-vous déjà eu besoin d’acheter un couteau de cuisine au Royaume-Uni, pour constater qu’il était quasiment impossible d’en trouver dans le Sainsbury’s ou le Tesco de votre quartier ? Contrairement à la France, où il est facile d’en acheter dans n’importe quelle grande surface, cette particularité britannique, parfois gênante, découle d’une loi adoptée en 2019 régulant la vente de couteaux.
D’après les données de l’Office National des Statistiques (ONS), environ 285 personnes ont été victimes d’homicides à l’arme blanche entre juillet 2017 et juin 2018 en Angleterre et au Pays de Galles. Les attaques au couteau auraient aussi augmenté de 70% au cours de la dernière décennie au Royaume-Uni, un phénomène persistant qui s’aggrave à tel point que les médias évoquent une véritable épidémie. Les chiffres révèlent une tendance alarmante, accentuée par le fait que tant les victimes que les agresseurs sont souvent de jeunes hommes voire des adolescents. En effet, une étude, menée par le Royal London Hospital sur les victimes de blessures par arme blanche entre 2004 et 2014, montre que l’âge moyen des victimes est passé de près de 30 ans à seulement 18 ans, avec une proportion croissante de très jeunes adolescents.
Par ailleurs, selon Patrick Green, directeur de l’association Ben Kinsella Trust qui œuvre contre cette forme de violence, ces attaques présentent une caractéristique spécifique : elles surviennent principalement entre 4 et 6 pm, soit souvent aux heures où les jeunes sortent de l’école. Quant aux lieux de ces agressions, elles se produisent dans des endroits publics, souvent fréquentés, avec un grand nombre de témoins, et avec la particularité que les agresseurs ne semblent pas craindre d’être identifiés ou repérés avec un couteau.
Pour contrer ce système de croyance, les associations œuvrent sur deux fronts. Tout d’abord, elles se concentrent sur l’éducation des plus jeunes, en montrant à des enfants de 10 ou 11 ans les répercussions réelles du port d’une arme blanche, tant du côté des victimes que des agresseurs.
L’objectif n’est pas d’interdire le port de couteau, mais plutôt de fournir toutes les informations nécessaires pour éclairer leur jugement. Ensuite, elles militent auprès du gouvernement pour la mise en place de législations visant à réduire ces crimes. C’est ainsi que l’Offensive Weapons Act a été adoptée en 2019.
L’Offensive Weapons Act modifie deux aspects principaux de la vente de couteaux. Le premier changement majeur concerne l’âge. Désormais, tous les vendeurs doivent appliquer le principe du “Think 25”, similaire à celui en vigueur pour la vente d’alcool et de tabac. Cela signifie que si un client semble avoir moins de 25 ans lorsqu’il achète un couteau, l’employé doit automatiquement lui demander de présenter une pièce d’identité prouvant qu’il a plus de 18 ans. Cette mesure vise avant tout à restreindre l’accès des mineurs aux armes blanches.
La seconde raison qui explique que les couteaux soient difficiles à trouver dans les grandes surfaces est que la loi stipule que “les détaillants doivent veiller à ce que les couteaux soient exposés et emballés de manière sûre afin de minimiser les risques. Elles prendront notamment des mesures pratiques et proportionnées pour restreindre l’accessibilité et éviter l’utilisation immédiate, pour réduire le risque de blessure et pour empêcher le vol.”
Pour les détaillants qui proposent une large gamme de produits comme les grandes surfaces, la législation suggère comme solution “d’envisager de retirer les couteaux de l’étalage ou de les placer hors de la portée du public dans un endroit sûr et sécurisé”. C’est pourquoi les commerçants peuvent choisir de ne pas exposer les couteaux en rayon tout en continuant à les vendre sur leur site de livraison. Ainsi, selon la loi, ils ne sont pas tenus de retirer les couteaux de leurs étagères, mais cela constitue également une mesure de protection contre le vol ou les situations à risque.
Selon le directeur de la Ben Kinsella Trust, évaluer l’impact d’une loi comme celle de 2019 est complexe en raison de la nature multifactorielle du phénomène. Malgré les dispositions légales en place, “il existe de nombreuses possibilités de contourner la législation”, déclare-t-il, soulignant notamment le manque de vérifications lors des achats en ligne et des transactions entre particuliers.
Cependant, Patrick Green remarque une lacune significative dans l’Offensive Weapons Act : les couteaux zombies et les machettes ne sont pas interdits à la vente, alors que plusieurs études du College of Policing montrent qu’ils sont parmi les plus utilisés lors des attaques. Ce manquement s’explique, selon lui, par le fait qu’“il y a dix ans, ce sont plutôt les plus petits couteaux qui étaient impliqués dans les meurtres, comme les couteaux de cuisine, par exemple. Mais la législation, devant combler des années de lacunes juridiques, n’a pas su comprendre l’évolution du phénomène.”
Le spécialiste explique le changement de type d’arme blanche chez les jeunes par “l’augmentation des attaques et la propagation de la peur via les réseaux sociaux”, conduisant à un raisonnement selon lequel “si je porte un gros couteau, la personne qui veut m’agresser prendra peur.”
En janvier dernier, l’acteur Idris Elba s’est engagé aux côtés de la Ben Kinsella Trust dans une campagne de sensibilisation visant à inciter le gouvernement à interdire les couteaux zombies et les machettes. “Je ne peux pas rester silencieux alors que des jeunes perdent la vie dans des crimes brutaux”, a déclaré l’acteur, qui a grandi à Londres.
Pour cette campagne, des piles de vêtements soigneusement pliés ont été disposées sur une place près du Parlement à Londres pour symboliser les 250 personnes décédées à la suite de crimes au couteau entre 2022 et 2023.
Instagram will load in the frontend.
“En tant que célébrité, il est capable d’atteindre un public beaucoup plus large que les associations. Grâce à lui, l’agenda politique a été plus réactif à nos demandes. Cette année, le gouvernement a proposé un amendement à la loi de 2019 pour interdire les machettes et les couteaux zombies”, explique le représentant de l’association engagée dans la lutte contre les crimes à l’arme blanche. Cette nouvelle mesure devrait être mise en œuvre d’ici le mois de juin.
En parallèle de la lutte législative, d’autres personnalités se mobilisent pour changer les mentalités, notamment le rappeur Courtney Barrett, qui souhaite modifier la perception violente associée au rap en lançant le projet Binn Knives Saves Lives. Leur mouvement repose sur un slogan simple : “Jeter les couteaux sauve des vies”. “Nous voulons retirer le plus grand nombre possible de couteaux de la circulation. Nous voulons sensibiliser autant de personnes que possible aux dangers de posséder et d’en porter”, explique Courtney Barrett sur le site de l’association.
One Response
Les charités refusent les couteaux dans les services de table! Pour ne pas tenter les jeunes d’acheter une arme facile. Il me semble qu’on peut aussi faire la même chose avec une fourchette….. Et ils peuvent trouver un couteau dans n’importe quelle cuisine!