Saviez-vous que la base de calcul de votre taxe d’habitation au Royaume-Uni, ou council tax, avait été évaluée pour la première et dernière fois en 1991 ? À l’époque, un service de His Majesty’s Revenue and Customs (HMRC) a eu pour mission d’attribuer à chaque habitation une band, un ordre de valeurs allant de A à H, à partir de laquelle le montant de la taxe a été calculé par les municipalités pour financer leurs services publics. En d’autres termes, la valeur de l’impôt local que vous réglez est la même depuis plus de 30 ans, malgré d’importants changements dans l’économie du pays. Au niveau politique, ce sujet épineux reste figé dans le temps, alors que selon David Phillips, directeur associé à l’Institute for Fiscal Studies (IFS), “plus de la moitié des habitations sont désormais dans les mauvaises ‘bands'”. Mais pourquoi ?
La council tax a été introduite en 1991 pour remplacer un impôt très impopulaire du gouvernement de Margaret Thatcher, la poll tax ou community charge. Les débuts de la council tax ont été fortement marqués par la débâcle de son prédécesseur, explique le professeur Arun Advani, directeur du Centre for the Analysis of Taxation (CenTax). “Comme l’héritage de la council tax est empreint du véritable désastre qui l’a précédé, elle a été considérée pendant longtemps comme intouchable ou irréformable au risque de rouvrir une plaie douloureuse”.
Or, 30 ans après son introduction, le passé de l’impôt local n’est plus présent dans l’esprit de nombreux résidents britanniques, et les taux d’évaluation des propriétés sur lesquels il se rapporte sont désormais largement dépassés. Alors pourquoi est-ce qu’une réforme n’a toujours pas été introduite ? La réponse est finalement assez simple : le taux revisité de la council tax forcerait un grand nombre de foyers à payer bien plus qu’en 1991 en raison d’une économie différente et de l’augmentation des prix de l’immobilier ces dernières années. Un constat qui fait de cette problématique un véritable terrain miné pour le gouvernement britannique.
Si certains résidents ressortiraient gagnants d’une telle réforme, d’autres, certainement plus nombreux, verraient leur impôt augmenter. “Comme pour toutes les réformes, les gagnants sont assez satisfaits, mais les perdants sont très en colère”, fait remarquer le professeur Arun Advani, avant d’ajouter, “les gagnants, qui paieront environ £100 ou £200 de moins par an, ne se montreront pas nécessairement reconnaissants envers le gouvernement, tandis que les perdants seront très conscients et vocaux au sujet de leur perte”.
De tels changements risquent aussi d’exacerber certaines inégalités au niveau du financement des councils par l’impôt en fonction des changements du prix de l’immobilier d’un endroit à l’autre. “Certaines municipalités à Londres ou au sud-est du pays – où les prix ont beaucoup augmenté – récupéreraient bien plus d’argent, alors qu’en proportion, le nord du pays en aurait bien moins puisque les prix n’y ont pas beaucoup augmenté”. Une situation qui pourrait pousser le gouvernement à créer un système de redistribution financière à travers le pays.
Autant d’éléments qui font de cette réforme un travail potentiellement long et laborieux avec, en outre, le risque pour le parti au pouvoir de perdre de nombreux sièges au Parlement et le soutien des électeurs “perdants”. “Cela représenterait beaucoup d’effort politique pour peu de gain empoché par le gouvernement”, reconnaît le professeur Arun Advani, tout en soutenant la mise en place d’une telle réforme pour “apporter plus de sens” à ce système dépassé. “Lorsque de nouveaux logements sont construits de nos jours, on est contraint de faire une estimation de ce qu’aurait été leur valeur en 1991 pour leur attribuer une “band”. Cette façon de gérer un impôt est dingue, donc nous avons vraiment besoin d’une réforme”.