Mercredi 8 mai prochain marquera le 79e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Alors que cette date est célébrée chaque année en France par un jour férié, comme dans d’autres pays tels que la République tchèque, la Slovaquie ou encore la Russie, le Royaume-Uni ne suit pas cette tradition de journée commémorative. Mais pourquoi donc le pays, pourrait un des principaux alliés pendant la guerre, a-t-il choisi de ne pas ériger cette date en jour férié national ?
Le 8 mai 1945, une journée nationale est proclamée par le Premier ministre britannique, Winston Churchill, pour célébrer le “Victory in Europe Day (VE-Day)”. Cependant elle ne sera pas instaurée comme jour férié annuel pour différentes raisons. Tout d’abord, la guerre n’est pas encore terminée au printemps 1945, les combats se poursuivant toujours en Asie. L’Angleterre, qui souhaite entretenir une relation spéciale avec les États-Unis, continue à soutenir son principal allié engagé dans le théâtre du Pacifique, en fournissant un soutien logistique et matériel crucial, notamment en partageant des renseignements et en offrant des bases militaires dans la région. Cependant, malgré cette implication, même la date du 2 septembre, marquant la fin mondiale de la guerre, n’est pas devenue un jour férié au Royaume-Uni.
Selon l’historien britannique Jeremy Black, le fait qu’aucune de ces deux dates ne soient pas considérées comme un ”public holiday” s’explique par le fait que “le jour de commémoration officiel est le jour de l’armistice, le 11 novembre, honorant le sacrifice des soldats de la Première Guerre mondiale, mais également depuis 1956, le sacrifice des soldats britanniques de toutes les guerres, y compris la Seconde Guerre mondiale.”
Afin de marquer cette double signification, un jour commémoratif supplémentaire a été ajouté, le Remembrance Day, qui tombe le deuxième dimanche de novembre.
“Une journée célèbre donc les deux dates au Royaume-Uni, cette idée a aussi été évoquée en France à plusieurs reprises”, souligne le spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. En effet, en 1975, Valéry Giscard d’Estaing décide de supprimer la commémoration officielle de la victoire sur l’Allemagne nazie et de la remplacer par une “journée de l’Europe”, afin de marquer la réconciliation franco-allemande.
L’ancien président de la République propose alors de transformer le 11 novembre en une journée nationale du souvenir, mais cela provoque l’indignation des associations d’anciens combattants. Le 8 mai est par la suite réinstauré par François Mitterrand en 1981 comme jour férié honorant la guerre. Cependant, son rituel reste largement similaire à celui du 11 novembre : le président passe en revue les troupes sur la place de l’Étoile, dépose une gerbe et ravive la flamme du tombeau du soldat inconnu, ce qui soulève le potentiel de rassembler les deux commémorations en une seule journée.
Il est peut-être inconcevable pour les Français vivant sur le sol britannique de ne pas considérer le 8 mai comme une date significative, qui, selon Jeremy Black, “est hautement controversée en France, contrairement au Royaume-Uni, ce qui explique sa résonance historique moindre”. En effet, la France a été occupée par les Nazis, un traumatisme pour la population. Par la suite, sous le général Charles de Gaulle, est né le mythe de la France résistante – le résistancialisme, néologisme créé par l’historien Henry Rousso – et qui prétend qu’il n’y avait que des résistants et aucun collaborateur de l’Allemagne nazie. “En France, cette date revêt donc à la fois un pouvoir unificateur et une célébration de la Libération”, déclare ainsi Jeremy Black, auteur du livre Rethinking Word War II.
Cependant, lors des anniversaires majeurs de la fin des combats, le Early May Bank Holiday, normalement fixé au premier lundi de mai au Royaume-Uni, peut être déplacé au 8 mai. Cela s’est produit par exemple en 1995 pour le 50e anniversaire du VE-Day, en 2020 pour le 75e anniversaire, il a également été déplacé au 8 mai en 2023, mais cette fois pour célébrer le couronnement de Charles IIII. Et il le sera peut-être l’an prochain pour les 80 ans… Ainsi, bien que les Britanniques ne négligent pas complètement cette journée chère à l’Europe, notamment à la France, il faudra quand même bien aller travailler le 8 mai !