Elles ornent les armoiries officielles, le sol de la mairie, le mobilier urbain ou même le bras des Mancuniens. Les ‘bees’ ou abeilles – sculptées, dessinées, tatouées – font littéralement le “buzz” à Manchester. Mais d’où vient ce symbole et pourquoi est-il devenu l’emblème de cette grande ville du nord-ouest de l’Angleterre ?
Ces jolis insectes noirs et jaunes apparaissent entre autres sur le blason dont a hérité la ville en 1842. Y figurent notamment un lion, symbole de courage et une antilope surmontés d’un globe terrestre sur lequel sont représentées des abeilles. “L’abeille symbolise l’esprit travailleur des Mancuniens, la cité constituant un véritable ‘hive of activity’ (‘hive’ pour ‘ruche’ en anglais, un ‘centre bourdonnant d’activité’), explique la municipalité de Manchester. Il témoigne aussi du fort sentiment d’unité qui caractérise notre superbe ville.”
La représentation de l’abeille, ouvrière précisément, est donc à mettre en lien avec le travail mais surtout l’industrie. Un symbolisme qui tient au passé industriel de Manchester, ville emblématique du textile au cours de la révolution industrielle anglaise (XVIIIème – XIXème siècle). “La spécialité de Manchester, c’était le coton, donc pas vraiment de connexion immédiate avec les abeilles, précise Gareth Hacking, photographe freelance qui répertorie les différentes représentations de l’insecte dans la cité mancunienne et s’intéresse à leur histoire. Si ce n’est qu’on peut évidemment voir un lien entre le travail des ouvriers dans les usines textiles et celui des abeilles œuvrant dans leur ruche. Plusieurs manufactures (“mills” en anglais) se trouvant dans le Lancashire recevaient d’ailleurs le nom de ‘beehive mills’.”
Quant à la représentation de ces insectes volant au niveau d’un globe sur le blason de la ville, elle est probablement à mettre en relation avec la place centrale qu’occupait l’industrie mancunienne à l’époque. “Surnommée ‘Cottonopolis’, Manchester a un jour constitué le centre de l’industrie internationale du coton, indique-t-on du côté du Science and Industry Museum. On a pu y importer jusqu’à un milliard de tonnes de coton brut par an. Des villes comme Bolton et Preston, non loin, sont devenues des centres industriels. A Oldham, la Platt Brothers company a construit des machines textiles pour des manufactures partout dans le monde.”
Une ruche – “symbolisant le travail collectif pour le bien de tous”, rappelle Gareth Hacking – figure également sur l’emblème de l’Independent Order of Oddfellows Manchester Unity, une fraternité fondée en 1810. Celui-ci est repris par plusieurs pubs de Manchester et des environs ayant autrefois servis de lieux de réunion à cette société. L’abeille intègre aussi le logo des bières Boddingtons auparavant brassées dans la cité mancunienne.
Les ouvrières décorent par ailleurs le sol en mosaïque de la mairie et bourdonnent au sommet de la somptueuse tour-horloge, érigée au début du XXème siècle, de ce qui est maintenant le Kimpton Clocktower Hotel. A la fin des années 1970, elles ornent les bornes municipales et sont même introduites sur les poubelles de la ville en 2014. On les retrouve aussi sur le logo de la prestigieuse University of Manchester issue de la fusion, au début des années 2000, de la Victoria University et de l’Institute of Science and Technology.
En mai 2017, l’attentat terroriste au concert de la chanteuse américaine Ariana Grande à la Manchester Arena fait vingt-deux morts, de nombreux blessés… Et donne un nouveau sens à la symbolique de l’abeille. Accédant, tristement, à la notoriété internationale, l’insecte devient un symbole de résilience et d’amour, en hommage à Manchester et ses victimes. Des milliers de personnes se font tatouer une abeille en signe de solidarité.
“L’appel a été lancé par la tatoueuse Samantha Barber à Stalybridge et s’est rapidement répandu dans le Grand Manchester et au-delà : à Bristol, Glasgow et même en Australie, raconte Gareth Hacking. Les gens donnaient £50 pour se faire faire un tatouage d’abeille et l’argent était reversé en soutien aux victimes de l’attentat.” Fin juin 2017, plus de 500.000 livres avaient déjà été récoltées.
De superbes fresques murales ont par ailleurs cherché à rendre hommage à leur façon. A l’instar du très beau travail de l’artiste graffeur Russell Meham (ou “Qubek”, son nom d’artiste) représentant, sur le mur d’un café dans le quartier nord de la ville, vingt-deux abeilles autour d’un cœur de miel renfermant les lettres “MCR”.
Manchester bees
C’est le nom du site internet sur lequel Gareth Hacking collecte et expose – sous forme de photos – les différentes représentations d’abeilles se trouvant dans la ville accompagnées, naturellement, d’explications. Un vrai travail documentaire à retrouver ici.