« Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine », écrivait Michel de Montaigne dans ses Essais en 1580. Dans cette formule devenue intemporelle, le philosophe français souligne la nécessité d’une formation de l’esprit en faveur de la formulation de pensées cohérentes et pertinentes. Il est rejoint par le philosophe René Descartes qui, moins d’un siècle plus tard, écrit qu’il « n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien » dans son Discours de la méthode.
Si les Français ont pris les enseignements des philosophes au pied de la lettre en faisant de la philosophie une matière obligatoire aux baccalauréats général et technologique, les Britanniques ont choisi de la rendre optionnelle. Mais pourquoi donc, d’autant plus que cette différence culturelle surprend immanquablement nos concitoyens britanniques et est souvent mentionnée pour expliquer les soulèvements sociaux qui rythment la vie politique française ?
La réponse à la question est en grande partie historique. Apparu au Moyen-Âge en 1215, le baccalauréat est considéré comme l’un des plus anciens grades universitaires français. Après la suppression de l’Université de Paris après la Révolution française, le baccalauréat est une épreuve réinstituée par Napoléon Bonaparte en 1808, peu de temps après la création du lycée sous le Consulat napoléonien en 1799.
Pour Napoléon, les lycées représentaient des institutions publiques dont la vocation est de regrouper l’ensemble des disciplines enseignées en France, et la philosophie en faisait partie. Véritable réforme de l’éducation, l’enseignement obligatoire de la philosophie au lycée est ce que l’auteur Bruno Poucet appelle une « exception française ». Comme l’explique cet historien de l’éducation, la France est l’un des seuls pays européens à soumettre ses bacheliers à l’exercice de la dissertation et à l’explication de texte philosophique avant l’entrée à l’université.
S’il n’est pas obligatoire, l’enseignement de la philosophie n’est pas complètement absent des programmes britanniques. La matière peut être un domaine de spécialité choisi par les futurs bacheliers qui souhaitent gagner des points supplémentaires au baccalauréat. Le ministère de l’Education britannique indique que « les modules de philosophie […] introduiront les étudiants à un ensemble de modes de pensée philosophique ».
Au Royaume-Uni, la définition même de ce que représente l’enseignement philosophique est interrogée par les organismes de philosophie. Emma Swinn et Peter Worley, fondateurs de la Philosophy Foundation, insistent sur la nécessité de démocratiser l’enseignement de la philosophie dans les écoles. La fondation intervient auprès des écoles, collèges et lycées pour permettre aux étudiants d’avoir une formation au débat et une initiation à la conversation philosophique. « L’espace pour la philosophie est lacunaire au baccalauréat, où seule l’histoire de la philosophie est enseignée, au détriment de l’engagement critique à l’égard des idées », déplorent les deux fondateurs.
Ils soulignent également un problème systémique qui dépasse le contenu des cours de philosophie. Conséquence directe de l’absence d’obligation de la discipline dans les programmes, le manque de professeurs disponibles pour enseigner la philosophie représente un obstacle de taille dans le pays.